L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS 47 les plus influents n'est plus seulement le renversement de l'Empire, mais la substitution à ce régime justement détesté d'un état social où les théories communistes seraient en application immédiatement par la main d'un pouvoir dictatorial. Parmi ceux qui appellent de tous leurs vœux ces réformes immédiates, plusieurs déclarent qu'ils n'ont aucune préférence pour telle ou telle forme de gouvernement. Quelques-uns même ajoutent qu'ils accepteront les réformes qu'ils réclament de la main du gouvernement impérial. A cette date, les événements ultérieurs l'ont prouvé, l'Internationale compte dans son sein des agents bonapartistes, apôtres plus ou moins avoués, mais très zélés, de cette chose grotesque qu'on a qualifiée de socialisme impérial. Un nouveau congrès se tint à Bâle en 1868. On y vit des Russes, des Autrichiens, des Allemands du Nord, des Anglais, des Espagnols, des Italiens et enfin des Français; mais ces derniers n'y figuraient qu'en petit nombre. Le sujet à l'ordre du jour était la propriété foncière. Une première déclaration émanant de la commission du congrès et dont le premier article est le suivant : « La propriété foricière est abolie, le sol appartient à la collectivité ; il est inaliénable » est en vain attaquée avec une grande vigueur par Tolain et Langlois ; leur langage plein de bon sens n'est point écouté, et la déclaration suivante est votée par 54 voix contre 4; 13 délégués présents s'étaient abstenus. Cette pièce émane du Russe Bakounine, un quasi-boyard communiste. La voici : Je vote pour la collectivité du sol en particulier, et en général de toute la richesse sociale, dans le sens de la liquidation sociale. J'entends par liquidation sociale l'expropriation, en droit, de tous les propriétaires actuels, par l'abolition de l'Etat politique et juridique qui est la sanction et la seule garantie de la propriété actuelle et de tout ce qui s'appelle le droit juridique; et l'expropriation, de fait, partout et autant qu'elle sera possible et aussi vite qu'elle sera pos::- sible, par la force même des événements et des choses. Quant à l'organisation postérieure, considérant que tout travail productif est un travail nécessairement collectif et que le travail que l'on appelle improprement individuel est encore un travail produit par la collectivité des générations passées et présentes, Bakounine conclut à la solidarisation des communes, proposées par la majorité de la commission, d'autant plus volontiers que cette solidarisation implique l'organisation de la société de bas en haut, tandis que le projet de la minorité nous parle de l'Etat. Je suis, ajoute-t-il, un antagoniste résolu de l'Etat et de toute politique bourgeoise de l'Etat. Je demande la destruction de tous les Etats, nationaux et territoriaux, et, sur leurs ruines, la fondation de l'Etat internationaldes travailleurs. Biblioteca Gino Bianco Dans la première moitié de l'année 1870, si fatale à la France, l'Internationale fit peu parler d'elle. Au début de la guerre avec la Prusse, elle publia un manifeste en faveur de la paix, et ce fut tout. Vers la fin de 1870, à Paris, elle contribua peut-être dans une certaine mesure aux affaires du 31 octobre. Son rôle important commence au mois de février 1871. Nous n'avons pas ici à faire l'histoire du mouvement insurrectionnel du 18 mars, et nous nous contenterons de dire que dans le Comité central, qui fut le point de départ du mouvement communiste, figuraient plusieurs membres de l'Internationale. Lorsque le gouvernement de la Commune fut installé à !'Hôtel de ville, il comptait sur soixante-dix-neuf membres vingt sociétaires qui faisaient partie de l'Association avant le congrès tenu à Bruxelles en 1868. Sur ces vingt membres, quinze, au moins, avaient poussé de toutes leurs forces l'Association dans la voie où nous l'avons vue pleinement engagée par le congrès de Bâle de 1869. Sur les cinquante-neuf autres membres de la Commune, on en comptait à peine sept qui fussent hostiles à l'Internationale. Le reste, pour les deux tiers au moins, était entré dans l'association en 1869 et au commencement de 1870. L'influence de l'Internationale et surtout de la fraction communiste de cette société sur les événements du 18 mars et ceux qui les suivirent jusqu'au 25 mai de la même année ne semble donc pas niable. Resterait à examiner si l'élément bonapartiste, qui figurait jusque dans le personnel des membres de la Commune, ne doit pas être tenu comme responsable, dans une large mesure, des désastres qui ont accablé la capitale à la fin de mai ; mais ces questions ne peuvent trouver place ici. Depuis 1871, l'Association internationale a tenu quelques congrès qui n'ont présenté qu'un médiocre intérêt, et elle semble être en voie de décroissance en Europe. Elle s'est d'ailleurs coupée en deux en 1872, et cette division s'est accentuée à Genève en 1873. Des questions de rivalité personnelle entre MM. Karl Marx, Bakounine et Vésinier ont produit une scission qui ne peut qu'amener la ruine de l'Association. Quelques gouvernements ont cru devoir édicter des lois sévères contre les membres de cette association. Le ministère Dufaure a fait voter le 14 mars 1872 une loi qui prononce un emprisonnement de trois mois à deux ans et une amende de 50 à 1 .ooo francs contre tout individu qui s'affiliera ou fera acte d'affilié à l'Association internationale. Le gouvernement espagnol a suivi l'exemple du gouvernement français et a sévi contre l'Internationale au lendemain du mouvement suscité dans ce pays par ceux que l'on appelait alors les intransigeants. Mais le gouvernement anglais a refusé de suivre une semblable politique ; il a pensé que, si les membres de l'Internationale devenaient dangereux, les lois ordinaires suffiraient pour les contenir,
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