A. SYLVESTER « Je préférerais de beaucoup vivre dans un appartement de l'Etat », me dit-il. Après avoir attendu depuis la fin de la guerre, il avait fini par renoncer. « Si j'avais été membre du Parti, ajouta-t-il, je n'aurais eu aucune difficulté à en obtenir un.» Son logement était une petite maison sans étage, comprenant trois chambres et une cuisine. L'électricité était installée et la· famille disposait d'un récepteur de radio et d'un téléviseur. Le lotissement comptait quelque 300 habitations de construction similaire, dont un grand nombre avaient une antenne de télévision sur le toit. « Aucune n'a de lieux d'aisances à l'intérieur», me dit mon ami. Toutes avaient seulement des cabinets rustiques au fond de la cour. L'eau, il fallait aller la chercher assez loin, à une pompe qui desservait une centaine de foyers. Pour sa maison, mon ami avait payé 4.000 roubles. Depuis lors, les autorités avaient interdit toute nouvelle construction par des particuliers. Pour me rendre chez mon ami, je pris un taxi. Le chauffeur arrêta sa voiture à environ 800 mètres du lotissement : la route était en trop mauvais état pour qu'il puisse aller plus loin. Il n'exagérait nullement : faisant à pied le reste du chemin, par endroits j'enfonçais profondément dans la boue. « Bien des gens ne peuvent même pas se rendre à leur travail après une forte chute de pluie ou de neige, me 'dit mon ami. Les chemins par ici deviennent pour ainsi dire impraticables. »A la fin de la soirée, quittant la maison dans l'obscurité pour regagner mon hôtel, je glissai dans un fossé et m'enfonçai dans la boue jusqu'aux genoux. Cette mésaventure n'avait, paraît-il, rien d'exceptionnel. De la maison, nous marchâmes environ un kilomètre pour atteindre l'arrêt d'autobus le plus proche. Là, nous dûmes attendre au moins une demi-heure. Le trajet jusqu'au centre de la ville prenait vingt minutes, mais coûtait seulement 5 kopeks. Vivre dans une ville de province telle que Volgograd, et plus particulièrement dans un faubourg, n'a pas que des désavantages. « Ici, me dit mon ami, nous n'avons pas à craindre les mouchards du Parti. Vous et vos amis pouvez toujours venir chez moi. Aucun de mes voisins n'est communiste.» Cet homme et sa famille paraissaient relativement peu exposés aux pressions et aux chicaneries politiques, ce qui contraste nettement avec le cas d'autres amis russes habitant de grands ensembles résidentiels dans les cités. « Au cours des trois dernières années, ajouta mon ami, nous n'avons été appelés que deux fois à assister à des réunions politiques. »A Moscou, les réunions des habitants d'un llot ou d'une rue sont beaucoup plus fréquentes, ce dont les gens se plaignent énormément. La surveillance, politique et autre, de l'Etat et du Parti semble donc moins rigoureuse en province que dans la capitale. Moi-même, j'ai fait l'objet d'une filature très serrée à Moscou et à Léningrad, alors que j'ai à peine été suivi à Volgograd, à Rostov, à Sotchi et ailleurs. Biblioteca Gino Bianco 33 Volgograd a aujourd'hui 680.000 h2bitr.nts, contre 445.000 en 1939. L'arrivée en m~sse de paysans des campagnes environnantes soulève toujours de graves problèmes de logement. La ville, détruite pendant la guerre, est aujourd'hui presque entièrement reconstruite dans un style qui serait morne et rébarbatif sans les grandes avenues droites bordées d'arbres. Pour rappeler les ravages de la guerre, le squelette solitaire d'un bâtiment détruit par les bombes a été laissé en place : il est photographié sous tous les angles par les visiteurs étrangers, la plupart appartenant aux délégations des pays « socialistes » qui arrivent presque quotidiennement. On est en train de tailler dans le roc un énorme monument commémoratif à l'endroit où ont eu lieu les combats les plus acharnés. A Volgograd, le visiteur constate que toute allusion à Staline ou à l'ancien nom de la ville, est soigneusement évitée. Un film présenté dans le planétarium de Volgograd à des touristes étrangers réussissait à décrire les événements de la guerre sans mentionner une seule fois l'homme à qui, naguère encore, on attribuait un rôle prépondérant dans la victoire de Stalingrad. PRESQUE PARTOUT dans l'Union soviétique, on se rend compte que le problème du logement, pratiquement ignoré pendant plusieurs décennies, est maintenant pris au sérieux. De grands ensembles résidentiels, au style parfois presque moderne, avec des balcons peints en rouge, bleu ou orange vif, poussent comme des champignons à la périphérie des villes.« Nous construisons annuellement plus de logements que tout autre pays », affirmait avec orgueil l'un de nos guides. A Kiev, je bavardai avec un architecte sur le chantier d'un vaste ensemble qui devait, selon lui, une fois terminé, abriter 300.000 personnes. « Nous bâtirions même plus vite, me dit-il, si nous n'avions pas des goulots d'étranglement dans la livraison des pièces de bois et de métal.» Comme je lui demandais le nombre des candidats inscrits pour les appartements, il me répondit : « Impossible de vous donner ce renseignement. Tout ce que je peux dire, c'est que la liste est interminable.» Les chantiers ne semblaient pas manquer de main-d'œuvre non spécialisée, en raison probablement du grand nombre de gens venant des campagnes et soucieux de trouver un emploi en ville, quel qu'il soit. Cependant, la main-d'œuvre spécialisée aussi bien que les matériaux de construction sont plus faciles à obtenir dans les très grandes villes qu'en province. Dans les villes les plus lointaines, on voit souvent les ouvriers du bâtiment se servir d'outils primitifs, et la qualité du travail s'en ressent nettement. Dans les grandes cités elles-mêmes, la qualité des nouveaux logements laisse encore beaucoup à désirer, malgré une nette amélioration au cours des dernières années. « Nous apprenons constam-
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==