Le Contrat Social - anno VIII - n. 4 - lug.-ago. 1964

L. TIKOS Zala par Gyula Hevesi, membre du Comité central du Parti et vice-président de l'Académie des Sciences de Hongrie. Hevesi rejetait catégoriquement la thèse majeure de Zala selon laquelle l'Union soviétique avait seule le droit de présenter la vérité historique sur la terreur stalinienne : quiconque en avait subi les effets, soutenait-il, pouvait les écrire, pourvu qu'il montrât un « bon vouloir politique» - en d'autres termes, pourvu qu'il soutînt la ligne du Parti et le régime soviétique et ne blâmât que Staline pour les « erreurs ». Lengyel ayant montré ce bon vouloir, Zala n'avait aucune raison de l'attaquer. Le débat prit fin sur cet avis péremptoire d'un membre du Comité central. Alors que la controverse provoquée par le récit de Lengyel était en cours, l'ouvrage de Soljénitsyne, Une journée d' Ivan Dénissovitch, parut dans la traduction hongroise 19 et fut versé au dossier. L'attitude officielle de tolérance montrée dans les discussions semblait créer une ambiance où il serait possible de parler de phénomènes analogues survenus dans sa propre maison. S'il était permis en Union soviétique d'écrire sur la terreur stalinienne, pourquoi ne le serait-il pas de traiter de la terreur dans la Hongrie de Rakosi ? Il semblait que la glace fût rompue et, vers la fin de février 1963, la revue Kortars fit le second pas en publiant Le Dix-septième dimanche, court récit de.Gyula Oszko sur la terreur du temps de Rakosi et sur le « procès à grand spectacle » de Rajk en 1949. Pleins feux sur la Hongrie de Rakosi COMME LE RÉCIT de Lengyel, celui d'Oszko est présenté sous forme de fiction, mais on peut supposer qu'il est fondé sur l'expérience personnelle de l'auteur. Arrêté par l'A.V.H., la police secrète de Rakosi, Oszko fut forcé de signer de faux aveux impliquant Rajk dans une affaire de « trahison » puis gardé en prison. Il ne fut réhabilité qu'après la mort de Staline. Le héros de la nouvelle passe cinq années en prison, mais c'est le dix-septième dimanche ayant suivi son arrestation qui reste le plus profondément gravé dans sa mémoire : ce jour-là, sa résistance se brisant sous la torture, il signe la confession fabriquée de toutes pièces qu'on exige de lui. De là le titre. L'œuvre d'Oszko est d'une qualité littéraire inférieure à celle de Soljénitsyne et de Lengyel; elle est trop ouvertement tendancieuse. L'histoire est faite surtout de souvenirs sans suite ; de nombreuses pages sont consacrées à l'angoisse mentale du héros qui se demande comment un dévoué communiste de longue date tel que lui, servant loyalement « la République des ouvriers 19. Dans le numfro de février 1963 de la revue littéraire Nagyvilag, ainsi qu'en un volume publié par Europe Publishing House. Plusieurs quotidiens le publièrent également en feuilleton. Sur les réactions du public hongrois, cf. 1 ajos Galambos : • Je proteste•, in Kortar11 mars 1963. Biblioteca Gino Bianco 225 et des paysans », a pu être arrêté, soumis à l'interrogatoire et à la torture jusqu'à ce qu'il signe une déclaration non seulement fausse, mais aussi, selon lui, contraire à l'intérêt véritable du Parti. Malgré ses souffrances et ses débats de conscience, il se cramponne à sa foi communiste et croit que la terrel,Jr ne peut être qu'une erreur temporaire que le temps dissipera. Le personnage central est un ingénieur chimiste âgé de trente-huit ans au moment de son arrestation, en juin 1949, et dont l'activité en faveur du Parti remonte au temps de la résistance communiste d'avant guerre en Hongrie. Il a servi en Espagne pendant la guerre civile (où il fut le camarade de combat de Rajk) et il a été emprisonné par les Allemands. Ces antécédents sont significatifs : ils identifient notre homme au groupe actuel des dirigeants « élevés au pays » par opposition à l'ancienne équipe des staliniens« émigrés à Moscou », tels Rakosi et Geroe. De toute évidence, l'auteur se propose de « rendre justice devant l'histoire » à cette nouvelle génération de dirigeants, de justifier son règne et de créer une mystique en faisant du martyr Rajk une sorte de héros national. Après son arrestation, l'ingénieur est accusé d'espionnage pour le compte de « l'impérialisme américain » ; il aurait pris part à un complot ourdi par Rajk en vue de renverser le régime communiste. Les accusations sont si fantastiques qu'il est d'abord tenté d'y voir une plaisanterie. Réfléchissant aux relations étroites qu'il a eues avec Rajk au cours de nombreuses années, il ne peut le croire capable d'avoir comploté contre le régime: Il avait toujours eu une grande affection pour Rajk, qu'il avait même idolâtré étant jeune. Un grand nombre d'aventures communes le liaient à lui : le mouvement de jeunesse de 1930-40; des randonnées en commun dans la Résistance; des colloques secrets sur l'économie politique ; les années de la guerre civile d'Espagne ; la baraque partagée au camp d'internement ... Se pouvait-il que le même Rajk soit un informateur de la police, un espion et un agent de l'impérialisme ? Non ! Il sentait, il était sûr que ce n'était pas possible. Il avait toujours regardé Rajk comme l'un des éléments les plus prometteurs du mouvement ouvrier hongrois ... Il lui fallait défendre Rajk ; il lui fallait défendre les autres, aussi. Ce n'était pas facile. L' A.V.H., « glaive et bouclier » du Parti, avait les moyens de « briser » les plus durs parmi les anciens de la clandestinité. La première étape consistait à priver le prisonnier de tout sommeil pendant les dix premiers jours de l'interrogatoire. Ce n'était qu'un commencement. Les coups et la torture devenaient ensuite presque une routine, agrémentée de ruses ingénieuses. On montra un jour au héros ce qui semblait être une coupure de journal \avec l'entête et la date) affirmant qu'il avait éte tué d'un coup de fusil par un garde-frontière alors qu'il essayait de passer en Yougoslavie, et que d'im-

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==