L'Expérience communiste EUGÈNE VARGA : UN CONFORMISTE MALGRÉ LUI par Laszlo Tikos EN 1910, le Dr Eugène Jeno Varga, historien et économiste hongrois âgé de trente et un ans, alors peu connu, publiait un long article réfutant les théories historiques et philosophiques en vogue : selon lui, seule la théorie marxiste semblait offrir une interprétation rationnelle de l'histoire. Depuis, pendant un demi-siècle et jusqu'à sa mort au mois d'octobre dernier, Varga a écrit quelque sept cents articles et livres, sans pratiquement changer de sujet. Sa façon d'aborder les problèmes économiques n'a guère varié non plus : il s'est toujours fondé sur les considérations pratiques de la politique courante. Dès ses années d'étudiant (il reçut ses diplômes à l'université de Budapest en 1906), Varga s'était mis au service de partis politiques qui acceptaient l'interprétation marxiste de l'histoire, tout d'abord du parti social-démocrate, puis du parti communiste. La majeure partie de son œuvre fut écrite sur la commande de ces partis, ou encore par des organisations telles que le Comintern ou l'Académie des sciences de !'U.R.S.S. La conception marxiste du monde faisant une place de choix à la révolution qui devait mettre fin à la société capitaliste, l'essentiel de l'œuvre de Varga n'échappe pas à cette règle. Il commença à s'intéresser sérieusement au problème pendant l'été de 1912 : le parti social-démocrate n'ayant pu obtenir une parcelle de pouvoir dans le système parlementaire hongrois par voie de réforme électorale, il se persuada que seule l'abolition intégrale du système capitaliste pouvait apporter un changement dans la vie politique de son pays. Un important élément de sa théorie_révolutionnaire prit forme pendant 1~ pre~1è~e guerre mondiale ; il fut alors frappe par l 1nc1dencede l'effort de défense nationale sur la vie économique. Varga remarqua que l'anarchie de la production et de la distribution capitalistes avait été considérablement réduite par l'intervention de l'Etat. Il en conclut qu'une économie socialiste Biblioteca Gino Bianco devrait être agencée selon les grandes lignes d'une économie de guerre, avec, toutefois, un objectif de production différent. Si un Etat capitaliste pouvait organiser une production centralisée, pourquoi un régime socialiste ne serait-il pas capable d'en faire autant? D'AUTRESASPECTSde sa théorie révolutionnaire prirent corps pendant la révolution communiste hongroise de 1919. En tant que ministre de l'Economie nationale de l'éphémère régime, il eut une brève occasion de mettre ses idées en pratique. Il était alors personnellement responsable de la plupart des mesures économiques adoptées : nationalisation des banques, de l'industrie, de l'industrie de l'alimentation en particulier, et de l'agriculture, mise en circulation d'un nouveau papiermonnaie ; obligation, pour chacune des « classes » sociales, de travailler. Lorsqu'au bout de cent jours la dictature fut renversée, Varga, ainsi que Bela Kun et nombre d'autres dirigeants révolutionnaires, prit le train pour l'Autriche. En exil, Varga fit le point de son expérience et écrivit l'un de ses ouvrages les plus importants : Die wirtschaftspolitischen Probleme der Proletardiktatur 1 . Cette analyse des succès et des échecs enregistrés ajouta un autre élément à sa théorie révolutionnaire, à savoir la nécessité de la dictature du prolétariat comme transition entre le capitalisme et le communisme. Cette période transitoire devait, selon lui, durer « une génération environ ». Cependant, il é-tait suffisamment souple dans sa façon de penser pour ajouter que la dictature du prolétariat pourrait I. Vienne 1920; 2" éd. publi~e dans Bibliotluk der kommunistischen Internationale, n° 8, Hambourg 1921.
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