D. P. HAMMBR interne avait « divorcé de la vie», qu'elle était marquée d'étroitesse d'esprit, qu'elle manquait d'intérêt et était parfois inintelligible 7 • Aussi s'estil, depuis lors, efforcé de corriger ces déficiences. Cependant, en ce qui concerne la jeune génération, le Parti a tenté de résoudre le problème simplement en intensifiant l'endoctrinement. Un nouveau programme « d'études sociologiques» (obchtchestvoviédénié) est entré en vigueur dans les écoles. Dans les universités, les étudiants sont obligés, depuis 1963, de suivre un nouveau cours ayant trait aux « fondement du communisme scientifique », outre les cours traditionnels sur l'histoire du Parti et sur le marxisme-léninisme. Ce nouveau cours porte principalement sur des problèmes de l'époque actuelle tels que « la transition du capitalisme au communisme - voie de l'évolution de toute l'humanité » et « la formation et l' évolution de la société communiste». Dans ce programme, deux points saillants. Premièrement, on consacre plus de temps, tout au moins à présent, à l'étude des« fondements du communisme scientifique » dans les universités que dans les instituts techniques. Deuxièmement, le nouveau cours ne tente aucunement de donner une formation marxiste aux étudiants. Le cours est censé être fondé sur l' « expérience pratique» acquise par l'Union soviétique et les « démocraties populaires » en matière d'édification du socialisme, plutôt que sur les ouvrages classiques. Le document fondamental de ce cours est le programme du Parti de 1961 8 • L'attrait de l'Occident CE QUE le Parti appelle indifferentizm est, dans une certaine mesure, exactement l'opposé d' « indifférence ». C'est la soif de tout ce qui est occidental. Dans une économie fermée, souffrant d'une perpétuelle pénurie de biens de consommation, presque tout ce qui vient du monde occidental est non seulement exotique, mais un important symbole qui rehausse le prestige de l'individu. (J'ai rencontré un jour un étudiant qui avait réussi à se procurer des cigarettes d'une marque américaine bien connue présentées dans un étui s'ouvrant d'un léger coup de pouce. L'étui commençait à s'abîmer, mais il le tirait encore de sa poche d'un geste étudié, choisissait avec précaution une cigarette, de fabrication soviétique, puis, avec tout autant de soin, le refermait.) Mais il me semble que les choses occidentales qui fascinent tant les étudiants soviétiques ne sont que cela : des choses, et non pas des idées. Les jeunes sont enthousiasmés par les gadgets américains et irrésistiblement attirés par tout ce qui est à la mode en Occident ; ils 7. D~cision du Comit~ central du 9 janv. 1960 : • Sur les tAches de la propagande du Parti dans les conditions actuelles •, in Le P.C.U.S. dans les r4solutiom et ks d4cilion1 dt1 congri1, conf'rence, et pUnums du Comiti central, Moscou 196o, 4c- partie, pp. 593-94. 8. Cf. • Pour les ~tudiants - une conception du monde marxiatc-l~niniste ", in Pravda, 22 janv. 1964. Biblioteca Gino Bianco 365 désirent ardemment s'imprégner davantage de la culture des masses occidentales, mais ils ne comprennent guère les institutions politiques de l'Occident. Je me souviens qu'en 1961, avant la parution du nouveau programme du Parti, certaines rumeurs assez curieuses circulaient au sujet de ce que ce programme permettrait d'accomplir. Un jeune homme m'affirma,« selon des renseignements précis », que le programme permettrait la construction dans les cinq ans d'une centaine de boîtes de nuit « de style américain » à Léningrad. (Inutile de dire que le programme ne contenait rien de pareil.) L'histoire du «magasin finlandais » courut à Léningrad à la même époque. Cette rumeur présentait plusieurs versions, chacune d'elles fondée sur des cc renseignements précis » : selon la plus courante, le gouvernement avait signé avec la Finlande un nouvel accord commercial et les Finlandais devaient ouvrir un immense magasin de nouveautés à Léningrad. Ce magasin représentait le paradis pour l'étudiant soviétique : on y vendrait seulement les articles occidentaux les plus recherchés, tels que corsages de nylon, disques de jazz, chaussures à talons aiguille et complets wash and wear. Selon une autre version, le magasin était déjà ouvert, mais seulement à l'usage des membres haut placés du Parti. Comme la rumeur relative aux cabarets, l'histoire du « magasin finlandais » n'était qu'un mythe, mais elle donne une idée de ce que bien des jeunes gens désirent, et de ce dont ils rêvent. La définition selon laquelle le « communisme scientifique » se fonde sur l' cc expérience pratique » pourrait revêtir une grande importance pour l'avenir. Non seulement elle ferme la porte d'une manière subtile à toute autre interprétation de doctrine - qu'elle soit d'origine chinoise ou révisionniste, - mais elle suggère que l'expérience, telle que la définit le Parti, est plus importante que la doctrine. Le fait que Marx et Lénine ont été éclipsés par le cc marxisme-léninisme» n'est évidemment pas nouveau. Toute une génération d'intellectuels soviétiques a été formée à l'aide de manuels simplifiés à l'excès et d'abrégés scrupuleusement choisis tels que Lénine et l'Etat et Lénine et I'Art. Dans l'esprit des Soviétiques, cc marxisme-léninisme» n'est qu'une expression désignant la « ligne générale du Parti » et l'intelligentsia le sait fort bien depuis longtemps. Ce qui est nouveau, c'est que l' « expérience pratique )) est désormais reconnue comme la source officielle de l'endoctrinement de la nouvelle élite. Pourtant, il est paradoxal que l'on rende hommage d'une manière extravagante à Marx comme étant le plus grand penseur de l'histoire et le fondateur du « socialisme scientifique », alors qu'on ne lit pas ses œuvres, presque tombées dans l'oubli 9 • 9. Certes, quelques frudits continuent à porter un intérêt immuable nu marxisme classique, et quelques étudiants de philosophie ont manifesté un intérêt nouveau pour Marx du temps de sa jeunesse. Mois, jusqu,t\ présent, cet intér~t ne s,est pas r~pandu dons les université .
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