Le Contrat Social - anno VIII - n. 4 - lug.-ago. 1964

224 objet~ « prov_e,n~t du pillage du Japon» 17 vers les villes sov1et1quesde l'Ouest pour les échanger contre des pommes du Caucase, des combinaisons de femme, des montres de poche et des postes de radio (ces derniers provenant très probablement du pillage de l'Europe orientale). ~près trois s~maî?es d'aventures, Georges arrive dans la pente ville d'Alexandrov où habite un de ses compatriotes hongrois. Sale et couvert de poux, il tombe malade. Encore faible, il lui faut cependant se lever au bout de trois jours pour cherche~ du ~ravail. Il n'obtient qu'un emploi te~po~atre. qw ne donne pas droit à la carte de pam; il lw faut donc acheter celui-ci au marché qu~ tiennent les épouses et les mères d'agents de police, lesquelles prennent soin d'éliminer toute concur!ence. Il paye cent roubles un pain qu'il pourrait acheter deux roubles s'il avait des tickets. Georges passe presque deux années à Alexandrov jusqu'à ce qu'une nuit la police vienne le chercher. ~on cas fait l'objet d'une enquête de quatre mots, après quoi on lui assigne un lieu de résidence qu'il ne doit pas quitter sous peine d'être ~mprisonné à nouveau pour vingt ans. L'endroit est un kolkhoze, où il travaille d'abord à la fabrication du charbon de bois, puis comme gardien des récoltes. Georges découvre que les conditions de vie au kolkhoze ne sont pas très différentes de celles du camp de travail. Le vol est la règle et un « vieil homme invalide et sans armes » comme l'est maintenant Georges ne peut pas grand-chose pour l'empêcher. Le mobile de ces vols est très simple : Quinze pour cent du grain panifiable récolté par le kolkhoze sont distribués aux kolkhoziens, une quantité suffisante est mise de côté pour la semence et le reste livré à l'Etat. Un tiers seulement des céréales remises aux kolkhoziens est apte à la consommation ; la plus gra1_1dep~rtie est gelée, moisie ou remplie de folle avome n01re. Pendant les six années suivantes, Georges est garde forestier. Vieilli et affaibli, il craint d'avoir à mendier le restant de ses jours, mais finalement sa _fortune p~end un tour meilleur. Il pourrait mamtenant vivre heureux et en paix, mais il est tourmenté par l'insomnie. Le souvenir de ses épreuves occupe continuellement son esprit et une question le hante : « Pourquoi et comment est-ce arrivé ? » Dans son journal, Georges Ne - c~erchez - pas - qui ne tente cependant pas de repondre : il se contente d'exposer les faits. Le récit de Lengyel présente également d'intéressantes études de caractère sur certains compagnons de prison de Georges, notamment les portraits d'Ivan Timofiéïévitch et de Kondrat Ivanovitch. Le premier est un communiste de 1_7•. Le « pillage » commis par l' Armée rouge dans les territoires occupés n'avait jusque-là jamais été mentionné dans aucune publication soviétique ou est-européenne. BibliotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE l'ancien temps, jadis emprisonné et exilé en Sibérie par le régime tsariste ; l'autre est un vieil ouvrier d'usine de Léningrad, homme profondément religieux qui appartient à la secte des vieux-croyants. Ces deux hommes sont les seuls personnages positifs de l'histoire. Ils ne jurent pas et ne se conduisent pas comme des brutes ; ils conservent leur dignité d'homme dans les circonstances les plus humiliantes; ils partagent tout entre eux, prennent soin l'un de l'autre et montrent l'exemple à leurs compagnons de misère. La grande différence entre eux est l'opposition de leur foi respective : Ivan Timofiéïévitch croit au communisme, Kondrat Ivanovitch en sa religion. Tous deux sont continuellement engagés en une pacifique bataille d'idées pour sauver l'âme d'un des jeunes prisonniers. Dans ce combat engagé à l'intérieur d'un camp de concentration communiste, Ivan Timofiéïévitch est, bien entendu, handicapé pour répondre aux questions pénétrantes · du Jeune homme, par exemple lorsque celui-ci lui demande comment il peut encore rester communiste. Le récit de Lengyel provoqua des commentaires et des controverses dans les milieux littéraires. Un professeur de littérature de Debrecen compara les ouvrages assez analogues de Lengyel et de Soljénitsyne et en vint à interpréter la terreur s~alinienne en Union soviétique comme une survivance du capitalisme que la jeune société socialiste n'avait pas encore réussi à éliminer 18 • Là n'était pas, cependant, le nœud de la controverse qui s'ensuivit. Le débat, qui mit aux prises « conservateurs » et « libéraux » parmi les écrivains communistes hongrois, portait plutôt sur les questions suivantes : existe-t-il ou non un besoin de livres révélant les maux et la terreur de l'ère stalinienne ? Comment de tels écrits doivent-ils être envisagés et quelle doit être la tâche de la littérature dans ce domaine ? Le débat fut ouvert par le quotidien Magyar J>f emzet (17 fév. 1,963),~rgane du « Front patriot1que », lequel emettatt l'assertion que seule l'Union soviétique pouvait fournir une « analyse ~sychologiquement et historiquement authent1que ~es camps de concentration soviétiques ». Tam~s ~ala,, a~teur de l'article, accusait Lengyel de n avoir decr1t que des « personnages bestiaux, tournoyant dans une ambiance lunaire d'une froideur glacée », et èontestait que le héros de Lengyel, après sa libération, ait également trouvé « un camp à l'extérieur ». Les critiques adressées à Zala amenèrent une prompte réaction de la part des «libéraux». Six jours après la parution de l'article du Magyar Nemset, le mensuel littéraire Blet es Irodalom publiait, en faveur de Lengyel, un article de l'éminent prosateur et journaliste Sandor Tatay, suivi, dans son numéro suivant (mars 1963),d'une autre contre-attaque vigoureuse dirigée contre 18. Professeur Pal Kardos: « Un sujet - deux méthodes» in · Aljold, avril 1963. '

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==