Le Contrat Social - anno VIII - n. 6 - nov.-dic. 1964

J.F. HOUGH nombre de cas, et que les livraisons de grain prennent un caractère de prélèvements obligatoires ( prodrazverstki). Cette pratique ébranle l'économie agricole et la confiance des agriculteurs dans le fait qu'une quantité suffisante de grain sera conservée pour satisfaire les besoins publics des collectifs, ainsi que pour payer des journées de travail, après que les obligations de l'année auront été remplies (vol. I, p. 98). OUTRE les renseignements inédits qu'il fournit sur l'agriculture, le recueil offre également des aperçus nouveaux sur les techniques politj.ques de Khrouchtchev et sur le rôle de celui-ci dans le système politique soviétique. Il est certain que l'image qu'on se fait généralement de la personnalité de Khrouchtchev ne subit pas de changement substantiel du fait de cet ouvrage. Le premier secrétaire continue d'apparaître comme un leader sagace, sûr de lui, maître dans l'art de combiner l'humour et l'inflexibilité. Ses discours ne sont peut-être pas prononcés en un russe classique, mais ils dénotent une aptitude impressionnante à manier l'auditoire, surtout lorsque celui-ci s'est assemblé pour discuter de questions agricoles. Les discours et mémorandums indiquent cependant clairement que le but des fréquents voyages de Khrouchtchev aux quatre coins du pays n'est pas seulement de haranguer et de persuader. Le premier secrétaire semble apprendre plus facilement en voyant les choses de ses propres yeux et en s'entretenant avec les fonctionnaires locaux. (Dans ses discours et ses mémorandums, il s'étonne souvent de faits dont on pouvait penser qu'il avait eu déjà connaissance grâce à des rapports.) En somme, ses voyages constituent pour lui un moyen très important d'acquérir les informations nécessaires pour gouverner. Il est également évident que Khrouchtchev prend grand soin de s'assurer qu'il recevra tous renseignements utiles au cours de ses voyages. Non seulement il pose sans cesse des questions, mais il se fait généralement accompagner par des membres du secrétariat du Comité central et les charge de recueillir des renseignements supplémentaires ou d'interroger les fonctionnaires qu'il n'a pas le temps de voir personnellement. De plus, il se réserve souvent le droit de décider quel kolkhoze il visitera dans une région donnée : Il y a tant d'années que l'on m'y conduit [dans les kolkhozes] ! }'ai de l'expérience dans ce domaine. Je vois très bien la façon dont on s'y prend, où l'on m'emmène et les méthodes qu'on emploie pour se débarrasser de moi. Je voudrais choisir le kolkhoze moi-même, mais parfois le temps est si mauvais que nous ne pouvons faire un détour, et on en profite. Mais, lorsqu'il fait beau, je dis : « Tournez ici 1 », et je vais où je veux. Et j'arrive sans crier gare (vol. II, p. 95). Jusque dans son bureau, Khrouchtchev semb~e avoir soif de renseignements et préfère les obtenir Biblioteca Gino Bianco 357 directement des fonctionnaires intéressés. Dès 1955, il déclarait : « Je sais fort bien que lorsque j'ai commencé mon travail au Comité central après la mort de Staline, certains camarades ont exprimé du mécontentement parce qu'on leur posait, au Comité central, des questions sur de prétendus "détails " » (vol. II, p. 126). Khrouchtchev citait le fait non pas pour s'excuser mais pour exiger de tous les secrétaires régionaux du Parti qu'ils suivent son exemple afin d'acquérir une connaissance détaillée de leur région. * ,,. ,,. CERTAINpSensent qu'en dépit des efforts constants qu'il fait pour être informé, Khrouchtchev n'a jamais compris la nature complexe des problèmes agricoles ni les conditions économiques indispensables au développement de l'agriculture. Selon eux, Khrouchtchev nourrit l' « idée bolchévique » que tout peut s'arranger si l'on découvre la formule magique d'organisation et si l'on choisit des organisateurs compétents. Or le Khrouchtchev qui émerge de ces huit volumes n'est pas cet optimiste naïf. Certes, il continue à proclamer lors de chaque réorganisation que la solution parfaite a été trouvée et que chaque kolkhoze peut devenir une autre « Kalinovka » si l'on met un président compétent à sa tête. Mais il montre souvent une compréhension des besoins de l'agriculture qui s'accorde mal avec certaines déclarations plus simplistes. Il ne fait pas de doute qu'on a souvent dit à Khrouchtchev quelles étaient les mesures nécessaires pour améliorer l'agriculture. Considérons par exemple le passage suivant, tiré d'un discours prononcé par lui en février 1960 devant des délégués d'Europe orientale : Je dois vous dire que lors de la préparation de cette session [celle du Comité central, en décembre 1959], nos organismes agricoles - les sections agricoles du Comité central pour les Républiques fédérées et pour la R.S.F.S.R., aussi bien que le ministère de l' Agriculture - ont élaboré des propositions plutôt radicales pour le développement de toutes les branches de l'agriculture en Union soviétique. Nous les avons rejetées (vol. IV, p. 109). La nature exacte des propositions n'est pas révélée, mais le premier secrétaire parlait probablement de l'une d'elles lorsqu'il déclarait au Comité central en décembre 1959 : « Afin de remplacer la quantité nécessaire d'engrais organique par des engrais minéraux, il nous faudrait construire un grand nombre de nouvelles usines et investir des dizaines de milliards de roubles >) (vol. IV, p. 80). Il est clair que Khrouchtchev rejetait alors l'idée d'accélérer la production d'engrais minéraux, non parce qu'il considérait le plan comme défectueux en soi, mais r.arce qu'il s'avérait peu judicieux en raison de 1existence d'autres programmes. « Bien sftr, il nous est encore impossible de prendre cette voie », déclarait-il en la

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