356 tueuse lutte menée pour améliorer l'agriculture soviétique fait l'objet d'un récit vivant, ainsi que les espérances évanouies : l'espoir de produire de 1o à 11 milliards de pouds de céréales dès avant 1960 ·et de rattraper les Etats-Unis quant à la production de viande par tête d'habitant ; l'espoir que le maïs résoudrait le problème de l'élevage, ce qui résoudrait par la même occasion le problème de l'engrais, donc celui des faibles rendements du sol ; l'espoir lié aux innombrables réorganisations, dont chacune devait mettre fin au « bureaucra- ~sme » et libérer l'énergie créatrice du kolkhozien. Les espoirs s'envolaient l'un après l'autre. En 1953, Khrouchtchev écrivait dans son mémorandum sur les terres vierges : « Il y a tout lieu» de penser que les nouvelles terres ne produiront « pas moins de quatorze à quinze quintaux à l'hectare 2 ». En 1954, il déclarait au Présidium : « Nous pouvons exporter des céréales même vers les pays capitalistes »(vol. I, p. 303) et, à l'automne de 1958, il prédisait avec exubérance que «bientôt» la production de céréales serait si élevée que l'Etat « achèterait du grain à ceux des kolkhozes qui le vendraient le meilleur marché» (vol. III, p. 297). Pourtant, un peu plus d'un an après, Khrouchtchev explique à un groupe de délégués d'Europe orientale : «Nous n'avons pas encore les réserves de céréales nécessaires pour satisfaire les demandes des pays socialistes amis» (vol. IV, p. 115) et, en 1962, il déclare gravement que le rapport des terres vierges n'est que de six quintaux à l'hectare (vol. VII, p. 191). En 1963 (l'ouvrage ne contient évidemment pas ces discours, mais ils sont bien connus), après une récolte désastreuse, il faut acheter du blé aux pays « capitalistes » pour nourrir la population soviétique, et l'échec de l' expérience des terres vierges est virtuellement reconnu. Les documents de ce recueil nous rappellent à maintes reprises les graves problèmes qui affligent continuellement l'agriculture soviétique. Il se passe rarement· une année sans que le mauvais temps fasse de grands ravages en quelque endroit ; si ce n'est pas le mauvais temps qui réduit les plans à néant, c'est l'érosion, le manque de capitaux disponibles, l'insuffisance de la technologie ou la mauvaise gestion. S'il faut donner des encouragements monétaires plus subtantiels aux paysans, il faut aussi des fonds pour construire des logements, des écoles et des clubs dans les fermes ; non seulement une plus grande variété de matériel moderne, mais aussi des graines, des insecticides et des herbicides meilleurs ; non seulement de plus grandes quantités d'engrais chimiques, mais aussi des routes et des camions pour les transporter, des entrepôts et des sacs de papier pour les conserver. Mais le recueil contient plus que de tels rappels. Le choix des documents jusqu'ici inédits cite des 2. Vol. I, p. 89. En 1962, Khrouchtchev s'exprimait différemment : « Lorsque nous avons commencé à maîtriser les terres vierges, nous comptions obtenir une moyenne de huit quintaux de grain à l'hectare» (vol. VII, p. 191). BibliotecaGino Bian.o L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE statistiques et des faits nouveaux en grand nombre. Nulle part ailleurs on ne trouve un exposé officiel aussi franc et détaillé de la politique agricole de Staline dans l'après-guerre que le mémorandum sur les terres vierges. Dans ce rapport, Khrouchtchev donnait non seulement les statistiques, année par année, des livraisons effectives de céréales, mais il les ventilait par catégorie de collecte afin d'illustrer par des documents l'aggravation du sort des kolkhoziens pendant cette période. Le mémorandum établit clairement que le mal provenait en partie tout simplement du fait _dela stagnation de la production: 2 milliards 118 millions de pouds de grain furent livrés en 1952 contre 2 milliards 225 millions en 1940. Plus important encore, un changement substantiel de la politique de collecte intervint au cours de cette décennie. En 1940, 888 millions de pouds furent reçus des kolkhozes sous forme de livraisons obligatoires, 93 millions sous forme d'achats (zakoupki) et 874 millions sous forme de paiements en nature (natouroplata) faits au M.T.S. (Le reste provenait des sovkhozes et « autres sources ».) En 1953, 530 millions de pouds seulement furent reçus en tant que livraisons obligatoires, rien sous forme d'achats et un milliard 130 millions en tant que paiements au M.T.S. Khrouchtchev n'hésitait pas à formuler explicitement les raisons de ce changement : Contrairement aux livraisons obligatoires et aux achats, les kolkhozes ne sont pas payés pour le grain livré à titre de paiement au M.T.S. Dans la pratique, un important prélèvement de grain pour les paiements au M.T.S. dans des conditions de faible productivité fait qu'il reste peu de grain dans les kolkhozes pour payer les journées de travail, pour les besoins du cheptel et pour la vente sur le marché (vol. I, p. 97). Le mémorandum, de plus, critiquait sévèrement la « planification erronée des livraisons de grain à l'Etat, d'après laquelle le total des livraisons et des paiements au M.T.S. qui devront obligatoirement être effectués par les kolkhozes excède de beaucoup les chiffres du plan total établi par l'Etat aussi bien que la capacité de nombreux kolkhozes ». En 1952, par exemple, le plan de l'Etat prévoyait un total de livraisons de 540 millions de pouds ; mais on assigna aux kolkhozes l'obligation de livrer un total de 842 mi11ionsde pouds. Il avait été prévu, la même année, que les fermes collectives remettraient un milliard 57 millions de pouds en paiement aux M.T.S., mais les fermes reçurent de ceux-ci des notes totalisant un milliard 460 millions de pouds (vol. I, p. 98). Là aussi, Khrouchtchev faisait montre de beaucoup de franchise en dénonçant cette pratique : Avec pareil système de planification, d'importants arriérés s'accumulent au compte des kolkhozes (...). Cela donne au gouvernement l'occasion de présenter aux kolkhozes des demandes de livraison de grain, indépendamment des obligations déjà remplies au cours de l'année. Il s'ensuit que les normes actuelles de livraison par he~ar~ perg,ent le1,1rseps dans un gi:and
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