Le Contrat Social - anno IX - n. 2 - mar.-apr. 1965

88 femmes, et il est, avec Molière, contre les Femmes savantes ». Berth loue également ce « paysan franccomtois » d'avoir été, « au risque de passer pour papiste, contre l'unité italienne ». En outre, Proudhon n'était pas pacifiste : « ••• Au grand scandale de tous les démocrates, il fait de la guerre le panégyrique le plus superbe qu'on ait jamais fait et il voit dans le guerrier un homme plus grand que nature et dans la guerre " la manifestation qui nous honore le plus devant l'Eternel ".» En matière de philosophie, « Proudhon, avant M. Bergson, donne de l'esprit cette définition, qu'il est un mouvement : moveor, ergo sum » 2 • Enfin, écrit l'auteur syndicalo-royaliste, « oserai-je dire qu'il y a dans toute son œuvre comme une perpétuelle résonance chrétienne? »... Le christianisme de Proudhon, c'est « un christianisme d'allure toute française »... * )f )f GEORGESVALOIS,le boute-en-train du Cercle Proudhon, dans sa première conférence sur « l'esprit proudhonien» en décembre 1911, ne manquait pas de se rattacher à ses prédécesseurs : « Les personnes qui connaissent l'histoire des idées contre-révolutionnaires ne nous demanderont aucune justification de notre choix. Elles se souviennent que Drumont s'est souvent appuyé sur la pensée proudhonienne, que Maurras a découvert chez l'auteur de la Fédération en Italie le sens parfait de la politique française, que Dimier a placé Proudhon parmi les maîtres de la contreRévolution, que Bainville enfin a réuni dans une même dédicace les zouaves pontificaux et le penseur révolutionnaire qui " dans sa pleine liberté d'esprit, retrouve la politique des rois de France ". » Ayant dit, le conférencier aborde hardiment les difficultés : << La plupart de nos contemporains ne le connaissent guère que sous ce dernier aspect : " La propriété, c'est le vol ! - Dieu, c'est_le mal! " deux formules insépararables, dans l'esprit du plus grand nombre, de la mémoire de Proudhon et qui résument son œuvre. Vous savez combien c'est insuffisant, combien c'est faux( ...). Vous savez que la première critique proudhonienne de la propriété a abouti à une des plus fortes défenses de la propriété qui aient jamais été faites; vous savez également que, parmi les écrivains du x1xe siècle, Proudhon est un de ceux qui ont eu la plus profonde intelligence du catholicisme. Mais il n'en reste pas moins que Proudhon est un fils de la Révolution, un enfant perdu de 1789, et qu'il a eu la foi révolutionnaire. Et néanmoins, c'est un constructeur. » Constructeur, dit aussi M. Pierre Galland, autre conférencier du Cercle : « Comme Auguste Comte, il veut reconstruire une famille solide. 2. Berth, à l'exemple de son maître Sorel, se réclame toujours de Bergson, que Maurras abomine. BibliotecaGino Bianco DÉBATS ET RECHERCHES C'est avec les accents lyriques d'un Joseph de Maistre qu'il proclame l'éternelle nécessité de la lutte. Champion du pouvoir temporel des Papes, il se range aux côtés de Pie IX et du comte de Chambord ... » Seulement, au siècle dernier, « il lui manqua, pour le guider, cette " théorie de la France " que notre Maurras nous a enseignée ». Avec Henri Lagrange, certaines notions s'affirment sans qu'on puisse dire qu'elles se précisent. Dans un discours sur « L'œuvre de Sorel » pour le premier anniversaire du Cercle, il est question plusieurs fois de l' « Or» et du « Sang », avec ou sans majuscules. Après un fervent hommage à Sorel, sans réserve aucune, car « sans Georges Sorel, le Cercle Proudhon ne pourrait exister : il y sera donc toujours honoré et admiré comme un maître », se succèdent les tirades contre la cc Ploutocratie internationale », contre le cc régime de l'or », et exaltant « la force qui est aux sources mêmes de l'existence : le sang». Il s'agit de « l'intérêt suprême du sang français ». Les majuscules momentanément disparues reviennent : cc Filles du Sang, les amitiés et les protections nationales peuvent seules s'opposer avec efficacité à la conquête et à l'invasion des puissances de l'Or. » De Proudhon, il n'est guère parlé dans tout cela, mais son nom figure dans la péroraison : cc L'œuvre qui appelle nos soins, c'est, Messieurs, l'instauration de ce régime nouveau et de cet ordre français que notre illustre patron, Pierre-Joseph Proudhon, a espéré toute sa vie et dont Charles Maurras, dans sa brochure merveilleuse, Trois idéespolitiques, constate qu'on l'espère vainement depuis un siècle. » Un instituteur rural, Albert Vincent, seul de son espèce recruté par le Cercle, s'intéresse surtout aux idées de Proudhon sur la famille. Il souscrit notamment à celles-ci : cc Par le divorce, le~ époux avouent leur commune indignité, se déjustifient si l'on peut ainsi dire, en d'autres termes deviennent sacrilèges. » Sur l'autorité paternelle : « ~ •. C'est la récompense de ses travaux [du père] et la joie de ses vieux ans de donner sa fille, de choisir à son fils une femme de sa propre main (...). Quand un fils, une fille, pour satisfaire son inclinaison, foule aux pieds le vœu de son père, l'exhérédation est pour celui-ci le premier des droits et le plus saint des devoirs. » Et enfin : . cc Mariage, famille, cité, sont un seul et même organe. La destinée sociale est solidaire de la destinée matrimoniale.» Mais, soit prudence, soit ignorance, le digne instituteur omet de se référer. à La Pomocratie, ou les Femmes dans les temps modernes, ouvrage dans lequel Proudhon préconise « plutôt la réclusion que· l'émancipation» des femmes et où il énonce des aphorismes de ce genre : « Si ta femme te résiste en face, il faut l'abattre à tout prix», et : « L'homme a la force, c'est pour en user ; sans la force, la femme le méprise. » Il y envisage aussi les « Cas où le mari peut tuer sa femme selon la rigueur de la justice paternelle :

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