68 russe germe en Europe. L'impérialisme international aux abois va périr. » 29 mars : « La révolution approche. Elle vient ces jours-ci de triompher en Hongrie, où le pouvoir des soviets est désormais établi. Tous les peuples y viendront, inévitablement. » 11 avril : « Nous avions promis une révolution mondiale ; la voilà commencée. Notre position internationale est excellente. Quelques mois seulement nous séparent désormais de la victoire sur le capitalisme dans le monde entier. » 16 juillet : « Nous affirmons avec force que ce mois de juillet est le dernier à passer dans des conditions aussi difficiles ; en juillet de l'année prochaine, nous fêterons la victoire de la République soviétique internationale. » 17 juillet : « La Russie, avec le pouvoir des soviets, était tout d'abord isolée, puis la Hongrie soviétique est venue se joindre à elle, et voici qu'en Allemagne le pouvoir est en train de passer aux soviets. Le jour n'est pas loin où l'Europe entière s'unira pour ne plus former qu'une seule République soviétique. » 22 novembre : « La révolution socialiste en Europe occidentale n'est plus une question de jours, mais d'heures. De même en Amérique, en Angleterre. La paix de Versailles n'est qu'une victoire apparente des impérialistes triomphants ; en réalité, elle annonce l'écroulement de tout le monde impérialiste. » Mais les événements se refusent obstinément à suivre le schéma de Lénine, et en 1920 il est amené à y introduire des modifications et des atténuations. Il commence à parler d'un ralentissement de la révolution mondiale. Il écrit le 6 mars 1920 : « Beaucoup espéraient tout d'abord qu'en Europe occidentale la révolution socialiste commencerait dès la fin de la guerre. En fait, la marche de la révolution y est plus lente. L'Europe, pour aller à la révolution, emprunte une autre voie que nous, mais au fond elle fait la même chose. » Le 6 novembre 1920, il reconnaît désormais que « la cause de la révolution internationale a subi ces derniers temps plusieurs défaites dans les petits pays, où de puissants rapaces ont aidé à écraser le mouvement». La certitude qu'avait Lénine de l'avènement prochain de la révolution mondiale disparaît ensuite au point qu'en mars 1921, il déclare au Congrès du Parti que « ce serait pure folie » de croire ou d'imaginer qu'un secours « va bientôt venir d'Europe sous la forme d'une révolution prolétarienne durable » 4 • Quatre mois plus tard, le 5 juillet, force lui est bien de constater que « dans les pays capitalistes, après la conclusion de la paix - si mauvaise qu'elle puisse être - on n'a pas réussi à déclencher la révolution ». 4. Lénine : Œuvres, t. 32, p. 156. BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Ce désir ardent de Lénine de voir l'avènement de la révolution et d'y contribuer par tous les moyens était naturel et fort compréhensible. Depuis la publication du Manifeste communiste de Marx et d'Engels en 1848, l'idée de l'écroulement du système capitaliste, conséquence de la révolution mondiale, était devenue le fondement même de la Weltanschauung marxiste orthodoxe sous sa forme primitive, avant les corrections qui y furent apportées à partir des années 90 par le « révisionnisme », c'est-à-dire par la critique marxiste soucieuse de tenir compte des faits nouveaux. Mais dans cette foi, dans cet appel à la révolution mondiale tels qu'on les trouve chez Lénine, il y a deux aspects entremêlés, qu'il importe au plus haut point de distinguer. Lénine savait très bien que les pays capitalistes avancés étaient, sur le plan militaire, plus forts que la Russie soviétique, au point d'être en mesure, par une intervention décisive, de renverser le " pouvoir soviétique. D'où son désir de voir supprimer ces Etats capitalistes, dont seule la disparition, selon lui, garantirait définitivement l'existence même de l'Etat soviétique. et la continuité de l'édification socialiste qu'aucune force extérieure ne viendrait interrompre. C'est dans ce sens qu'il disait que la victoire finale de la révolution soviétique ne pouvait être assurée si cette révolution restait isolée. C'est également le sens de la formule constamment employée par lui : Lorsque nous posons la question des objectifs et des conditions de la victoire de la révolution prolétarienne en Russie, nous disons que cette victoire ne pourra être durable si elle n'est pas appuyée par la révolution prolétarienne en Occident. On ne peut juger correctement notre révolution qu'en se plaçant sur le plan international. Pour vaincre définitivement, nous devons faire triompher la révolution prolétarienne dans tous les pays capitalistes, ou tout au moins dans les principaux. MAIS il est un autre aspect des thèses de Lénine sur la révolution mondiale. En dépit de certains propos de tribune, lancés dans le feu de l'action et de manière plus ou moins irresponsable (par exemple, en 1918 : « ••• D'un socialisme encore informe et proclamé par décret, nous sommes en train de passer au véritable socialisme» 6 ), Lénine estimait que de graves raisons de toutes sortes, d'ordre intérieur, rendaient impossible l'édification du socialisme dans un seul pays, à savoir la Russie, bien que celle-ci eût la première commencé la révolution au ·nom du socialisme. Pour vaincre les obst~cles intérieurs s'opposant à l'instauration définitive du socialisme, la Russie avait besoin de l'aide de pays capitalistes avancés passant au socialisme. En considérant à nouveau les dates, il 5. Intervention à la séance du V.Ts.I.K., 22 octobre1918; cf. Œuvres, t. 28, p. 105.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==