180 aux armements le principal facteur de stabilisation, l'atténuation des fluctuations cycliques lui paraît grosse de dangers (p. 184) : Le cycle économique se combine ainsi avec un cycle de guerres : c'est l'ère du capitalisme de guerre. De cette vision apocalyptique, l'auteur glisse allégrement vers une affirmation tout simplement ahurissante : le welfare state et le fascisme ne sont à ses yeux que deux aspects d'un seul et même phénomène, qu' « aucune barrière infranchissable ne sépare en fait» (p. 201). « La politique économique des Etats bourgeois, écrit-il, évolue ainsi vers une combinaison d'éléments du welfare state (plus ou moins réels ou démagogiques, d'après la richesse relative du pays capitaliste) et d'éléments " fascistes " (défense du profit par l'abaissement du niveau de vie des masses).» Une fois de plus, on se demande si l'on a bien lu. L'auteur construit ainsi artificiellement un cc capitalisme en déclin » qui ne répond en rien à la réalité. S'il n'était aveuglé par un dogmatisme certain (dont la nature s'affirmera aux chapitres suivants), il n'aurait aucune peine à voir où se situe le déclin effectif du capitalisme. Il constate lui-même. cc le rétrécissement relatif du marché mondial capitaliste » et le fait que les exportations des nations industrielles représentent une part décroissante de leur production. La perte d'immenses débouchés au lendemain de la deuxième guerre mondiale, après l'abaissement du rideau de .fer (ne mentionnons que la Chine), eût été un coup mortel pour le capitalisme d'avant 1939. Le communiste américain William Z. Foster, dans un article publié en 1948 ou 1949, ne se promettait-il pas, de ce rétrécissement, un effondrement rapide du système? Or il n'en fut rien. Bien qu'ayant perdu la plupart de leurs débouchés non capitalistes de jadis, les économies occidentales actuelles connaissent depuis la fin de la guerre une existence sans crises (les « récessions » présentes ne sont en rien assimilables aux crises d'antan). La Chine a rompu ses lie.ns avec le ci-devant marché mondial et la décolonisation a privé les nations colonisatrices des neuf dixièmes au moins des surprofits tirés autrefois de ces immenses territoires (les chiffres produits par M. Mandel sur les surprofits encore présentement réalisés paraissent imposants en soi, mais ne représentent plus rien par rapport au montant total du profit des nations ex-impérialistes). · Cette réduction foudroyante des surprofits coloniaux aurait dû accélérer la baisse du taux de profit au point de précipiter le monde occidental dans une crise dix fois plus grave que celle de 1929-34. Or rien de pareil ne s'est produit. Cela veut dire que les lois qui régissaient le capitalisme analysé par Marx ·ne jouent plus. Cela signifie encore que ,l'économie occidentale actuelle a cessé d'être capitaliste, du moins en .. Biblioteca Gino B-ianco LE CONTRAT SOCIAL ses principaux secteurs. Elle peut se passer de débouchés non capitalistes à l'extérieur parce qu'elle en trouve de plus en plus, grâce aux natio-. nalisations et à l'extension du secteur public, . à l'intérieur même de ses frontières. L'élévation de la composition organique n'entraîne plus ni surpopulation relative (il y a plutôt pénurie d~ main-d' œuvre), ni baisse du ·taux de profit, ni baisse du salaire relatif. · · Ayant rejeté à juste titre la thèse de la paupérisation absolue, M. Mandel persiste à soutenir celle de la paupérisation relative. Il ne devrait pourtant pas ignorer les chiffres qui prouvent que la paupérisation relative elle-même appartient au passé ; ces chiffres, il aurait pu les trouver dans les derniers ouvrages de Fritz Sternberg 5 • Ceux qu'il produit ne font qu'infirmer sa thèse. A la .. page 183 du tome I, il publie un tableau où figurent en parallèle les indices américains du produit réel par heure et du salaire réel horaire. Si le salaire réel augmente moins vite que le produit réel, il y a évidemment baisse du salaire relatif. Les indices en question sont calculés en moyennes décennales, la décennie 1891-1900 étant prise pour base ( = 100). Il ressort du tableau que, pour la dernière décennie qui y figure (1941-1950), l'indice du produit est 281,3, alors que celui du salaire n'atteint que 209. Il y a donc incontestablement baisse du salaire relatif depuis la fin du siècle dernier. Mais ce que M. Mandel n'a pas remarqué, c'est le renversement de la tendance au cours des deux dernières décennies. Voici les chiffres (base 100 en 18911900) : Produit réel Salaire horaire par heure · réel 1911-1920 ... 146,0 109,1 1921-1930 ... 196,4 137,2 1931-1940 ... 2 33,5 158,0 1941-1950 ... 281,3 209,0 Ce qui donne l'acèroissement suivant: Produit réel Salaire réel 1911-20/1921-30 . 34,5 °/4 16,6 % 1921-30/1931-40 . 18,9 % 15,2 % 1931-40/1941-50 . 20,5 % 32,3 % La baisse du salaire relatif est brutale au cours ..,,dela décennie 1921-1930, elle devient presque insensible pendant la décennie 1931-1940 (le New Deal y est assurément pour quelque -chose) et il y a hausse du salaire relatif pendant la dernière décennie. La t~ndance s'est incontestablement inversée. · Il y a certes déclin du capitalisme, mais ce . déclin ne réside pas là où M. Mandel le cherche en vain en concluant ce chapitre sur l'énumération de « contradictions » révolues ou en voie 5. Décédé le 18 oct. 1963. ,.
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