Le Contrat Social - anno VIII - n. 5 - set.-ott. 1964

revue !tistorique et critique Jes faits et Jes idées Septembre-Octobre 1964 Vol. VIII, N° 5 EXIT KHROUCHTCHEV par B~Souvarine Ah ! que nous ne sommes rien 1 BOSSUET. LA CARRIÈRE POLITIQUE de Khrouchtchev a pris fin le 14 octobre, le Comité central du Parti ayant accepté la double démission de son premier Secrétaire, officiellement motivée par des raisons d'âge et de santé. Toutes les conditions dans lesquelles a eu lieu cet événement ne sont pas encore connues, mais il est possible de raisonner prudemment sur un certain nombre d'indices avérés. Il apparaît que les plus proches collègues de Khrouchtchev ont jugé qu'il était temps de mettre au rancart leur homme de confiance dont les services rendus ne compensaient plus les inconvénients et les dangers de son pouvoir. Ils ont préparé de longue main la majorité du Comité central à demander des comptes et mis à profit une absence de Khrouchtchev pour parachever les conditions de sa déchéance. Rentré à Moscou en hâte, Khrouchtchev s'est trouvé en présence d'un courant hostile qu'il a cru renverser en offrant sa démission, mais en vain cette fois, car tout était décidé d'avance : la majorité l'a pris au mot, sinon l'unanimité, et il ne reste à la minorité qu'à s'incliner ou à disparaître. Démissionnaire de ses deux plus hautes fonctions, Khrouchtchev est encore membre formellement du Comité central et d'institutions subalternes, mais la suite dépendra de sa ligne de conduite. Ainsi la direction collective lui avait tout donné, la direction collective lui a presque tout repris, et ici s'arrête pour Khrouchtchev la paraphrase de !'Ecriture. Il va de soi que par direction collective il faut entendre le noyau dirigeant du Parti, aux contours indéfinissables et d'ailleurs variables, non l'assemblée statutaire du Comité central qui comprend quelque 330 membres et suppléants au total. Biblioteca Gino Bianco Aucun pouvoir ne s'exerce autrement que par délégation et hiérarchie des pouvoirs. Il suffit que les hommes les plus influents au Presidium et au Secrétariat s'accordent pour déterminer l'approbation du Comité central dans son ensemble. Un désaccord déclaré entre eux, que le Comité central ne serait pas capable de trancher à une majorité substantielle, ouvrirait une crise de régime. L'épisode encore obscur de mars 1953 qui a éliminé Malenkov du Secrétariat pour lui substituer Khrouchtchev ; celui de juin 1957 qui a failli coûter à Khrouchtchev sa place et probablement sa vie; celui d'octobre 1964, enfin, qui a permis de rendre Khrouchtchev inoffensif, - ces trois principaux épisodes sont autant d'illustrations frappantes de cet état des choses. Il est donc insensé d'interpréter la dernière péripétie comme une remise en question des grandes lignes de la politique intérieure ou extérieure de l'Union soviétique, lesquelles dépendent non d'un individu, mais d'un parti incarnant un Etat et un régime. Rien n'autorise en l'occurrence à parler de guerre ou de paix, de tension ou de détente, de durcissement ou d'autres billevesées, alors qu'il s'agit simplement de la supplantation d'un homme devenu déficient et dangereux par un autre considéré comme plus posé, plus sûr. La nouveauté sera évidente dans le style et le tempérament, mais aucun signe n'annonce un changement quelconque affectant les principes ou les pratiques du communisme actuel. Tout indique au contraire la continuité de l'empirisme obtus à évolution lente qui caractérise l'équipe actuelle des ci-devant collaborateurs, puis successeurs de Staline. Le prétexte officiel de la démission est un mensonge insoutenable, bien dans la tradition invétérée du stalinisme. Certes la « maladie diplomatique» n'a pas été inventée à Moscou ru de fraîche date, elle sert depuis longtemps à couvrir une disgrâce en sauvant les apparences. Encore

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