Le Contrat Social - anno VIII - n. 4 - lug.-ago. 1964

QUELQUES LIVRES à un roi., enfin adresse Aux insurgentsd'Amérique (1782). Ajoutons qu'elle est enrichie d'une vingtaine de photographies, portraits, vues de villes ou de paysages russes, phototypies de manuscrits, voire d'une page de l' Encyclopédie, qui rehaussent l'intérêt de ce livre si vivant. Le beau buste de Diderot sculpté par Pigalle est reproduit sur la jaquette. THÉODORE RUYSSEN. Un planificateur français en U.R.S.S. PHILIPPE-}.BERNAR:D Destin de la planification sO'Viétique. Paris. 1963, Editions ouvrières (coll. « Economie et humanisme »), 331 pp. M. PHILIPPEBERNARDen, tré en 1956 au commissariat général au Plan, a été chargé en 1961 d'une mission d'études de deux mois en U.R.S.S. Cette mission l'a conduit à Moscou, à Kiev, à Kharkov, à Léningrad, et lui a permis d'avoir de nombreux entretiens avec divers dirigeants de l'économie soviétique et de la planification. Des documents abondants qu'il a rapportés, il a eu l'heureuse idée d'extraire la substance d'un livre. Certes, sur un sujet aussi vaste, on ne saurait écrire une « somme» définitive. L'auteur a donc dû se limiter, laissant de côté certains aspects importants du sujet, à la planification du commerce extérieur, de l'organisation financière, de l'agriculture, des salaires et de la main-d'œuvre. D'autre part, le thème abordé par M. Bernard est en constante évolution: l'image qu'il donne des méthodes et des résultats de la planification soviétique n'est donc plus, en 1964, exactement ce qu'elle était en 1961. Pourtant ces réserves n'enlèvent rien à la valeur de son étude. Le livre est intéressant, tout d'abord, parce qu'il résume les réflexions d'un technicien sur un système de planification rigide et totalitaire dont la philosophie, les principes, les méthodes (et les résultats) sont très différents de la planification « souple », ou « indicative », en vigueur dans notre pays. La description des mécanismes de planification fonctionnant actuellement en Union soviétique ne constitue, cependant, qu'un aspect de cette analyse. L'auteur cherche également à montrer de quelle façon le Plan soviétique influe sur le déroulement de la vie économique. A quelles conclusions parvient M. Bernard, au terme de ce double examen ? « L'impression qui l'emporte, écrit-il, est celle d'un système admirable, mais rudimentaire. Admirable, car tel est bien le qualificatif qui s'impose devant cette énorme construction, ces propositions et directives, qui montent et descendent d'un bout à l'autre d'un immense pays, ces normes, ces indices et balances, dont l'objet est de s'appliquer à toutes les situations, ces plans, qui s'emboîtent les uns dans les autres dans le temps et l'espace, ces Biblioteca Gino Bianco 259 réformes incessantes pour adapter le système à des exigences toujours plus poussées, ou pallier les insuffisances les plus criantes, cette vision de croissance et de transformation de la société, enfin, dont elle est l'expression, et qui s'impose à toute une population. Mais rudimentaire également, tant paraissent encore insuffisants les procédés de choix des divers objectifs, et, surtout, tant reste, en fait, mal assurée la coordination entre les diverses parties de cet ensemble» (p. 124). Pour illustrer le caractère « rudimentaire » de la planification soviétique, M. Bernard cite un grand nombre d'exemples qui attestent à quel point une prévision tâtillonne, des mécanismes bureaucratiques pesants, la paralysie de toute initiative individuelle entravent ou désorganisent l'ensemble de la vie économique. D'après les statistiques, le port de Léningrad est l'un des plus grands du pays. En réalité, son trafic est constitué pour près de la moitié par du sable en provenance du golfe de Finlande : « le sable "fait" le plan et crée aussi une illusion de mécanisation poussée >> (p. 176). Avant l'institution, en 1957, des sovnarkhozes, conseils destinés à déconcentrer les organes directeurs de l'économie, « chaque ministère ou direction tendait à constituer un monde à part, ayant ses fournisseurs et clients propres, fabriquant souvent lui-même une partie des matériels et matières premières dont il avait besoin, sans égard ou presque à la localisation géographique. Le résultat était un chassé-croisé prodigieux des marchandises les plus diverses à travers tout le territoire soviétique. Telle fabrique de machines envoyait sa production à des milliers de kilomètres, alors qu'à peu de distance une entreprise utilisant les mêmes machines et, approvisionnée par l'intermédiaire des organismes d'achat dont elle dépendait, recevait les siennes d'usines non moins lointaines. »· Mais la création des sovnarkhozes ne semble pas avoir supprimé les cloisonnements qui existent entre les différents secteurs de l'économie, ou entre les entreprises d'une même branche : « De nombreuses informations font état du manque de coopération entre agents ou entre entreprises relevant de deux sovnarkhozes. Une caricature du · Krokodil montrait un père empêchant son enfant de prêter un jouet à sa camarade en disant : "Elle n'est pas de notre sovnarkhoze." On relève de même que deux chalutiers en mer ne peuvent transférer l'un à l'autre de l'eau ou du poisson sans en référer à Moscou - ce qui, même avec la radio, ne permet pas de décision avant deux semaines » (p. 138). En citant ces exemples pris sur le vif, l'auteur n'apporte certes pas de révélations bien surprenantes au lecteur quelque peu averti des réalités de la vie économique en U.R.S.S., mais il lui permet de rattacher avec précision ces « ratés » de la vie économique à leurs véritable5 causes qui sont, essentiellement, les inextricables difficultés auxquelles se heurte tout effort sérieux pour coordonner les différents plans dans le temps et dans l'espace, et pour harmoniserles différents éléments d'un même plan.

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