Le Contrat Social - anno VIII - n. 4 - lug.-ago. 1964

LE CONTRAT SOCIAL souvent porte les gens à penser que tout était mieux dans leur jeunesse. Cependant, courant ce risque, je livre ces réflexions à votre jugement, car elles sont vérifiables. Vous avez été naturellement impressionné par l'ampleur de la manifestation communiste. Permettez à un survivant de la vieille époque syndicaliste de la considérer d'un point de vue particulier, car j'ai vécu, entre 1900 et 1930, toute cette période, en traversant toute la hiérarchie syndicale: secrétaire de mon syndicat en 1912, de l'Union des syndicats de la Seine en 1919, à la C.G.T. en 1920, par extraordinaire membre de la Fédération américaine des mécaniciens en 1927 et 1928 (American Federation of Machinists - « machiniste » étant la traduction de mécanicien) . Ce sont là mes références et la base de mon expérience. La manifestation qui vous a étonné est un phénomène psychologique qui a la même origine que la débandade de 1940... Alors que certains croient que le phénomène communiste prouve l'avancement de la conscience ouvrière, elle correspond bien plutôt à un affaissement, à un recul de cette conscience. Le communiste d'aujourd'hui, loin d'être un homme d'action comme le syndicaliste d'autre- /ois, lequel avait surtout confiance en son action directe - expression qu'il affectionnait - est un homme qui attend de recevoir quelque chose pour rien, c'est-à-dire sans effort de sa part. Il compte sur le pouvoir magique du « Parti ». Et surtout, ce qui est réellement effrayant, il met sa confiance la plus aveugle en des hommes qui se sont faits les valets d'un gouvernement étranger. Des hommes qui, vous le savez, sont prêts à nous poignarder dans le dos en cas de conflit. Leur pouvoir et leur organisation, dont le public ne se doute pas, serait aussitôt mis au service de la trahison. Je me suis rendu compte de la valeur de cette organisation au lendemain de la dernière guerre, ayant eu par hasard l'occasion d'assister à la passation des pouvoirs des mains de Raoul Dautry, ministre de la Reconstruction, entre celles du communiste Billoux. Dès le lendemain matin tous les services changèrent de mains en quelques heures. Le secrétaire du ministre, M. Antonini, ne pouvait plus téléphoner. Cette transformation instantanée atteignait jusqu'aux chauffeurs, les anciens, ébahis, se voyant remplacés par des chauffeurs communistes... Cela donne une idée de la façon dont les communistes sont prêts à profiter des événements. Et la Joule qui vous a étonné se livre naïvement à cette incroyable entreprise. On lui a fait croire que tout est mieux en U.R.S.S. Quel dommage qu'on ne puisse pas l'y envoyer, afin de l'entendre supplier qu'on la ramène dans la « douce France » ! Voulez-vous que je vous donne un aperçu de ce qu'était le militant syndicaliste du passé t Au syndicat dont j'ai eu l'honneur d'être secrétaire, nous avions une caisse de chômage, alimentée par nos cotisations. Souvent, des militants se trouvant sans travail ne venaient pas toucher l'indemnité à laquelle ils avaient droit, estimant qu'ils avaient d'abord à vivre sur leurs économies avant de puiser dans la caisse du syndicat. Où est le communiste d'aujourd'hui capable d'une pareille attitude, lui qu'on voit dé/endre ses droits si âprement t Tous les droits et point de devoirs, voilà ce qui enthousiasme les foules. Je mets au défi que l'on trouve un seul mot de M. Thorez sur les devoirs de l'homme. Rien que la plus basse et la plus vile démagogie. Quelle différence avec Jaurès, avec son discours à la jeunesse, par exemple... Je m'arrête, car j'en ai sans doute déjà trop dit pour votre patience. Sincèrement v"tre. H. DUBREUIL. Nous avons le privilège d'ignorer le journal auquel Hyacinthe Dubreuil a fait l'honneur immérité d'envoyer sa lettre, mais les quelques échantillons de presse tombés BibliotecaGino Bianco 261 