rev11e/,istorique et critique Je1 fait1 et Jes idées Juillet-Août 1964 Vol. VIII, N° 4 LE DÉSARROI COMMUNISTE par B. Souvarine APRÈS DES MOIS et des mois de consultations, de sondages, de préparatifs, de louvoiements, d'hésitations, d'ajournements, d'allées et venues, les dirigeants communistes soviétiques ont annoncé le 10 août leur intention de réunir à Moscou le 15 décembre une conférence internationale ayant pour objet principal de convoquer une conférence plus internationale encore pour l'année prochaine. Le fait qu'il ait fallu si longtemps et tant de manières pour décider .quelque chose d'aussi banal en dit long sur le désarroi de l'oligarchie communiste. A part le bavardage torrentiel que suscite et alimente cette menue péripétie dans la presse «bourgeoise» irresponsable, on ne voit guère en quoi la réunion prévue peut avancer les tireurs de ficelles. En aucun cas elle ne saurait faire impression sur la Chine dissidente et ses satellites. Elle ne pourra que rabâcher ce que les conférences antérieures de 1957 et de 1960 ont déjà dit et que les organes communistes de toutes sortes ont répété plutôt cent mille fois qu'une. Les Chinois, pour leur part, rabâcheront leurs accusations, dénonciations et anathèmes dont ils ne pensent pas un mot et qui ne convainquent personne, étant bien entendu que les scissions et les regroupements du communisme actuel ne dépendent pas de cette littérature. La conférence convoquée par Khrouchtchev et c1e n'a de signification plausible que le besoin de « faire quelque chose » pour montrer que la majorité des forces communistes reste fidèle à son état-major traditionnel. Mais cela n'empêchera pas la minorité de contester la légitimité de cette prétention et de poser à la seule incarnation authentique du marxisme-léninisme. Entre les deux conférences projetées, les promoteurs espèrent-ils quelque changement d'orientation au Politburo de Pékin ? Ils ne se sont que trop mépris jusqu'à présent à cet égard et nul ne saurait dire s'ils en nourrissent encore l'arrière-pensée. Le plus vraisemblable est qu'ils agissent en plein emf irisme, à tâtons, sans regarder en face ce que 1 avenir leur réserve. Il faut donc s'attendre à maintes répétitions de part et d'autre au cours des prochaines phases Biblioteca Gino Bianco de logomachie en perspective, sans exclure que l'ardeur des polémiques puisse inciter à des aveux involontaires ou à des révélations piquantes, seule matière intéressante pour les observateurs impartiaux de notre espèce. A vrai dire, on ne doit pas escompter de grandes contributions à la vérité historique, comme l'expérience des dernières années le prouve, car les antagonistes ont , été trop solidaires dans le passé pour s'exposer à compromettre leur propre cause en vidant leur ' sac. On comprend qu'ils hésitent à raconter ce qu'ils savent réciproquement de leurs réalités respectives, devant le risque d'appeler lourdement l'attention sur une complicité si récente. C'est ainsi que Khrouchtchev pourrait singulièrement embarrasser Mao en ouvrant certains dossiers de Staline, mais il se mettrait lui-même en triste posture s'il se décidait à le faire : ne s'est-il pas défini, dans une biographie officielle, comme l'un des plus proches et des meilleurs compagnons d'armes de Staline ? Précisément vient de paraître à Pékin (11 août) un recueil contenant une centaine de textes signés Khrouchtchev et parus dans la presse soviétique pendant les dix années précédant la mort de Staline. Ce faisant les Chinois veulent dévoiler « les germes d'une trahison révisionniste » du malheureux Khrouchtchev qui, naguère, « exaltait Staline avec ferveur » en « employant le langage le plus obséquieux », alors qu'aujourd'hui, «usant de la langue des trotskistes, il l'accuse d'être un assassin et un idiot». La préface le qualifie de conspirateur, d'arriviste, d'hypocrite et d'usurpateur, ce qui de la part de Mao ne tire guère à conséquence. Mais la publication de ces textes présente un intérêt certain, surtout si les Chinois en diffusent la traduction en plusieurs langues, puisque du côté occidental il est pratiquement interdit de faire à Khrouchtchev nulle peine, même légère. Tout ce qui met en pleine lumière les hommes et les choses du communisme sert la cause de la civilisation démocratique, en serait-on redevable à la Chine et à la faveur d'un conflit sordide. Observons que les éditions de Pékin ont, à leur manière, en compilant les écrits
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