Le Contrat Social - anno VIII - n. 5 - set.-ott. 1964

304 D'une part, le régime désirait savoir jusqu'à quel point l'enseignement jouait bien le rôle politique qui lui était assigné; d'autre part, il s'inquiétait des frais élevés impliqués par le développement rapide des facilités prévues pour l'enseignement. C'est dans les premiers mois de l'année 1958 que l'on commença à discerner, peu à peu, l'attitude adoptée pour résoudre ces problèmes. La position officielle fit l'objet d'instructions publiées en septembre 6 • Elle préconisait une politique fondée sur trois grands principes : 1. l'enseignement doit servir les intérêts politiques du prolétariat ; 2. il doit être dirigé et surveillé par le parti communiste; 3. il doit être associé à la production. Les deux premiers principes ne faisaient que réaffirmer les principes politiques qui avaient dicté, depuis l'origine, l'attitude du Parti à l'égard de l'enseignement. Le troisième était aussi inspiré, en partie, par des considérations politiques : la combinaison de l'instruction et du travail productif était destinée à atteindre certains objectifs idéologiques. Plus précisément, le régime espérait, par ce moyen, détruire la tradition confucéenne de dédain envers ceux qui gagnent leur vie de leurs mains, encourager les intellectuels à adopter une attitude nouvelle à l'égard du travail manuel, et arriver ainsi à éliminer les distinctions du passé entre travail intellectuel et travail manuel, condition préalable à l'instauration du communisme 7 • L'obligation d'associer l'enseignement avec un travail productif avait aussi pour but de faire réaliser des économies à l'Etat. Des « cours » de travail furent introduits dans les programmes scolaires à tous les degrés. Les élèves à ~emps complet des écoles primaires et secondaires étaient obligés de faire de quatre à huit heures - prises sur le temps normal d'étude - de travail productif par semaine et, dans l'enseignement supérieur, les étudiants devaient exécuter des travaux manuels en moyenne trois mois par an. Les étudiants devaient travailler soit dans de petits ateliers, soit dans des fermes installées par les écoles elles-mêmes, soit dans des usines des environs en tant que contractuels ; et l'on disait, vers la fin de l'année 1958, que leur travail représentait une contribution importante à la production nationale. Cependant, ces programmes de travaux manuels institués dans les écoles traditionnelles avaient beaucoup moins d'importance, du point de vue économique, que ceux des milliers d'écoles spéciales à mi-temps, « moitié travail manuel, moitié études», créées en 1958 pour compléter le système scolaire. Ces écoles, qui étaient surtout du niveau de l'enseignement secondaire, furent éta6. Texte in Chung-hua Jen-min Kung-ho-kuo Fa Kuei Hui-pien (Recueil des lois et décrets de la République populaire de Chine), Publications légales, Pékin 1959, vol. 8 (juillet-déc. 1958), pp. 253-60. 7. Cf. l'article de Lu Ting-Yi, directeur de la propagande du P.C. chinois, in Drapeau rouge, n° 7, 1er sept. 1958. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE blies et gérées par des « collectifs » locaux en tant qu'établissements « à temps partiel» où les étudiants passaient la moitié de la journée à étudier en classe et l'autre moitié à travailler dans des fermes ou des ateliers gérés par les écoles. Il était prévu que ces écoles devraient se suffire à elles-mêmes, le revenu du travail des étudiants devant couvrir les dépenses. Les plus nombreux de ces établissements, ceux qui firent l'objet du maximum de publicité, furent les écoles moyennes d'agriculture, qui dispensaient aux jeunes ruraux un enseignement édulcoré d'un niveau « moyen » (de la 7e année à la 9e) avec une tendance marquée à la formation professionnelle agricole. Ce genre d'écoles se multiplia rapidement à partir de 1958, et, au début de 1960, on en comptait - paraît-il - environ 30.000, fréquentées par 3 millions d'élèves. Ces établissements furent vantés comme constituant la réponse au problème de l'extension de l'enseignement secondaire aux campagnes, et aussi en tant qu'illustration des mérites de la politique consistant à associer l'instruction et le travail 8 • Pour illustrer la souplesse et la largeur de vues du régime, on ordonna en 1958, à toutes les usines, mines, communes et autres organisations d'une certaine importance, d'ouvrir des cours pour leur personnel en dehors des heures de travail. (Ce système diffère de l'enseignement à temps partiel : les cours sont donnés en dehors, et en plus du travail quotidien habituel à plein temps.) On annonça bientôt que certaines des grandes firmes économiques dispensaient un enseignement complet, depuis les classes d'alphabétisation jusqu'au niveau des facultés. C'est ainsi que l'interpénétration de l'enseignement et de la production devint complète : les écoles faisaient tourner des usines et les usines géraient des écoles. Le cc bond» dans l'enseignement PARALLÈLEMENT à la création d'une foule de nouvelles écoles du type « mi-étude, mi-travail », principalement au niveau du secondaire, le régime a pu s'enorgueillir d'un développement spectaculaire des facilités offertes pour l'enseignement supérieur. Le nombre de « collèges » à plein temps avait presque quintuplé en 1958, passant de 230 à 1.065 ; en plus, on avait ouvert, cette même année, 23. 500 cours à temps partiel (ou en dehors des heures de travail) du niveau des collèges 9 • Il y eut aussi plusieurs expériences, qui firent l'objet d'une grande publicité, de création d'établissements autonomes d'enseignement , . supeneur. En outre, le régime se vanta de l'augmentation notable de la fréquentation scolaire à tous les 8. Pour de plus amples renseignements sur ces institutions à mi-temps (moitié étude et moitié travail manuel), cf. Robert D. Barendsen : Half-Work, Half-Study Schools in Communist China, U.S. Government Printing Office, Washington 1964. 9. Agence Chine nouvelle, 31 aoftt 1958.

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