Le Contrat Social - anno VIII - n. 3 - mag.-giu. 1964

138 n'en déplaise aux matérialistes, demeure le socle visible ou invisible du monde arabe, n'a pa~ perdu sa force de résistance, ni même de rayonnement, puisqu'il recrute parmi les nègres. Le butoir qu'il oppose au communisme est efficace. SI LA LOGIQUE gouvernait les esprits, les plus graves problèmes seraient résolus en une minute. Entre le christianisme et le marxisme les contradictions sont flagrantes, totales, insurmontables, chaque partie ayant d'ailleurs cent fois prodigué à l'autre les anathèmes les plus solennels ; que des infiltrations se fassent d'une foi à l'autre, d'un camp à l'autre, voilà qui devrait être inconcevable. Mais la vie déborde constamment cettë rectitude et, s'il le faut, par l'absurdité. . E~ somme, ce sont les communistes qui prirent avec le plus d'aisance le parti de la marche en droite ligne. Ils héritaient de Marx non seulement la conviction que l'athéisme est nécessaire, mais aussi celle que toute religion est condamnée par le sens de l'histoire et qu'il faut se hâter de la pousser vers les oublièttes. Or il n'est pas de politique plus simple que l'extermination ; on vit donc se déchaîner une série de persécutions religieuses qui égalaient les plus tristement célèbres du passé. Le succès de ce diabolique ratissage semblait d'autant plus probable que les réactions des chrétiens révélaient un étrange désordre : protestations indignées, cris d'horreur, oui, bien sûr, mais aussi résignation au pire, paralysants cas de conscience, plongée en la nébuleuse de doctrines progressistes qui n'allaient jamais sans grande révérence pour Marx et sévérités redoublées pour le Moloch capitaliste. Le combat s'engageait bien mal. Mais en quelques années la fumée s'est partiellement dissipée, les reliefs se reconstituent ; on s'aperçoit que certains traits du paysage doivent être rétablis en de justes perspectives. D'abord il est devenu ridicule, même pour le sectaire le plus obtus, de soutenir que le christianisme est un vieillard agonisant soumis à un déclin fatal. Après tant de traverses, en ce monde moderne qui le conteste ou le repousse, il demeure la plus ferme assise de la civilisation blanche ; il met en action des forces spirituelles, voire matérielles, de toute première importance ; enfin et surtout il a fait preuve d'une capacité de rebondissement ou de rajeunissement dont les obseryateurs les plus indifférents à sa cause ne laissent pas de s'étonner. Nous avons en face de nous, non point des Eglises poussiéreuses et déchues, mais des Eglises en plein réveil qui revendiquent leur place dans la société moderne et ne refusent aucune collaboration à ses tâches ; nous avons une papauté qui a reconquis un grand prestige et fait montre de vues très ouvertes ; nous avons enfin des faisceaux de mouvements politiques ou sociaux plus ou moins rattachés au christiaBiblioteca Gino Bianco LE CONTRAT soc14 nisme et qui le chevillent dans la vie populaire plus peut-être qu'il ne fut jamais. Tout cela ne touche naturellement pas à l'essentiel, mais nous devons nous en tenir à ce qui peut être rationnellement évalué dans les grandes compétitions de ce siècle. Une histoire du présent, si l'on peut dire, faite du point de vue qui nous occupe, devrait commencer par un chapitre émouvant, celui des persécutions en U.R.S.S. et en Chine. Nous savons qu'elles ont été implacables et très largement destructives ou meurtrières ; mais nous savons aussi qu'un petit nombre de héros de la clandestinité ont survécu, qu'en Russie au moins l'~glise du silence se cache et attend, qu'il a fallu tolérer une Eglise orthodoxe, tout à fait officielle certes et contrôlée de près, mais dont on ne peut savoir quel avenir elle porte en elle, qu'il faut enfin reconn:aître périodiquement qu'en dépit de toutes les çampagnes « démystifi:mtes » des vestiges chrétiens se ·laissent déceler, même chez les jeunes. Qu'on '})ense encore aux s1tellites affectés par des tendances centrifuges ; on y ~rouveaujourd'hui la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, et cela dit beaucol,lp. Sans doute on ne prétend pas savoir quelle est la part des banales divergences politiques ou celle d'un vieux nationalisme vite dressé ou redressé contre l'occupant soviétique, mais il serait très erroné de tenir pour négligeable l'influence des Eglises nationales, des prélats populaires e~ de l'antique p~ssé chrétien. Malgré tant de lourdes bévues des progressistes, les Eglises chrétiennes tiennent une place très importante dans la défense de la cité libre. Nous ne perdrons pas notre temps à rappeler quel rôle jouent ceux qu'elles inspirent plus ou moins dans les partis, les assemblées et les gouvernements d'Europe, mais il n'est pas superflu de jeter un coup d'œil sur l'Afrique noire et l'Amérique. En Afrique, où d'ailleurs les missions poursuivent courageusement leur œuvre, tout dépend finalement d'une bien mince et bien fragile élite indigène à la formation de laquelle l'école chrétienne a largement contribué ; les chrétiens noirs ont des responsabilités supérieures à leur nombre. Passant en Amérique, nous devrions longuement nous arrêter. Serait-ce pour parler de l'Eglise des Canadiens français qui est, dit-on, la plus riche du monde? Vaudrait-il mieux mentionner les rapides progrès du catholicisme aux Etats-Unis., aussi bien chez les Blancs ·que chez les Noirs., ces derniers recevant en même temps l'influx musulman? L'élection à la présidence d'un Irlandais catholique, même sans lendemain, restera comme un-signe des temps. Mais tout cela compte peu, au moins dans l'immédiat, par rapport à la grande partie où se joue le destin de l'Amérique latine. Nul n'ignore que les calculs de Castro et de ses commanditaires reposent sur un principe · qui ne manque pas de force : qu'on laisse en présence dans tous les pays latins une plèbe misé- _ rable et une oligarchie restreinte qui crée le scandale par sa richesse et son égoïsme, la révolution

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