P.-J. PROUDHON : CENT ANS APRÈS dhon et dans Marx, lesquels ne furent pas exclusivement économistes, mais se signalèrent avec éclat en tant que philosophes de l'histoire, écrivains de grand talent et polémistes de rare envergure. Il importe donc de r.appeler les chaudes discussions qui mirent aux prises des proudhoniens de tendances opposées quand certains royalistes disputèrent Proudhon aux syndicalistes et aux anarchistes. * )f )f FONDÉENDÉCEMBRE 1911 à l'Institut d'Action française sur l'initiative d'Henri Lagrange et gratifié d'une allocution de Charles Maurras à sa première séance, le Cercle Proudhon publia de 1912 à 1914 des Cahiers qui annexaient tant bien que mal la pensée proudhonienne à la tradition nationaliste et monarchiste incarnée dans la Ligue dont l'Action Francaise journal était l'expression militante. Sur les huit fondateurs, il y avait là deux idéologues actifs en Georges Valois, qui depuis ..., et en Edouard Berth, alias Jean Darville, qui parlait au nom de Georges Sorel. Avant eux, remarquait le premier Cahier, Edouard Drumont s'était « souvent appuyé sur la pensée proudhonienne ». Jacques Bainville avait dédicacé son livre sur Bismarck et la France, en 1905 : «A la mémoire de P.-J. Proudhon qui, dans sa pleine liberté d'esprit, retrouva la politique des Rois de France et combattit le principe des nationalités ; à la glorieuse mémoire des zouaves pontificaux qui sont tombés sur les champs de bataille en défendant la cause française contre l'unité italienne à Rome, contre l'Allemagne à Patay. » Louis Dimier consacrait à Proudhon un de ses cours à l'Institut d' Action française en 1906 et le classait parmi les «Maîtres de la Contre-Révolution au x1xe siècle » (cf. le livre paru sous ce titre, Paris 1907). Le Cercle Proudhon pouvait donc faire valoir ses lettres de noblesse. Selon Dimier, traitant de Proudhon, « quelque apparence que les contemporains lui aient trouvée et qu'il ait affichée lui-~ême, on trouve au fond de quelques-unes de ses idées l'essence des vrais principes conservateurs au point qu'à divers égards la révolution de Proudhon se nomme exactement réaction». Encore que Proudhon se donnât épisodiquement le nom d'anarchiste, il préconisait « le contrat particulier, non social» comme principe fixe, « tout contrat selon lui devant être particulier, et ce que Rousseau nomma contrat social ne pouvant être qu'un mensonge, qui fait la honte de la Révolution ». Avec le contrat social, les particuliers seraient la proie d'une nouvelle raison d'Etat qui s'étendrait à toutes choses : « Là-dessus, la colère de Proudhon se déchaîne contre les Jacobins. Ils sont l'objet de sa plus grande haine et de ses invectives renouvelées. » Bien que personnellement hostile à la religion, Proudhon se prononce avec force pour le maintien Biblioteca Gino Bianco 87 des institutions religieuses et c'est l'essentiel, poursuit Dimier, qui cite La Fédération et l' Unité de l'Italie : « ••• Toute atteinte aux religions, à la liberté des cultes, et spécialement à l'Eglise catholique et aux droits qui lui sont reconnus aurait le caractère d'une persécution. » Proudhon est« l'antipode du prophétisme et de l'idéologie des révolutionnaires, il est tout conforme à Bonald, à Maistre, à Rivarol, à ce que nous avons lu chez Taine, chez Renan, chez Fustel ; tant il est vrai que Proudhon eut sa pensée générale orientée vers la contrerévolution». Dans sa Théorie de l'impôt, Proudhon fait cet éloge de l'héritage, donc de la propriété individuelle et familiale : « Une sagesse supérieure a posé le rail sur lequel roule le genre humain ; ce rail, nous le briserions si nous portions atteinte à la loi de transmission patrimoniale. » Et Dimier ne résiste pas à la satisfaction d'extraire de l'Idée de la Révolution au X/Xe siècle le virulent réquisitoire de Proudhon éreintant le Contrat social de Rousseau, « digne apostrophe de l'ouvrier français, français de race et de langue, français d'intelligence, au rhéteur suisse, auteur des destructions dont on aura cessé de faire l'apothéose ». Edouard Berth, complètement gagné à l'Action française, commençait ainsi son apologie de Proudhon, en janvier 1912 : « Depuis quelques années, une figure surgit de nouveau au grand jour de la pénombre où elle végéta un demi-siècle : c'est la figure de Proudhon, notre grand philosophe socialiste français. » Premier mérite de ce socialiste : « ••• Il est Français de la tête aux pieds, je dirai même plus, il est Gaulois »... Il ·descend de ces Gaulois « qui ne craignaient rien, même la foudre du ciel : la couardise allemande, le caporalisme allemand, le panthéisme allemand (...) ne pouvaient qu'exaspérer ce Franc-Comtois, petit-fils d'un paysan-soldat »••• Autres mérites de ce Gaulois, d'abord ses dilections littéraires : « Boileau et Bossuet, •le grand critique et satirique français, le grand évêque catholique français - voilà donc les deux grandes admirations littéraires de notre soi-disant père de l'anarchie ; deux auteurs (...) dont l'œuvre fut une œuvre de discipline, d'ordre, de règle, le contraire de l'anarchie; une œuvre doublement française, parce que classique et catholique ! » Ensuite, son héroïsme « pour tout dire, à la française, d'une aisance, d'un naturel, d'une grâce inimitables »... Ce héros, « il n'est pas Genevois, il est Français ». Et plus loin : «••• Mais je le répète, quelque chose de bien français», appartenant à une « race unique », celle de la « France éternelle ». Révolutionnaire, certes, Proudhon l'a été, « mais ce révolutionnaire peut passer pour un grand écrivain conservateur et l'un des maîtres de la contreRévolution au x1xe siècle ; et l'Action française en janvier 1909 a pu, sans trop de scandale, déposer une couronne sur sa tombe». Ce n'est pas tout. Proudhon « n'est pas féministe : courtisane ou ménagère, tel est son dilemme; il so~haite, à l'usage de notre temps, une seconde édition de la satire de Boileau sur les
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