20 ·centième anniversaire de la création de l' opritchnina (1565), il est probable que la question, directement liée à la déstalinisation, va passer à l'arrière-plan. Les difficultés extérieures du Kremlin vont sans doute freiner le processus , amorce. La première tâche de nombre d'auteurs, savants et historiens, hier encore thuriféraires de Khrouchtchev, sera de « dékhrouchtchéviser » l'histoire de la dernière guerre, de remplacer le culte de Khrouchtchev par celui de la « direcLE CONTRAT SOCIAL tion collégiale », en attendant le culte d'un quelconque Ivan Ivanovitch Ivanov. Le traumatisme infligé par Staline à la mentalité de deux générations soviétiques interdit de croire à la renaissance prochaine d'une historiographie digne de ce nom, comme le fut celle de Vessélovski. Pour qu'un tel espoir se réalise, il faudra attendre l'entrée en scène des hommes nés après 1953. E. DELIMARS. IVAN LE TERRIBLE selon la vérité officielle et changeante du régime soviétique L'article qui précède se réfère plusieurs fois aux interprétations pseudo-marxistes de la personnalité ' du Terrible qui figurent dans la Grande Encyclopédie Soviétique. On lira ci-après l'article sur Ivan IV paru en 1929 dans la première édition de la Petite Encyclopédie Soviétique, dont la brièveté permet la reproduction intégrale. La manie d'introduire à tout propos et hors de propos un concept « de classe » s'y étale avec une conviction primaire désarmante. Du moins n'y est-il pas question de définir les tueurs, massacreurs et tortionnaires de l' opritchnina comme une force « progressiste » en y sous-entendant une apologie du Guépéou et la justification du culte abject de Staline : à cette date, c'eût été encore inconcevable. IVAN IV VASSILIÉVITCH, LE TERRIBLE (1530-1584), grand-prince (à partir de 1533), puis « tsar de toute la Russie » (1547). -Ivan IV régna à l'époque de la décomposition du féodalisme. La crise économique amena de grands regroupements de classes : reléguant à l'arrièreplan les boyards en pleine décrépitude qui prenaient appui sur des formes économiques féodales, elle favorisa l'ascension d'une jeune classe de nobles-propriétaires fonciers astreints au service. Une lutte acharnée entre les boyards et la noblesse occupa le règne d'Ivan IV. Celui-ci fut l'idéologue de l'autocratie, qui réalisait la dictature de la noblesse. Le sens de classe des mesures essentielles prises par Ivan IV se ramenait à cette lutte, quoique dans les premiers temps les choses ne fussent pas allées jusqu'à la rupture ouverte avec les boyards (époque dite du Conseil des élus). Les «réformes» d'Ivan IV - Etats généraux de 1550 et refonte du code des lois ( Soudiebnik), élaboration d'un règlement ecclésiastique ( Stoglav, 1551), réforme de l'administration locale - étaient favorables à la noblesse de service. Les intérêts de cette dernière inspirèrent également la politique extérieure d'I van IV : la nécessité de s'emparer de voies commerciales avantageuses et d'augmenter le fonds agraire pour nantir la noblesse de service mena à la conquête des royaumes de Kazan (1552) et d'Astrakhan (1556) et à la guerre de Livonie. Dans les années 1560, Ivan IV créa l'opritchnina, ce qui signifiait la rupture ouverte avec les boyards. Il l'accompagna de confiscations massives de leurs terres, de disgrâces et d'exécutions. Terrorisés, les boyards surnommèrent Biblioteca Gino Bianco Ivan IV « le Terrible». En tant qu'fndividu, Ivan IV est très complexe : un extrême déséquilibre, la dépravation, la cruauté allant jusqu'au sadisme et des accès de mysticisme religieux s'alliaient chez lui à une vive intelligence politique et à un grand talent de plume auquel on doit, par exemple, ses lettres au prince Kourbski. La bibliographiene trouve que M. N. Pokrovski à mentionner comme source historique marxiste, ce même chef d'école que Lénine appréciait au plus haut point et que Staline condamna à une disgrâce posthume. Les autres historiens mentionnés, « non marxistes», sont S. M. Soloviev et V. O. Klioutchevski, dont les ouvrages restent classiques. La deuxième édition de cette Petite Encyclopédie Soviétique, en 1935, comportel'adjonction suivante : Les œuvres d'Ivan IV sont un monument imposant de la littérature polémique de la Russie au xv1e siècle Ses lettres à A. Kourbski constituent le fondement théorique du pouvoir illimité du monarque et de la lutte nécessaire contre les boyards, représentants de la grande propriété foncière apanagée. La haine d'I van IV pour les boyards confère à cette polémique politique une acuité et un éclat particuliers. Les actes diplomatiques . dus à la plume d'I van IV présentent un grand intérêt : · dans ses «lettres de reproches » au roi de Suède, il profite de l'occasion pour «renchérir dans l'invective » au sujet de la maîtrise sur la Baltique. On connaît également son Adresse au monastère de Saint-CyrilleBiélozerski et son Testament. Staline n'a pas craint de s'égaler au Ten-ible quant à « un extrême déséquilibre, la dépravation, la cruauté allant jusqu'au sadisme » et de s'attribuer tous lestalents et tous lesméritesdont il était dépourvu en usant au maximum des moyens de déformation et de propagande que la technique moderne avait mis entre ses mains. Autres temps, autres proportions: il a torturé et exterminé par millions des êtres humains, là où Ivan IV n'en pouvait torturer et exterminer que des milliers, abstractionfaite de toute considération « de classe». Le déboulonnagede l'un devait immanquablement entraîner celui de l'autre.
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