Le Contrat Social - anno IX - n. 1 - gen.-feb. 1965

\ L'OBSERVATOIRE des deux Mondes Etre de gauche ou être de droite, c'est choisir une des innombrables manières qui s'offrent à l'homme d'être un imbécile ; toutes deux, en effet, sont des formes d'hémiplégie morale. De plus, la persistance de ces qualificatifs ne contribue pas peu à falsifier encore davantage la « réalité » du présent, déjà fausse par elle-même ; car nous avons bouclé la boucle des expériences politiques auxquelles ils correspondent, comme le démontre le fait qu'aujourd'hui les droites promettent des révolutions et les gaµches proposent des tyrannies. J .. ÜRTEGA Y GASSET. DE JUIN A OCTOBRE 1948 parut ['Observateur des.deux Mondes bimensuel, une modeste newsletter comme disent les Anglais, qui tentait d'exprimer ce que la presse ayant pignon sur rue ne permettait pas de dire. L'impécuniosité des temps et l'avachissement du public mirent bientôt fin à cette tentative encore trop optimiste. Mais plus que jamais subsiste le besoin de combler certaines lacunes et de faire entendre des voix non conformistes. On le sait de reste, la liberté théorique de la presse n'existe en pratique qu'en faveur des privilégiés choisis par le hasard plus souvent que selon leurs mérites. La pensée libre ne trouve refuge que par intermittences dans de petites publications à faible tirage qui sont, au regard des journaux quotidiens ou hebdomadaires, ce que la flûte et le violon soli seraient par rapport aux orchestres tonitruant de tous leurs cuivres.. Doit-on pour autant renoncer à la parole ? Il a été plusieurs fois répondu ici même aux critiques· ou observations qui se résument en des interrogations comme : pourquoi ne pas traiter tel sujet, pourquoi ne plus parler de tel autre ? La disproportion entre nos ·moyenset les exigences de l'actualité courante n'ont jamais permis· de· résoudre cette quadrature du cercle. Nous vou-• drions essayer pourtant d'aborder, au moins brièvement, plus de questions actuelles que nous ne l'avons fait jusqu'à maintenant. C'est pourquoi s'ouvre la présente rubrique de l'Observatoire, substituée· à rancien Observateur; pour accueillir à l'instar de· la Chronique des notes cursives et de courts articles d'origines diverses : non seulement tous nos collaborateurs,. mais des lecteurs aussi, pourront y prendre. part sùivant les circonstances. Biblioteca Gino Bianco Churchill · Tout a été dit, semble-t-il, en hommage à l'homme d'Etat hors série qui, dans la situation apparemment désespérée de l'Europe en 1940, s'est montré capable de galvaniser les_énergies britanni- , ques devant l'affreuse menace· hitlérienne, de rendre espoir et confiance aux peuples prostrés sous le poids écrasant d'une invasion irrésistible, de devenir l'âme de la défense et de la contreoffensive qui ont libéré le monde du plus hideux des cauchemars. Aucune objection, aucun grief ne sauraient prévaloir contre une vérité aussi peu contestable. Churchill n'avait pas que des vertus. Comme l'a écrit son ami Harold Nicolson : « Bien que grand parlementaire, il s'en faut qu'il ait toujours vu juste, ou qu'il ait toujours été adroit lorsqu'il agissait en homme de parti » (Figaro du 25 janvier). Et cela ne dit pas tout. De Gaulle, dans ses Mémoires, le loue de son comportement « sans scrupule ». Sur ce point également, il y aura beaucoup à dire. Il n'empêche qu'aux heures décisives pour le destin de notre civilisation, Churchill s'avéra l'homme exceptionnel de circonstances exceptionnelles, qu'il a incarné la volonté de faire front aux « coquins » de l'hitlérisme et de les mettre à toute force hors d'état de nuire. Car ce ne fut pas une guerre comme tant d'autres, entre un pays et les pays voisins, mais· une entreprise inédite dans les temps modernes de brutes lâches et cruelles armées des techniques les plus récentes pour exterminer par millions des femmes et des enfants, pour anéantir des millions d'individus sans défense, pour réduire à la condition de sous-hommes les survivants asservis à une prétendue « race supérieure» au nom de stupides théories zoologiques d'analphabètes. Entreprise atroce qui s'est orisée contre la résistance personnifiée dans Churchill, en attendant qu'une vaste coalition se forme, s'organise et s;équipe à la mesure du fléau à combattre. Aussi la mort de cet Anglais extraordinaire· n'a-t~elle pas mis que l'Angleterre seule en émoi et en deuil; elle a profondément ému et endeuillé tous ceux qui savent ce que l'espèce humaine doit à un Churchill et qui ont encore de la mémoire. En France., notamment, que les nazis se préparaient à dépecer pour .en annexer des morceaux et

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