Le Contrat Social - anno VIII - n. 5 - set.-ott. 1964

G. ARONSON ration ». ( Cette «autodétermination » comprenait également les soviets de députés ouvriers, créés et dirigés par les menchéviks, alors que les bolchévilts étaient presque partout en plein désarroi, hésitant entre deux tactiques : la dissolution des soviets ou leur soumission au parti ...) Les fondements théoriques qui soutiennent la conception tactique du menchévisme se ramènent essentiellement au postulat sur le caractère de la révolution russe en tant que révolution bourgeoise. Cette position de départ des menchéviks n'était cependant pas leur monopole. Plékhanov, le« père du marxisme russe », opposait lui aussi le caractère bourgeois de la révolution aux utopies du camp populiste. Lénine lui-même, dans ses Deux tactiques, écrit de l'été 1905, tout en prônant l'idée de la dictature du prolétariat et du paysannat dans la révolution, faisait serment de fidélité à la révolution bourgeoise sans aucune restriction : Seuls les plus ignares peuvent méconnaître le caractère bourgeois de la révolution démocratique qui s'opère, seuls les optimistes les plus naïfs (...). Celui qui veut aller au socialisme par une voie autre que celle du démocratisme politique, en arrive fatalement à des conclusions absurdes et réactionnaires. L'homme qui écrivait ces mots ne se considérait nullement comme «ignare» et personne non plus ne le tenait pour «naïf». Quant aux menchéviks, ils continuaient de se tenir fermement sur le terrain de la révolution bourgeoise. MAIS était-ce vraiment le cas de tous les menchéviks ? Précisément dans cette question fut introduit un léger «amendement » qui joua un rôle fatal et donna sa propre couleur à la tactique comme à la pratique du menchévisme : cet «amendement » à la théorie de la révolution bourgeoise consistait tout simplement à y ajouter l'hégémonie du prolétariat. Le concept de ladite hégémonie était inclus dans une déclaration de la rédaction de l' /skra : Ce n'est qu'organisé dans [ce] parti que le prolétariat, classe la plus révolutionnaire de la Russie contemporaine, sera en état d'accomplir la tâche historique qui lui incombe : rassembler sous son propre drapeau tous les éléments démocratiques du pays. Autrement dit, en entrant en lice pour la création d'un parti social-démocrate, les initiateurs de l' /skra, sans même rattacher aux perspectives socialistes la chute imminente de l'autocratie, allant au contraire jusqu'à reconnaître que la société nouvelle qui devait sortir de la révolution victorieuse resterait une société organiquement bourgeoise, se proposaient de faire cette révolution bourgeoise sous la direction et l'hégémonie du prolétariat et sous le drapeau du parti socialdémocrate. Biblioteca Gino Bianco 279 Th. Dan était convaincu qu'avec leurs projets les fondateurs de l' Iskra se tenaient eux aussi sur cette plate-forme : Le mot d'hégémonie n'a été prononcé qu'en 1901. Cependant, l'idée non seulement de la participation active de la social-démocratie à la lutte politique, mais de sa participation dirigeante, de son hégémonie en tant que représentante de la classe ouvrière, cette idée constituait également la plateforme sur laquelle s'est constituée en 1900 la« triple alliance» de Lénine, Martov et Potressov 8 • Quant à l'année 1901 que mentionne Dan, c'est Plékhanov en personne qui se faisait l'avocat de cette idée d'hégémonie du parti social-démocrate dans la révolution bourgeoise en Russie. Dans un article intitulé : «Encore Socialisme et Lutte politique », il écrivait : Notre parti prendra sur lui l'initiative de la lutte contre l'absolutisme, et par conséquent s'assurera l'hégémonie dans cette lutte (...). Il deviendra le centre vers lequel convergeront toutes les sympathies démocratiques. Comment s'étonner que, dans le feu des événements de l'année 1905, le vertige ait saisi bien davantage encore les bolchéviks, et avec eux des représentants isolés du menchévisme ? Trotski et Parvus, qui s'étaient petit à petit détachés de l'état-major littéraire du menchévisme du temps de son activité à Pétersbourg (au soviet des députés ouvriers, dans la presse menchévique), firent l'inventaire de l'idée même de révolution bourgeoise. Selon eux, la révolution russe sortait manifestement du cadre du capitalisme et cinglait droit vers l'océan de la «révolution permanente », plein d'aventures et de mystères. Parvus rédigeait alors une proclamation intitulée : «Pas de tsar, mais un gouvernement ouvrier », et lançait le mot d'ordre du« gouvernement provisoire social-démocrate ». Dans Natchalo (le Début), journal menchévique qui paraissait pendant les « jours de liberté », se forma une coalition des menchéviks et des « trotskistes » : Trotski et Parvus, ainsi que des menchéviks comme Dan, Martynov, E. Smirnov, V. Zvezdine se mirent à évaluer le libéralisme et la démocratie bourgeoise « pas plus haut que ne le font les bolchéviks ». Dan raconte de manière très intéressante (et pas seulement au point de vue de l'autobiographie politique) ses divergences d'alors avec Martov et son rapprochement avec Trotski. Dès novembre 1905, avec la parution du Natchalo, écrit-il, des accents « trotskistes » commençaient à résonner de plus en plus fort dans les déclarations et les articles de lui-même et de Martynov et menaçaient de modifier radicalement la « conception générale du menchévisme » : Martov, de même qu'Axelrod et Plékhanov, poursuit Dan, s'opposaient obstinément à l'extension des tendances •trotskistes» dans le menchévisme et s'effor8. Cf. Th. Dan : L'Origin, du bo/chévism,, p. 259.

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