Le Contrat Social - anno IX - n. 1 - gen.-feb. 1965

L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS 43 EN 1862, à l'occasion de !'Exposition universelle de Londres, les délégués ouvriers des différentes · nations se rencontrèrent en cette ville et furent naturellement amenés à comparer les conditions et les produits du travail de leurs nationalités respectives. De cet examen il résulta, pour les délégués français, que le travailleur anglais gagnait plus et cependant produisait à meilleur marché. On cherchait la raison de cette anomalie apparente lorsque les ouvriers anglais, consultés, attribuèrent les résultats obtenus à leur trade's unions, qui les mettaient en mesure de lutter avec les patrons et d'obtenir l'établissement de tarifs rémunérateurs de leur travail. Cette révélation fut un trait de lumière pour les ouvriers français ; ils se firent expliquer avec le plus grand soin le mécanisme des trade's unions et résolurent de tenter, dès leur retour à Paris, l'organisation de sociétés analogues. La fin de !'Exposition de Londres arriva. Un grand banquet de clôture eut lieu, auquel assistaient les représentants des travailleurs de tous les pays. On y but à l'alliance future de tous les travailleurs du monde et les délégués se séparèrent, décidés à se mettre immédiatement à· l' œuvre. De retour en France, les délégués parisiens se mirent à rédiger leurs observations et à exposer les moyens qui leur paraissaient les plus sûrs pour obtenir les améliorations dont ils sentaient le besoin. Quelques-uns proposèrent d'apporter certaines réformes dans les lois; d'autres, dans les coutumes corporatives; d'autres enfin, dans les procédés de fabrication. Tous semblaient disposés à conclure à la fondation d'une société analogue à celle qu'ils avaient vue à Londres ; mais, sous l'influence de conseillers dévoués à l'Empire, plusieurs s'en remirent au chef de l'Etat du soin d'améliorer leur situation; d'autres réclamèrent le rétablissement de barrières corporatives et la création de privilèges spéciaux pour chacune des branches de l'industrie nationale. Quelques-uns seulement repoussèrent et l'intervention de l'Empire et de nouvelles restrictions à la liberté. Parmi ces derniers, d'ailleurs en très petit nombre, il convient de citer M. Tolain, aujourd'hui sénateur élu par Paris. Ce citoyen, doué d'une activité et d'une intelligence rares, avait compris toute la grandeur de l'idée émise à Londres; aussi, quelques semaines à peine après son retour à Paris, il se mettait à l'œuvre; du fond de son atelier, il groupait quelques amis et, de concert avec eux, étudiait la constitution future de la société. De nombreuses correspondances s'échangeaient déjà à cette époque entre ceux qui devaient être les fondateurs de l'Internationale et leurs amis de Londres, lorsque la question polonaise et les élections générales au Corps législatif vinrent, en 1863, détourner l'attention du groupe Tolain et ralentir pendant quelques mois la marche de l'œuvre entreprise. Toutefois, Tolain et cinq codélégués s'étant rendus à Londres à l'occasion du meeting tenu à Saint- Jaines en faveur de la Pologne, une réunion eut lieu à laquelle assistaient Potters, un des chefs des Biblioteca Gino Bianco trade's unions ; Collet, journaliste réfugié français ; Géo Odger, un Anglais; Eugène Dupont, un Français, et de nombreux délégués appartenant à toutes les nations. Dans cette réunion, Tolain exposa ses idées sur la formation d'une société internationale des travailleurs. Son idée fut adoptée en principe, mais le temps manquait pour l'organisation immédiate et l'on promit de se revoir. Enfin, vers le milieu de septembre 1864, Tolain, Perrachon et A. Limousin partaient à Londres après avoir groupé autour d'eux une soixantaine de membres au plus. Les fonds nécessaires au voyage avaient été fournis par une cotisation hebdomadaire fixée à o fr 25 par membre adhérant au projet d'étude. Le 28 septembre 1864, le meeting public organisé dans Saint-Martin's Hall réunit, officiellement cette fois, les représentants ouvriers de plusieurs nations européennes. Dans ce meeting on jeta les bases de cette association, si humble à son début, qui devait, quelques années plus tard, jouer ou se voir attribuer un rôle d'une importance capitale. Après une courte discussion entre les délégués présents, on procéda à la nomination d'un comité chargé d'élaborer les statuts de l'Internationale. Dans cette même séance, on décida qu'un congrès ouvrier aurait lieu en 1865, et qu'on lui soumettrait les statuts rédigés par la commission. Jusqu'à cette date, le comité chargé de la rédaction devait agir comme conseil central provisoire. Son siège était fixé à Londres. Un mois et demi après ce meeting, 1a commission expédiait à ses correspondants de Paris un opuscule écrit en anglais, et qui n'était autre que le pacte fondamental. A la réception de cette pièce, les membres de l'association à Paris (ils étaient soixante environ) nommèrent au poste de secrétaires correspondants pour Paris MM. Tolain, ciseleur, Fribourg, graveur décorateur, et Limousin, margeur. Le 8 janvier 1865, un bureau était ouvert à Paris, rue des Gravilliers, 44, et le même jour le préfet de police et le ministre de l'intérieur recevaient des exemplaires des statuts et étaient ainsi officiellement avisés de la constitution de la société. Nous croyons devoir suspendre un instant ici l'historique de la société l'Internationale pour donner le texte du pacte fondainental. Cette pièce, publiée autrefois par toute la presse, ne saurait être omise par le Grand Dictionnaire. Le texte que nous donnons est celui qui fut adopté par le congrès de 1865. Il convient d'ajouter, d'ailleurs, que les modifications apportées à la rédaction du comité par l'assemblée chargée de revoir ce travail ont été presque insignifiantes et ont porté plutôt sur la rédaction que sur les idées. Voici ce texte : PaitLIMINAIRBS Considérant: Que l'émancipation des travailleurs doit ~tre l'œuvre des travailleurs eux-m~es, que les efforts des travailleurs pour conquérir leur émancipation ne doivent pas

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