SUR LA POLITIQUE DE MAX WEBER par Meyer Schapiro Max Weber {I864-I920) n'a guère été connu en France quepar le livre de Marcel Weinreich: Max Weber. L'homme et le savant. Etude sur ses idées directrices (Paris, Vrin, I938) et surtout par les ouvrages de Raymond Aron traitant de la sociologieallemande contemporaine, aussi par quelques articles d'Henri Sée et de M. Halbwachs, avant d'être traduit et publié bien tardivement en français. C'est en I959 seulement qu'on a édité à Paris, chez Pion, par les soins de M. Eric de Dampierre, deux opuscules de Max Weber sous le titre : Le Savant et le politique, avec une introduction substantielle de Raymond Aron, largement reproduite dans notre Contrat social de mars I959. Maintenant vient de paraître, dans la même collecNotice sur Max Weber CONTEMPORAIdNe Lénine et de Richard Strauss, Max Weber a été appelé << le Marx de la bourgeoisie». C'est de Marx qu'il a hérité ses problèmes fondamentaux : Comment le capitalisme occidental est-il apparu? Quels sont ses caractères? Où va-t-il? Tout comme Marx, il avait une vue perspective de l'histoire du monde et se passionnait pour l'économie politique et la sociologie. Cela dit, le rôle des idées et des intérêts dans l'histoire est le thème majeur des travaux de Weber. Sans relâche, il se creusait la tête pour s'expliquer l'énorme distance entre les intentions de l'homme et le résultat de ses actions. La logique de l'histoire, pensait-il, ne - coïncide pas avec les calculs de ceux qui font l'histoire, surtout pas avec les calculs des hommes qui font l' événement. L'homme est-il donc à tout jamais condamné à se duper lui-même? Pourquoi le capitalisme industriel moderne, qui n'est qu'un type de société parmi d'autres, a-t-il eu besoin d'une avant-garde de puritains petits bourgeois, de saints hommes qui, tout en se proposant de servir Dieu, ont engendré sans le vouloir le capitalisme, lequel, une fois en selle, a pu se passer de la religion? Et pourquoi le capîtalisme moderne n'est-il apparu qu'en Occident? Pourquoi pas dans l'Antiquité Biblioteca Gino Bianco - tion, L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme. On souhaiterait que suive bientôt la critique du matérialisme historique, écrite par Max Weber vers la fin de sa vie. Notre revue a donné en I960 ( n°8 2 et 3) Max Weber et la Russie, de Richard Pipes. En contrepartie, il y a grand intérêt à lire les considérationsdu professeur Meyer Schapiro, que nous empruntons à Politics, la défunte revue de Dwight et Nancy Macdonald (n° de février I945). Elles sont précédées d'une Notice sur Max Weber, due aux traducteurs de Wirtschaft und Gesellschaft en anglais, H. H. Gerth et C. Wright Mills. Un compte rendu de L'Ethique protestante paraîtra dans un de nos prochains numéros. ou en Chine, ou encore dans l'Inde? En quête de réponses à ces questions, Weber passa du domaine du junker prussien aux latifundia de la Rome antique et aux plantations du Sud des Etats-Unis, des filatures de Westphalie aux lainiers de la Cité de Londres. Les marchands de canons modernes et les négociants parsis, les banquiers romains et la Bourse contemporaine, les castes hindoues et la bureaucratie chinoise des mandarins, les promesses salutistes des grandes religions et les systèmes juridiques du monde entier furent soumis par lui à un examen sociologique minutieux. Comme celle de Marx, l' œuvre de Weber resta inachevée ; la plus grande partie ne fut publiée qu'après sa mort. Vjngt ans ont passé et l'essentiel n'est toujours pas assimilé. Jusqu'à présent, la mise au point méthodologique de Weber et l'apologie de son action qui allait à l'encontre des philosophes de Heidelberg ont été principalement l'affaire de la sociologie académique. L'essentiel de son œuvre est un héritage stimulant et son influence ne fait que s'étendre. En ceci également semblable à Marx, Weber se préoccupait beaucoup de la liberté de l'homme. Aussi se concentrait-il sur le caractère coercitif des institutions e~ sur le poids du pouvoir politique et militaire. Personnellement, il ne pouvait pas grand-chose
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