sous nos yeux nous font un devoir de mettre quelques points sur quelques i. Le sieur M. Thorez n'était pas seulement le valet d'un « gouvernement étranger», il était bel et bien un valet de l'ennemi, et un valet de bourreaux, traître à son pays sous tous les rapports et le pire des traîtres à la classe ouvrière, non seulement prêt « à nous poignarder dans le dos », mais complice lâche et cruel des crimes innombrables commis par Staline et Hitler. Déserteur chez les nazis en pleine guerre, confortablement embusqué en Russie pendant que ses malheureuses dupes risquaient leur peau, auxiliaire de l'hitlérisme contre la résistance française à l'invasion, approbateur de toutes les atrocités staliniennes, il a notamment applaudi à l'assassinat de presque tous les dirigeants de l'Internationale communiste et participé aux campagnes antisémites d'Hitler et de Staline. Son article : Léon Blum, wie er leibt und lebt, paru dans Die Welt (n° 7) pendant la guerre, n'aurait pas détonné dans Der Stürmer (il spéculait alors sur la victoire de l'Allemagne nazie). Son rôle particulièrement ignominieux dans l'affaire des médecins du Kremlin, prétendus « assassins en blouse blanche », machinée par Staline pour justifier un pogrome final en U.R.S.S. inspiré par celui de Hitler, devrait dispenser de tout commentaire. Et pourtant les répugnants articles du Monde, ceux d'un M. Stibio et d'un M. Gouin dans le Journal du Parlement (les seuls échantillons auxquels il est fait allusion plus haut), prouvent que l'hitléro-stalinisme a décidément partie gagnée dans de larges secteurs de l'opinion publique. On s'explique ainsi qu'un vaste troupeau de suiveurs, lors des obsèques motivant la lettre d'Hyacinthe Dubreuil, se soit déclaré mûr pour le knout, la guerre politique perfide menée par Staline sous le nom de coexistence pacifique et continuée de nos jours par Khrouchtchev n'ayant jusqu'à présent rencontré chez nous pour ainsi dire aucune opposition appropriée à son ampleur et à ses méthodes. Une coïncidence avec le vingtième anniversaire de la défaite allemande de 1944 fait que le présent numéro de notre revue reproduit sous une autre rubrique un document qui, datant de 1950, fournit des références et citations irréfutables sur une partie des forfaits et turpitudes dont le sieur Thorez et ses acolytes se sont rendus coupables. D'autre part des socialistes dignes d'estime ont réimprimé en brochure, traduit en français, l'article de style nazi ( Léon Blum tel qu'il est), signé M. Thorez, afin d'éclairer dans leur parti les hommes capables de résister aux manœuvres immorales qui l'entraînent sur la « route de Prague ». Les Informations politiques et sociales en ont donné, de cette prose répugnante qu'admirent M. Stibio et M. Gouin et que contresigne la Fédération socialiste de la Seine, des extraits qui suffisent à provoquer la nausée. Dans le bulletin n° 3 de la Commission pour la vérité sur les crimes de Staline, Maurice Nadeau cite une déclaration à peine croyable du M. Thorez au sujet des « médecins empoisonneurs », des « bêtes féroces à face humaine », des « canailles qui se sont vendues pour des dollars et des livres sterling », déclaration d'après laquelle il les connaissait « pour la plupart personnellement parce qu'ils avaient passé des semaines entières jour et nuit à mon chevet » ; connaissant ainsi ces hommes intègres et éminents qui l'avaient soigné avec leur dévouement habituel, il a souscrit à leur supplice (deux d'entre eux sont morts sous les tortures), il a fait signer à dix médecins communistes (baptisés « parisiens » pour la circonstance) un papier ordurier approuvant Staline et le Guépéou et affirmant « qu'un très grand service a été rendu à la cause de la paix par la mise hors d'état de nuire de ce groupe de criminels ». C'est devant ce scélérat que s'inclinent bien

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