N. VALENTINOV est intéressant de noter ce que Lénine dit et écrit à ce propos : 26 mars 1917 : « La Russie est un pays agricole, un des plus attardés d'Europe. Le prolétariat russe ne peut, par ses seules forces, mener à bonne fin la révolution socialiste, mais il peut donner à la révolution russe un élan qui facilitera l'entrée en action, pour les batailles décisives, de son principal collaborateur, le plus fidèle et le plus sûr aussi : le prolétariat socialiste européen et américain. » 11 janvier 1918 : « Nous n'avons jamais caressé l'espoir de passer du capitalisme au socialismesans l'aide du prolétariat international. Une victoire définitive du socialisme limitée à notre seul pays est impossible. Nous voyons maintenant clairement la marche de la révolution : la Russie a commencé, l'Allemand, le Français, l'Anglais achèveront et le socialisme vaincra. » 7 mars 1918 : « Il serait vain d'escompter la victoire finale de notre révolution, si celle-ci devait rester isolée. Le remède à toutes nos difficultés est dans la révolution européenne. » 23 avril 1918 : « C'est notre retard qui nous a poussés en avant, et nous périrons si nous ne réussissons pas à nous maintenir jusqu'à recevoir un soutien efficace de la part des ouvriers révoltés des autres pays. >> 26 mai 1918 : « On ne saurait mener à terme la révolution socialiste dans un seul pays, ce pays fût-il moins attardé que la Russie. >> 17 avril 1919 : « Une victoire complète, définitive, est impossible si elle se limite à la seule Russie. >> 6 février 1921 : « Au fond, vaincre définitivement le capital en un seul pays est impossible. Il s'agit en effet d'une force internationale, et pour le vaincre définitivement, il faut l'action concertée des ouvriers à l'échelle internationale. » Lénine montrait que la Russie d'après Octobre, « tout en précédant l'Angleterre et l'Allemagne du fait que le pouvoir politique y était passé aux mains des ouvriers », restait en même temps « fort loin derrière le plus attardé des Etats d'Europe occidentale en ce qui concerne l'organisation d'un capitalisme d'Etat rationnel, le niveau de la culture, la préparation à l'introduction d'une économie et d'une production socialistes >> 6 • En cas de victoire de la révolution socialiste,ne fût-ce que dans un seul des pays capitalistes avancés, il apparaîtrait aussitôt qu'en comparaison, la Russie était « un pays attardé au sens soviétique et socialiste du terme » 7 • Pour que la Russie pftt aller vers le socialisme, le prolétariat socialiste des pays avancés devrait pour ainsi dire la prendre en remorque. Lénine ne précisait d'ailleurs pas la nature de l'aide que le 6. Propos de Lbrine en avril 1921 ; cf. Œuvrts, t. 32, p. 318. 7.. Id., t. 31, p. 5. Biblioteca Gino Bianco 69 prolétariat des pays avancés passant au socialisme devrait apporter 1 la Russie; dans ses écrits, quelques notes isolées et fragmentaires permettent de conclure que cette aide devait prendre la forme d'un apport d'expérience politique et de méthodes d'organisation, de connaissances techniques et d'institutions culturelles ; ces pays fourniraient également à la Russie les biens matériels dont elle était dépourvue, et la conseilleraient enfin sur la manière d'utiliser et de transformer ses richesses naturelles. C'est une aide extérieure de cette nature qui devait mettre en forme, fortifier et, selon l' expression de Lénine, « parachever » le socialisme en voie d'édification en Russie. Sans cette aide, la Russie, seule et livrée à ses propres forces, n'était pas en mesure d'édifier pleinement le socialisme. C'est là un point de vue que développe nettement Lénine dans un article intitulé « Notes d'un publiciste », où il écrit : Nous avons créé un type soviétique d'Etat, inaugurant par là une ère nouvelle de l'histoire universelle, l'ère de la domination politique du prolétariat. Il est impossible désormais de revenir là-dessus, mais il faut dire aussi qu'on ne pourra parfaire ce type soviétique d'Etat que par l'expérience pratique de la classe ouvrière de plusieurs pays. Nous n'avons même pas fini de jeter les fondements de l'économie socialiste, et cela nous n'avons pas peur de le dire, car nous savons que rien n'est plus dangereux que les illusions. Il n'y a, dans l'aveu de cette amère vérité, absolument rien d'« effrayant », rien qui puisse fournir un prétexte légitime au moindre découragement, car nous avons toujours confessé et répété cette vérité élémentaire du marxisme, à savoir que, pour faire triompher le socialisme, il faut les efforts concertés des travailleurs de plusieurs pays avancés 8 • On trouve, toujours présentée comme « vérité élémentaire du marxisme », une « profession de foi » identique dans un autre article de Lénine écrit en février 1922, mais qui ne fut imprimé dans la;Pravda que le 16 avril 1924, après la mort de l'auteur. Quelles furent les raisons de ce retard ? Ce n'étaient certainement pas les invectives que l'on pouvait y trouver à l'adresse de l'Allemand Levi et de !'Italien Serrati, coupables de s'être écartés des directives du Comintern. Ni non plus parce qu'il y était dit que les menchéviks, tout en restant les « agents de la bourgeoisie », « avaient cependant eu parfois raison contre les bolchéviks ». Il semble que ce soit autre chose qui ait fait hésiter Lénine, et différer la publication de cet article. En réalité, ses nouvelles idées étaient de plus en plus en contradiction avec celles qui furent les siennes à l'époque du communisme de guerre (1918-19). Une phrase de son intervention au XIe Congrès du Parti est très caractéristique à cet égard : << 1918-19 ont été de grandes années, mais si nous regardons en arrière et si nous refusons de voir la tâche qui nous attend, nous courons à notre perte certaine 9 • >> 8. Lénine : Œuvres, t. 33, p. 180. 9. Discours du 27 mars 1921 ; cf. Œ,"'res, t. 33, p. 262. ,.
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