Le Contrat Social - anno IX - n. 1 - gen.-feb. 1965

46 L'organisation d'un enseignement professionnel international ; Des émigrations et des immigrations partielles des membres de l'Association ; La stricte observation du principe de réciprocité. Les délégués des différentes nations regagnèrent leur patrie, et c'est à ce moment que se place la première intervention du gouvernement impérial. Les délégués anglais, en traversant la France, furent dépouillés par la police de tous les papiers qu'ils portaient et ne purent rentrer en possession desdits papiers que trois mois après, sur la demande formelle de lord Cowley, alors ambassadeur d'Angleterre à Paris. Cette immixtion de la police impériale et les clameurs d'une certaine presse qui invitait l'Empire à poursuivre l'Internationale décidèrent le. bureau de la rue des Gravilliers à dresser le plan d'une société d'assurance mutuelle destinée à faire revivre l'Internationale sous un autre titre, si celle-ci venait à être frappée par l'Empire. Ces précautions furent d'ailleurs inutiles, et la police impériale, mise au fait de cette tentative, la fit avorter au moyen des mille et une tracasseries que peut se permettre toute organisation policière. La scission allait s'accentuant entre le parti exclusivement politique et les internationaux socialistes, lorsqu'en 1867 éclata la grève des bronziers, à l'occasion de laquelle l'Association montra quelle était et quelle pourrait être sa puissance. Voici le fait : une société ouvrière de crédit mutuel s'était fondée dans cette profession et avait pris un développement considérable. Les patrons inquiets sommèrent leurs ouvriers d'avoir à quitter leurs ateliers ou à cesser de faire partie de la société de crédit mutuel. Les ouvriers répliquèrent à cette sommation en mettant à l'index toute maison de laquelle seraient chassés des ouvriers pour cause de participation à la Société. La lutte s'ouvrit ; les patrons fermèrent leurs ateliers et attendirent. La Société de crédit mutuel tenait bon, mais ses ressources s'épuisaient; c'est alors que deux membres fondateurs de l'Internationale partirent pour Londres, accompagnés de trois délégués des bronziers. Les Anglais, mis au fait, fournirent quelques ressources, et plusieurs billets de 1.000 francs arrivèrent de Londres au beau milieu d'une réunion tenue à Ménilmontant et à laquelle assistaient quelques patrons dissidents. Les patrons cédèrent devant la crainte d'être ruinés avant une association qui, dès cette époque, passait pour disposer de capitaux énormes ; les ateliers se rouvrirent. L'Internationale venait une première fois de donner la mesure de sa .puissance. Quelques troubles ayant éclaté dans certaines manufactures à Roubaix et les ouvriers ayant brisé les machines, le bureau de Paris adressa aux grévistes une lettre remarquable dans laquelle il déclarait que les machines, instruments de travail, devaient être sacrées et terminait en faisant un appel chaleureux aux membres de l'Internationale, qu'il invitait à secourir des frères ma}4eureux. Biblioteca Gino Bianco PAGES OUBLIÉES Passons sur divers incidents et arrivons au congrès de Lausanne (septembre 1867). Ce congrès fut signalé par des discussions importantes sur les questions ouvrières, sur l'organisation de l'enseignement et sur les moyens d'étendre l'influence de la Société. Ensuite le congrès délégua plusieurs de ses membres au congrès de la paix à Genève. Le résultat de cette alliance fut l'intervention de l'Internationale dans quelques manifestations politiques, qui eurent lieu au cimetière Montmartre (2 novembre 1867), au tombeau de Manin, puis dans celle du 4 novembre contre la réoccupation de Rome par les troupes impériales. L'Internationale avait fait œuvre de société politique, le gouvernement impérial allait la poursuivre ouvertement. Alafindedécembre 1867, des perquisitions furent opérées au siège de la Société, rue des Gravilliers, et au domicile des fondateurs. Ces perquisitions n'amenèrent aucune saisie importante et l'Empire fut obligé de renoncer à poursuivre · l'Internationale comme société secrète ; il se contenta de traduire devant ses tribunaux quinze prévenus, qu'il accusa de faire partie d'une association non autorisée. L'affaire vint, au mois de mars 1868, devant la 6e chat.nbre, que présidait le célèbre Delesvaux. Etaient prévenus : Chemalé, Tolain, Héligon, Camélinat, Murat, Perrachon, Fournaise, Gauthier, Dauthier, Belami, Gérardin, Bastien, Guyard, Delahaye et Delorme. Le procès fut vif et animé. L'avocat impérial Lepelletier déclara que les prévenus étaient tous des ouvriers honorables et requit néanmoins contre eux l'application de la loi. Ils furent condamnés à 100 francs d'amende. Appel fut fait de ce jugement; Murat présenta la défense de ses amis. M. MerveilleuxDuvignau, qui acquit sous l'Empire une si triste célébrité, soutint la prévention, et, le 29 avril 1868, le jugement de première instance était purement et simplement confirmé. Le pourvoi en cassation introduit par les condamnés fut rejeté le 12 novembre de la même année. La dissolution de la Société, et par suite celle du bureau de Paris, avait été prononcée par le jugement qui condamnait les principaux membres à I oo francs d'amende. En dépit de cette décision et avant même qu'elle fût devenue définitive, un nouveau bureau se reconstituait. Le gouvernement poursuivit immédiatement neuf des membres du nouveau bureau, et, le 22 mai 1868, paraissaient devant la 6e chambre Varlin, Malon, Humbert, Granjon, Bourdon, Charbonneau, Combault, Landrin et Mollin. Ils furent condamnés à trois mois de prison et 100 frans d'amende. C'est à cette époque que se place un fait qui a eu une importance cay,itale dans la marche ultérieurement suivie par 'Internationale ; nous voulons parler de l'invasion de cette société par le groupe communiste que nous retrouverons presque au complet dans les conseils de la Commune. A dater de I 868 et surtout de I 869, la Société, fondée pour l'étude des questions sociales, se transforme en association politique sous l'influence des partisans de Blanqui. Le but des sociétaires

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==