Le Contrat Social - anno VIII - n. 3 - mag.-giu. 1964

LE COMMUNISME ET LES GRANDES RELIGIONS par Léon Emery ON NE SAURAIT TROP le répéter: le marxisme prétend être beaucoup plus qu'une quelconque doctrine politique ; il se donne pour une philosophie totale, englobant une anthropologie, une philosophie de l'histoire, un système économique, une éthique. Dès l'instant qu'on se range sous sa loi, les autres Sommes de la connaissance n'ont plus de raison d'être et c'est pourquoi il lui importe essentiellement que disparaissent les grandes religions qui ont régné jusqu'à son apparition. A cet égard, il existe des liens évidents entre lui et les théories scientistes qui se flattent, elles aussi, de libérer les hommes en leur montrant les chemins nouveaux de la vérité. Rien n'est plus important dans l'œuvre de Marx que les thèses relatives à la démystification; il est bien inutile de parler à des esclaves, à des hommes aliénés, dépouillés d'eux-mêmes par les prêtres et les croyances illusoires. L'enseignement du matérialisme ~storique devient ·préface et condition de toute émancipation qui ne veut pas être un leurre; d'ailleurs le pouvoir sur les esprits ne se partage pas. Cela étant, il est clair que le communisme militant ou triomphant ne saurait renoncer à combattre les religions et à imposer l'athéisme sans renoncer dé~tivement à tout ce qui lui vient de Marx; l'opportunisme tactique peut justifier qu'on voile à certains moments cette loi suprême, mais ce ne sera jamais que par feinte, manœuvre et ruse. On s'égare donc lorsqu'on calcule les chances de la subversion communiste en tablant exclusivement sur les aspects d'un monde « bourgeois » et « capitaliste », au reste bien peu conforme désormais à la définition qui était valable du vivant de Marx. La lutte à mort contre les religions et les Eglises est un autre facteur très important dont dépend en partie la conclusion de ce grand drame. Nous voudrions tenter de définir sommairement l'attitude qu'ont adoptée les Eglises. traditionnelles en présence de la menace qui pèse sur elles.,le degréde perméabilitéd, e connivence Biblioteca Gino Bianco ou de résistance dont témoigne leur comportement ; il n'y a pas d'inconvénient à suivre un ordre classique ou scolaire, à considérer tour à tour les trois religions universelles qu'on tient pour prédominantes: bouddhisme, islam et christianisme. * 'f 'f SI L'ON s'en tient à une sorte de statistique officielle, c'est le bouddhisme qui compterait le plus grand nombre d'adeptes; il aurait quelque droit d'autre part à se dire universel puisque, les neuf dixièmes de ses recrues vivant en Asie, il peut néanmoins se targuer d'avoir essaimé en Afrique, voire en Europe et aux Etats-Unis. Mais ces indications générales n'ont que peu de valeur, car, à proprement parler, il n'existe pas d'Eglise bouddhique unitaire et la doctrine a subi, selon les temps et les lieux, d'incroyables métamorphoses. On sait que l'authentique enseignement du Bouddha n'a guère subsisté qu'en des zones assez restreintes, par exemple à Ceylan ; partout ailleurs, il s'est gravement adultéré ou plutôt a été recouvert par une luxuriante végétation de croyances locales, de rites, de mythes, de spéculations· métaphysiques. Il est donc très difficilede faire la part du bouddhisme historique dans les très complexes syncrétismes nés sur le sol de la Chine, du Japon et de l'Inde elle-même, peu fidèle en somme à la parole du maître. Trouverons-nous cependant une racine, un noyau reconnaissable, une tonalité commune plus ou moins accentués? Question décisive, car si nous en croyons certains auteurs, dont l'auto- . rité ne paraît pas indiscutable, bouddhisme et communisme feraient aisément bon ménage et même ne répugneraient pas à des symbioses ; cet amalgame paraît sommaire et grossier, une ascèse de l'âme qui veut se libérer dans le nirvana, et donc renoncer à toute existence person-

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