252 copte se bornait à l'Egypte, ou tout au plus à l'Afrique, particulièrement à l'Afrique orientale. De profonds rapports subsistèrent avec le passé pharaonique. Bien des anciennes traditions égyptiennes se conservèrent sous un voile chrétien, dans le symbolisme et l'art de l'Eglise, et dans la vie quotidienne de la communauté copte. Ainsi l'ancienne « croix égyptienne», ou croix ansée, n'est autre que le symbole d'Isis, qui est aussi le hiéroglyphe « ânkh »,ou « Vie ». Autre exemple : saint Georges, vainqueur du Dragon, fut représenté sous forme d'Horus à tête de faucon (le dieu-pharaon en personne), tuant un crocodile. Enfin la circoncision - rite préhistorique typique de toute l'Afrique noire, adopté par les Egyptiens pharaoniques dès les premiers âges et transmis par eux aux peuples de Canaan, y compris les Hébreux, ainsi qu'aux Arabes - est toujours pratiquée par les Coptes, aussi bien que par les chrétiens d'Ethiopie, proches des Coptes par la religion. Non moins significative est la persistance de la langue copte, en tant que langue d'église et parler vulgaire, jusqu'en pleine époque musulmane. Car le copte n'est autre que la forme ultime de l'égyptien pharaonique, quoique écrit non plus en hiéroglyphes mais dans un alphabet particulier, dérivé surtout du grec. La littérature copte est à peu près entièrement religieuse et, selon les spécialistes européens, ne brille guère par l' originalité de la pensée. Elle s'éteignait déjà au Moyen Age. Mais on ne saurait nier son importance historique à l'époque précédente. L'Egypte copte fut aussi l'un des foyers où se développa le monachisme, ce phénomène essentiel aux origines des civilisations chrétiennes. Autant et plus que la Syrie, la « Thébaïde » était alors une terre d'élection des anachorètes et des premiers couvents. Leur influence se fit sentir jusqu'en Italie et en Irlande. D'autre part, la tradition copte joua un rôle décisif dans la formation des chrétientés d'Afrique orientale, parmi les Nubiens (au Soudan actuel) et surtout parmi les Ethiopiens. Il est même possible de définir ces peuples, si divers par la race et la langue, comme « coptes » de religion. L'extrémisme des moines coptes, leur refus de transiger avec le monde d'ici-bas, était sans doute nourri des sentiments de toute la communauté. Celle-ci se dérobait de plus en plus à l'emprise du césarisme romain (ou byzantin), sans lui trouver de substitut national. D'où l'attitude purement négative des Coptes, leur impuissance à l'action constructive. D'où aussi leur farouche résistance en matière d'idéologie (ce qui, à l'époque, signifiait hérésie théologique), au temps où l'orthodoxie de Byzance s'opposait férocement aux croyances de ses sujets d'Orient. L'Egypte copte devint ainsi l'un des centres principaux des monophysites, qui ne voyaient « qu'une seule nature» (la divine) dans le Christ. Non que la masse du peuple copte fût tellement riche en Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL théologiens ; mais c'était là une façon (peut-être la seule possible) de se séparer violemment de l'étranger oppresseur. D'ailleurs, la méfiance à l'égard de tout christianisme européen a persisté chez les Coptes (et chez leurs coreligionnaires éthiopiens) à travers les siècles. Le schisme, creusant un abîme entre l'Empire byzantin et l'Orient monophysite, fournit sans doute une des raisons qui peuvent expliquer l'étonnante facilité des premières conquêtes musulmanes. En comparaison avec le régime impérial, les monophysites de Syrie, de langue araméenne, et plus encore les Coptes d'Egypte (les uns et les autres formant alors la masse des populations locales), voyaient dans les Arabes envahisseurs un moindre mal; ils ne s'opposèrent guère à ces derniers, et, surtout en Egypte, allèrent même jusqu'à collaborer avec eux. Le désenchantement ne tarda pas à se manifester, dès avant l'an 700. Au temps des Omey- 1yades, puis des Abbassides, lorsque l'Egypte tomba au rang d'une province exploitée par les califes de Damas, ou de Bagdad, les Coptes prirent les armes plus d'une fois, mais sans succès. Ce furent d'ailleurs des jacqueries contre les collecteurs d'impôts, plutôt que des mouvements nationaux ou politiques. La répression, en tout cas, fut sanglante. Certains historiens pensent que dès le 1xe siècle les Coptes étaient devenus minorité dans leur propre pays, non pas tant à cause des massacres que par suite des conversions, volontaires ou forcées, à l'islam. Néanmoins l'opposition des Coptes, comme celle d'autres peuples (notamment les Iraniens en Orient et les Berbères en Occident) contribua au démembrement rapide des califats arabes. En fait, dès le 1xe siècle, l'Egypte n'obéissait plus guère à son suzerain nominal de Bagdad et s'acheminait vers l'indépendance, sous la dynastie turque des Toulounides. Au xe siècle, le pays fut conquis par les Fatimides, groupe chiite dissident qui se réclamait de l'Arabie mais venait en réalité de l'Afrique du Nord, où son principal soutien avait été la tribu kabyle des Kétama. Sous les califes fatimides, l'Egypte musulmane atteignit l'apogée de sa culture et de son influence internationales. Malgré les persécutions chiites périodiques, les Coptes retrouvèrent alors un rôle de premier rang, surtout dans l'administration et la vie économique. Au temps des Croisades, alors que la plupart des communautés chrétiennes de Syrie et du Liban prenaient fait et cause pour leur coreligionnaires venus d'Europe occidentale, les Coptes, eux, restèrent fidèles aux gouvernants de l'Egypte musulm~e. C'est là une des causes de l'échec final des Croisades. En effet, Saladin et sa dynastie kurde (les Ayyoubides), aussi bien que leurs successeurs les Mameluks, qui chassèrent les Croisés de leurs dernières positions au Levant, se fondaient surtout sur l'Egypte et se reposaient donc, dans une certaine mesure, sur la fidélité des Coptes.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==