L'Expérience communiste DANS LA PROVINCE RUSSE par Anthony Sylvester « UNE FOISSORTdIe Moscou, vous ne trouverez plus de pain blanc », me disait un ami russe alors que je prenais congé de lui à l'aéroport de Vnoukovo avant de m'envoler pour le sud de la Russie. Cet avertissement n'avait rien d'inquiétant, mais je comprenais la raison qui poussait mon ami à me parler ainsi : pour lui, le pain était encore l'aliment de base, ce qu'il n'est plus depuis longtemps en Europe occide~tale~ et en Russie le pain blanc est préféré au pain noir. En effet, je n'ai pas trouvé de pain blanc en province, sauf à Léningrad et à Kiev qui toutes deux ont presque rang de capitales. Ces deux grandes cités sont à juste titre des centres d'intérêt touristique et attirent de nombreux visiteurs étrangers. Là, comme à Moscou, les approvisionnements en denrées alimentaires semblaient suffisants, bien que les prix fussent généralement plus élevés qu'au moment de mon dernier passage, trois ans auparavant, et que la qualité fût le plus souvent inférieure à celle que l'on trouve presque partout ailleurs en Europe. Dans les autres villes de province, la pénurie d'aliments était manifeste. Je songeais à l'importance des transports aériens pour un pays comme !'U.R.S.S. pendant que l'avion à réaction, un Toupolev argenté, me transportait, confortablement et rapidement, vers une ville lointaine. Les passagers auraient pu être ceux d'un autobus dans une région industrielle de l'Angleterre. Quelques femmes bien en chair, des enfants dans leur giron, essuyaient la sueur qui ruisselait de leur front. Des hommes en bras de chemise, coiffés de casquettes souples ou d'affreux chapeaux de paille, semblaient avoir quitté l'usine quelques minutes auparavant. A Moscou, des affiches publicitaires annoncent que pour atteindre Vladivostok, à l'extrémité orientale de l'Union, il suffit de quatre heures et demie exactement de vol. De Moscou à Rostovsur-le-Don, le voyage prend seulement deux heures au lieu de dix-neuf par le chemin de fer, et Biblioteca Gino Bianco il coûte moins cher. Pour l'aller et retour de Kiev à Simféropol (Crimée), j'ai payé 36 roubles, soit le prix d'une paire de chaussures d'homme. Même prix pour le billet de Léningrad à Sotchi, sur la mer Noire. (Le rouble vaut officiellement 5 F.) L'avion est évidemment la solution du problème que posent les énormes distances du pays. Avec le développement des transports aériens, ces distances perdront une partie de leur importance et les différences entre les grandes cités et les villes de province iront en diminuant. Mais, à l'heure actuelle, les distances sont encore en partie à l'origine de ces contrastes ahurissants qui foisonnent dans la vie russe. AVANTmon voyage précédent en U.R.S.S., en qualité de touriste individuel, j'avais sollicité l'autorisation de visiter plusieurs villes ukrainiennes. La permission fut refusée sous prétexte que les villes en question ne disposaient d'aucune installation pour recevoir les étrangers. Néanmoins, pendant mon séjour à Kiev, j'ai simplement pris un autobus interurbain et me suis rendu à Biélaïa-Tserkov, à . environ, 100 kilomètres. Aucune question ne m'a été posée lorsque je suis arrivé là et que j~me suis promené en ville. Ce que j'y ai vu m'a rappelé étonnamment les photos sur la vie au « paradis des soviets » publiées par la propagande allemande pendant la guerre. D'épais nuages de poussière couvraient les routes, défoncées par endroits de trous de trente centimètres et plus. Des filles, pieds nus, portaient des seauxd'eau. Dans une mare, quelques femmes entre deux âges pataugeaient, n'ayant gardé, dans la chaleur de l'été, que leurs culottes noires de coton. Un homme qui prenait un bain de soleil à côté de moi m'avoua qu'il n'avait pas touché son salaire depuis deux mois et ajouta : « Cela arrive très souvent; ici, nous sommes malheureusement loin du siège de notre entreprise. » C'était un travailleur du bâtiment, avec une femme malade et deux enfants à sa charge. ' I
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