324 l'histoire simplement érudite et celle de la philosophie de l'histoire, entre la modestie excessive de l'une et l'ambition abusive de l'autre. Certes, Dilthey admet une histoire universelle, située audelà des biographies et des autobiographies individuelles, de la simple nomenclature des faits classés géographiquement et chronologiquement, mais il renonce à en définir une fois pour toutes l'orientation et il n'entend pas prophétiser en ayant recours à l'équivoque qu'entretient l'existence de la prévision dans les sciences de la nature. Son dualisme épistémologique ne se fonde pas, d'autre part, sur la différence entre les « sciences idiographiques », qui s'en tiendraient à l'établissement et à la description des faits singuliers, datés et situés, et les « sciences nomothétiques », qui auraient pour objet d'établir des lois. Le moyen terme paraît être représenté par les « types », genres plutôt que lois, instruments de classification plutôt que de prévision, comme il convient aux sciences descriptives. La notion de « type » permet de maintenir à l'usage de l'histoire l'injonction d'Aristote selon qui il n'y a de science que du général. Et d'ailleurs, chez Dilthey comme chez le philosophe grec qui prétendait « voir » l'homme dans l'individu qui s'appelle Caillas, la méthode est principalement intuitive. Elle s'apparente à l'intuition psychologique qui permet de déchiffrer un trait de caractère dans un exemple individuel. Dilthey la rapproche lui-même de l'intuition de l'artiste, apte à dégager le « typique ». Les applications qu'il en a tirées concernent surtout la théorie des « visions du monde » et l'histoire des doctrines philosophiques. Les trois grands types (naturalisme, idéalisme de la liberté morale, idéalisme objectif) fournissent des repères indépendants de la succession chronologique. On sait quelles brillantes applications Max Weber a tirées de cette méthode étendue à l'investigation proprement sociologique, et changeant d'ailleurs par là de caractère. Il n'y a pas grand-chose de positif à retenir de l' « historicisme » de Dilthey entendu comme une doctrine de la vérité. Il s'agit d'un problème qu'il a posé sans parvenir à le résoudre, comme le reconnaît M. Suter. Sur le plan négatif au moins, cela permet de dénoncer la naïveté de la notion pseudo-marxiste d'une « vérité de classe », parente de celle d'une « vérité nationale» chez les frères ennemis. Dans la postérité de Dilthey, à partir du moment où sont abordés ces problèmes, on rencontre Mannheim avec sa théorie des « idéologies », laquelle prolonge la problématique proprement marxienne des « superstructures » en en rectifiant les données. C'est sur le plan de la méthodologie générale que la contribution de Dilthey est intéressante au premier chef. Sans doute a-t-il poussé beaucoup trop loin le dualisme des sciences de l'esprit et des sciences de la nature. Mais il est toujours-utile d'avoir recours à ses importantes distinctions pour réagir contre l'imitation servile des sciences de la nature et dénoncer les méprises auxquelles donne lieu la parodie. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Son salutaire « historicisme » méthodologique combat le néfaste « historicisme » dogmatique de ceux qui s'estiment favorisés par le « sens de !'Histoire ». AIMÉ PATRI. Livres reçus L'abondance des matières nous oblige à renvoyer au prochain numéro la mention de nombreux titres. Que MM. les Editeurs veuillent bien nous excuser. -kCOMB.i SOŒil revue hÎJtoriq11e t critique Jes faits et Jes idées Rédaction - Administration: 199, boulevard Saint-Germain, Paris-7 8 LITtré 72-81 Abonnement~: voir tarif au dos de la couverture. - FRITZSTERNBERG,dont nous avons publié dans notre dernier numéro les « Entretiens avec Trotski», est mort en octobre 1963 âgé de soixante-neuf ans. Né à Breslau, il s'est éteint à Munich, après avoir vécu en exil : de 1933 à 1940 à Paris, de 1940 à 1950 aux Etats-Unis. Son apport à l'économie et à la sociologie marxistes fut considérable. Sans s'être jamais inscrit à un parti, il s'apparentait idéologiquement à la droite luxembourgiste (Paul Levi) de la social-démocratie. Son premier ouvrage, Der Imperialismus, publié en 1926, eut du retentissement jusqu'en U.R.S.S., où il suscita de vives discussions parmi les jeunes professeurs de la Krasnaïa Professoura de Boukharine. Non moins vives furent les réactions parmi les « austro-marxistes », où Hélène Bauer et Alfred Braunthal le censurèrent sans aménité. Sternberg répondit à ces critiques deux ans plus tard par Der Imperialismus und seine Kritiker. Esprit fécond et hostile à tout conformisme, il se signala dans la suite par de nombreuses études où l'on retrouve une profonde connaissance de la théorie alliée à l'observation scrupuleuse de la réalité, c'est-à-dire des statistiques. C'est ce qui fait la valeur et l'attrait de ses ouvrages sur le déclin du capitalisme allemand (1932) et le fascisme au pouvoir (1935). Ses principaux livres d'après guerre sont : Capitalisme et socialisme à l'épreuve de l'histoire (1951 ; trad. française sous le titre Le Conflit du siècle, 1958) ; Marx et le présent (1955) ; La Révolution militaire et la révolution industrielle (1957) et Qui dominera la seconde moitié du xxe siècle? (1961). - ROBERTD. BARENDSEN,spécialiste des affaires d'Extrême-Orient, est attaché au U.S. Office of Education. Il y assume la direction d'un programme de recherches sur l'enseignement en Chine communiste. , SOCIÉTÉ DE GÉRANCE DE L'IMPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE D'ÉDITION 45, rue Colbert - Colombes (Seine) Le directeur de la publication : L. Cancouët Dép~t légal : 4e trimestre 1964 Imprimé en France
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