292 coup celui de tous les autres journaux de Pétersbourg et de Moscou. En désaccord croissant avec les menchéviks, il s'affirmait de plus en plus « révisionniste », en particulier sous l'influence décisive qu'eut sur sa pensée la brochure d'Édouard Bernstein parue en 1911 : Von der Sekte zür Partei, qui démontrait qu'en se développant, la social-démocratie cesse d'être exclusivement le parti du prolétariat pour devenir le parti du peuple entier. D'où l'attitude « hors classes » adoptée par Volski, ou « au-dessus des classes ». Il estimait cette position comme la seule digne d'un intellectuel pensant qui s'évertue à tendre vers une morale et une vérité qui ne soient pas « de classe». A partir des années 40, il s'est appliqué à compléter sa conception par une vue supranationale des choses, étrangère à tout nationalisme : « Etant russe de naissance (avec quelque peu de sang tatar, ce qui accentue mon "russisme "), écrit-il, et avec toute ma culture russoeuropéenne, je veux cependant et m'efforce de regarder tout ce qui se passe dans le monde d'un point de vue supra-national, et non russe ni d'autre nationalité tournant inévitablement au nationalisme. Si l'on appelle cela du cosmopolitisme, cela ne me fait pas peur. » N. Volski n'était pas un journaliste au sens actuel du terme : la presse ne fut pour lui qu'un des modes multiples d'activité lui permettant de servir la cause du progrès social, du progrès économique, intellectuel et moral pour lequel il s'est généreusement dépensé à travers une évolution logique, dictée par l'étude et l'expéBiblioteca Gino Bianco IN MEMORIAM rience. Ses écrits comme sa parole traduisaient ses préoccupations constantes d'économiste, de philosophe et d'historien toujours avide de s'instruire et, rebelle à toute espèce d'orthodoxie, toujours enclin à réviser ses vues selon les impératifs de sa conscience. Tout jeune, gagné au marxisme sous l'influence de Tougan-Baranovski, déporté à Oufa dès 1899, déshérité par son père, il travailla comme serrurier aux ateliers du chemin de fer, avant de se lancer dans la lutte politique, payant impétueusement de sa personne. Blessé d'un coup de sabre lors d'une manifestation de rue à Kiev, deux fois jeté en prison, et ayant passé la frontière au péril de sa vie, il s'avéra bolchévik tôt récalcitrant avant de devenir « mauvais menchévik », comme il l'avoue lui-même, puis intellectuel hors série, tout en sympathisant avec les socialistes affranchis de dogmatisme. Son ami Grégoire Aronson, qui lui a deux fois rendu un hommage émouvant, d'abord pour son 8oe anniversaire, ensuite à l'occasion de sa mort (dans le N ovoïé Rousskoïé Slovo de New York), sera le plus qualifié pour écrire cette biographie captivante. Ceux qui ont eu le privilège de fréquenter Volski, de bien connaître son caractère indépendant et sa nature ombrageuse, de goûter sa conversation très riche d'aperçus et de souvenirs, ceux-là n'oublieront pas la belle personnalité de ce représentant typique d'une intelligentsia incomparable si cruellement et injustement maltraitée par l'histoire. B. S. '
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