Le Contrat Social - anno VIII - n. 5 - set.-ott. 1964

300 Les ingénieurs soviétiques comptent que l' Angara, ce puissant fleuve sibérien, fournira une énorme quantité d'énergie hydro-électrique. Mais quand? Sur le plan de la production hydro-électrique, l'Amérique ne reste pas immobile : en 1938, elle a accru cette production de 51 milliards de kWh. Quant au gaz naturel et au pétrole, on ne voit pas comment l',U:·R.S.S. po_urr~t cc rattraper ~t dépasser » l'Amerique. La situation ne pourrait se modifier radicalement que si les gisements de pétrole _et les réser~e~ naturell~s de gaz ~enaient à s'épwser en Amerique. Mats pourquoi là-bas plutôt qu'en U.R.S.S.? L'ACCROISSEMENT des forces énergétiques, écrit Prokopovicz, agit sur le développement de la production et du revenu national. Dans un tableau (page 581), il donne des chiffres qui montrent que, de 1913 à 1950, la production de l'industrie et de l'agriculture, le mouvement des marchandises transportées par chemin de fer et le revenu national ont progressé à des « rythmes presque identiques » à celui du développement des forces énergétiques. Prokopovicz ne se laisse certainement pas convaincre par les chiffres relatifs qui figurent dans ce tableau. Quelques pages plus loin, il montre lui-même combien, en général, les calculs soviétiques du revenu national, de la production globale de l'industrie et de l'agriculture sont inexacts. Selon nous, ces calculs sont d'autant plus viciés qu'ils sont établis en prix dits de 1926-27. Entre le niveau de la production énergétique du pays et celui du revenu national, il y a certes un rapport étroit, sans qu'on puisse parler d'une égalité absolue dans les rythmes de développement des branches économiques fondamentales. Cette « harmonie préétablie », dûment confirmée par les « lois » de la statistique, n'existe pas. Une nation ne tirant jamais des forces énergétiques dont ell_edispo~e _la totalité de c~ que celles-ci devraient theor1quement fourrur, le revenu national qui suit le développement de la production énergétique_ retarde toujours sur . ce développement. A pamr de ~950, la produ~tion énergétique de !'U.R.S.S. était (selon les chiffres de Prokopovicz) sept ,fois pl?s élevée,qu'en ~913. En prix de 1926-27, a ?ne epoque o~ les.chiffres truqués des plans qumquennaux n av~ent pas encore fait leur œuvre, le revenu national de 1913 était estimé à 21 milliards. En supposant même que le revenu national ait. sui':i pas,~ pas le développement de la production energetiqu~, il devrait être très exactement, en 1950, sept fois plus élevé qu'en ~91_3, soit 147 ~ards de_roubles. En réalité, c'était la un obJectif maccessible. Or, d'après les calculs soviétiques, le revenu natio~al atteignait, en 1950, en prix de 1926-27, 210 milliards de roubles; autrement dit, ce revenu dépassait de 43. % un chiffre lui-même irréel. Biblioteca Gino Bianco .. \ IN MEMORIAM Il est évident que le revenu national de !'U.R.S.S. n'a pas été, en 1950, sept fois p!us élevé qu'en 1913, la structure de la productton soviétique ayant été, au surplus, prof~ndément déséquilibrée pendant toute cette pénode. La part de~ biens de consommation était .an~rmalement faible par rapport à celle des fabncations de guerre et des forces énergétiques destinées à forger les instruments de production. Or, selon Marx, cc nul, pas même un rêyeur écrivant la~'musiqu~ de l'avenir", ne peut vivre des prodwts à verur ». Les forces énergétiques de !'U.R.S.S., particulièrement en matière d'énergie électrique (usines thermiques chauffées principalement à la houille), se sont accrues dans de très fortes proportions. Même si le revenu national n'a pas septuplé, l'effort de la population devrait s'en trouver considérablement allégé et la situation matérielle sensiblement améliorée. Or pourquoi la vie des travailleurs en U.R.S.S. est-elle encore si dure? Pourquoi, avec la force mécanique dont dispose le pays, force qui remplace ou seconde le travail de l'homme, le labeur de celui-ci sous la tutelle soviétique reste-t-il aussi écrasant? Pourquoi fouette-t-on impitoyablement la population russe avec le knout du stakhanovisme et la soumet-on à un effort épuisant en lui imposant une méthode de travail accablante parée du nom d' cc émulation socialiste »? Pour répondre, reproduisons la conclusion du livre de Prokopovicz : cc Ce n'est qu'en renonçant à une politique insensée et chimérique qui consiste à vouloir « rattraper et dépasser » le développement économique de tous les autres pays et en libérant l'Union soviétique de l'obligation d'accumuler 27 % du revenu national et de fabriquer sans mesure du matériel de guerre qu'on permettra au peuple russe de développer d'une manière suivie et rapide son économie nationale et de relever son niveau d'existence. « Trente-cinq ans de pouvoir est un laps de temps plus que suffisant pour que la population de l'Union soviétique et le parti qui la gouverne se convainquent, au prix d'une amère expérience, de l'impossibilité absolue de réaliser les trois . illusion,s foncières qui ont jusqu'alors déterminé la politique de !'U.R.S.S. : 1. la croyance qu'ils est possible de rattraper et de dépasser en dix ans l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord dont le développement culturel est en avance de cent ans sur celui de la Russie; 2. la croyance qu'à la Russie arriérée incombe le rôle dirigeant pour implanter le socialisme dans le monde entier; et enfin 3. la croyance que l'on peut atteindre ces deux objectifs culturels en faisant appel à la.guerre civile et à la guerre entre nations, en exterminant physiquement tous les nonconformistes ou en instituant le travail forcé pour les populations tombées sous la coupe des communistes. » ( Traduit du russe) N. VALENTINOV.

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