Le Contrat Social - anno IX - n. 1 - gen.-feb. 1965

34 · ment », nous dit le contremaître qui faisait visiter à notre groupe quelques appartements flambant neufs à Kiev. Néanmoins, dans certaines pièces, la peinture des murs s'écaillait déjà et l'on décelait d'autres signes d'un travail grossier et de matériaux de piètre qualité. Malgré cette fièvre de construction, un très grand nombre de familles vivent encore dans des logements exigus et très insuffisants. A Sotchi, quelqu'un m'invita à visiter son minuscule appartement : une seule pièce, où il vivait avec sa femme et ses trois filles, dont l'aînée avait treize ans. La pièce était si petite et à tel point bourrée de meubles qu'une personne seule pouvait difficilement y circuler. Officier pendant la dernière guerre, cet homme occupait à présent un emploi subalterne de mécanicien. Il touchait un salaire qui semble correspondre à la rétribution moyenne de la plupart des gens, environ 100 roubles par mois. Il aurait pu se permettre un loyer plus élevé, s'il avait eu la possibilité de dénicher un meilleur logement. * )(- )(- QUI A CONNUSotchi il y a cinq ans aurait du mal à la reconnaître aujourd'hui. Une foule de bâtiments ont surgi, y compris une nouvelle salle de cinéma ultra-moderne appelée le Spoutnik. Leurs succès en matière d'exploration spatiale semble avoir donné aux Russes un sentiment de confiance en eux-mêmes qui leur permet d'accepter maintenant avec bonne grâce de l'étranger des idées architecturales qu'ils auraient considérées naguère comme immorales. Un nouvel ensemble résidentiel a été également construit, avec des appartements vastes et modernes : « Il a même son propre centre d'approvisionnements», nous a précisé fièrement notre guide. Cependant, les constructions nouvelles sont loin d'être suffisantes pour loger tout le monde dans ce centre de villégiature florissant. La population permanente est passée de 50.000 à 167.000 âmes au cours. des cinq dernières années et le chiffre des gens de passage, vacanciers et touristes, s'est accru de quelque 30 °/4 par an. On escompte que le nombre total des gens de passage atteindra cette année un million et demi environ. Dans cet afflux, nombre de travailleurs méritants dirigés sur Sotchi par leur syndicat pour y jouir de vacances quasi gratuites dans le luxe des 55 « sanatoriums » d'Etat. Mais le gros de la troupe est composé de gens qui viennent de leur propre chef (« à la sauvage», comme disent les Russes); ceuxlà paient des prix exorbitants pour avoir le privilège de s'entasser dans les logements déjà exigus des habitants du cru ou dans tout autre recoin disponible. Quand la saison touristique bat son plein, des queues interminables se forment devant les BibliotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE magasins et les restaurants, et les plages regorgent de baigneurs au point qu'il est difficile de trouver une place pour s'asseoir. Sotchi est déjà la station balnéaire la plus populaire de l'Union soviétique. En outre, cette ville devient rapidement un lieu d'intérêt touristique attirant des visiteurs de toutes les autres parties du bloc communiste. Pour cette raison, Sotchi est loin d'être caractéristique pour les villes russes de même importance. En fait, le développement exceptionnel du tourisme indique que, libéré des règlements et des contrôles officielsqui l'entravent, celui-ci pourrait devenir une industrie importante dans de nombreuses régions de !'U.R.S.S., et par là même aider un certain nombre de villes de province à s'affranchir, à rivaliser avec les grandes cités par leurs agréments et leur raffinement. MONPÉRIPLEdans le sud de la Russie une fois terminé, je rentrai à Moscou d'où je pris un avion pour l'Angleterre. Pendant que les immenses espaces verts et bruns de la Russie fuyaient sous le grand avion à réaction, je me pris à penser à quel point l'Union soviétique est moins mystérieuse aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a seulement quelques années. A l'heure actuelle, avec quelque 38 cités et villes normalement ouvertes aux touristes occidentaux, un étranger est autorisé à voir beaucoup plus que par le passé ; il peut coordonner les aspects souvent déconcertants de la scène russe et en tirer un tableau plus ou moins cohérent. Nul n'ignore maintenant que le tableau d'ensemble est beaucoup moins brillant que voudrait le faire croire la propagande soviétique. La vérité sur la vie soviétique revêt une importance particulière alors que le communisme est proposé aux foules innombrables d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine comme la formule leur permettant de se libérer de la misère. Un nombre croissant de gens originaires de ces régions visitant aujourd'hui }'U.R.S.S. pour se rendre compte des faits par eux-mêmes, la vérité devient plus difficile à farder. Je me souviens de la remarque d'un jeune étudiant africain rencontré dans un café de Moscou. « Je suis surpris, dit-il, que les Russes pensent que leur système puisse nous convenir, à nous autres Africains. Nous avons avant tout besoin d'aliments et des autres nécessités de l'existence ; or les Russes semblent avoir encore moins à manger que nousmêmes. » Il avait évidemment eu l'occasion de constater l'état des choses ailleurs que dans la ville de Moscou. ANTHONY SYLVESTER. {Traduit de l'anglais)

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