136 nelle, ne pouvant avoir rien de commun avec une doctrine de reconstruction sociale inspirée par la volonté de mieux vivre. On peut cependant exciper du fait que le bouddhisme atteint la personnalité en sa racine, ce qui rend plus facilement concevable l'absorption en un être collectif, tel que l'Etat populaire. Il se peut aussi que l'enseignement de la nonrésistance, du non-agir, favorise, qu'on le veuille ou non, la rapide conquête communiste. Tout le monde n'en conviendra pas, les admirateurs de la non-violence gandhiste (qui d'ailleurs ne se référait pas à la parole du Bouddha) faisant valoir qu'elle représentait dans la société hindoue le plus haut degré possible d'énergie, subir exigeant généralement plus de courage que combattre. On le reconnaît bien volontiers et l'exemple donné fut inoubliable; mais, outre qu'on ne parle plus guère de la non-violence dans l'Inde, et surtout pas autour de Nehru, il est permis de se demander si le prodigieux succès de Gandhi a pu établir une norme. Fatigués par des siècles de civilisation, les Anglais n'ont pu se résoudre à régner par le massacre et la terreur, mais une foule désarmée devant les chars de l'armée chinoise pourraitelle bénéficier chez l'ennemi de scrupules aussi paralysants ? Quoi qu'il en soit, nous sommes bien forcés d'avouer que nos informations relatives à l'attitude des bouddhistes chinois et, plus encore, des bonzes, en face du nouveau gouvernement de Pékin sont tout à fait misérables ; il ne semble pas qu'on puisse faire état d'une appréciable résistance ni d'une préférence des Eglises accordée à Tchang Kaï-chek. D'où il suit que les communistes n'ont pas de raison de se déchaîner contre une foule passive qu'ils malaxent à leur gré et qui se perd dans le limon populaire ; leur féroce acharnement contre la minorité chrétienne a suffisamment montré qu'ils savaient où frapper lorsqu'ils le jugeaient bon. Le bouddhisme chinois, déjà si désintégré, va-t-il disparaître au sein d'une société communiste promise à la durée? Y aura-t-il un réveil religieux consécutif à des catastrophes? Nous ne pouvons que laisser à l'avenir le soin de répondre. Le silence étant retombé sur un paysage historique sans contours visibles, nous n'avons qu'à nous tourner vers deux épisodes d'un relief plus accusé. D'abord, on l'entend bien, la conquête du Tibet. Il convient de commencer par dénoncer la mauvaise foi des journalistes à gages qui ont vu, ou feint de voir, que -la réinstallation des • Chinois à Lhassa n'était que le retour à de vieilles habitudes. Au temps de la douceur impériale, un représentant du Fils du Ciel encaissait des tributs ~ féodaux et protégeait les commerçants jaunes qui organisaient 1nagasins et caravanes, le reste lui important peu ; il laissait les moulins à prières fonctionner en paix et ne se souciait que bien peu des secrets magiques des lamas; nul rapport entre cette suzeraineté débonnaire et une conquête totale dictée par l'impérialisme . politique et les Biblioteca Gino Bianco· LE CONTRAT SOCIAL calculs stratégiques. Il se peut bien que le Tibet soit, comme on dit, « mis en valeur», mais c'est à la manière dont le furent tant de colonies. . Révoltes dans ta· montagne, répressions terribles, · déportations, exil volontaire du Bouddha vivant, nous n'avons guère besoin de rappeler un scénario· trop connu. N u1 doute que le vénérable édifice du bouddhisme tibétain tel qu'il fut exploré avec passion jusqu'en ses mystères est aujourd'hui en ruines, réserve faite peut-être pour quelques hautes vallées sauvages qui lui servent de refuge et qu'on dédaigne de coloniser; mais il est non moins clair que la poussée à travers !'Himalaya visait directement l'Inde. S'étant rendu compte que son agression contre ce pays constituait pour le moins une très grave faute diplomatique, Mao a provisoirement opté pour la modération ; les bases de départ n'en sont pas moins inscrites sur la carte et sur le sol. L'autre événement caractéristique est le drame récent du Sud-Vietnam. On ne songe pas à justifier le coup de folie qui précipita la famille Diem vers sa perte lorsque, seule contre tous, elle se mit à persécuter la majorité bouddhiste de la population, les bonzes et les pagodes servant selon elle de rempart au communisme. Que le Vatican ait aussitôt refusé de laisser le catholicisme se compromettre en cette funeste aventure, on le sait assez, mais la seule chose qui importe ici est le degré de vraisemblance de l'accusation portée contre le clergé bouddhique. S'il est des plus improbables que ce dernier, dans son ensemble, ait délibérément pactisé avec le Viet-Cong, il est par contre tout à fait croyable qu'un insidieux noyautage pouvait se faire parmi les fidèles et que nombre de temples pouvaient être secrètement utilisés. Ces quelques faits ne permettent que des conclusions assez vagues; nous nous gardons de prétendre juger au passage les richesses spéculatives du bouddhisme qui n'ont rien à voir avec la politique ; nous nous bornons à dire que le bouddhisme est un énorme corps lymphatique, sans unité organique, sans cohésion, très peu capable.de résister par lui-même à la submersion du marxisme. * ,,,.,,,. IL EN EST tout autrement pour l'islam, formidable bouture du monothéisme judaïque. Que sa pensée primaire soit bien plus plate que celle du bouddhisme, on en convient, mais elle est plus pratique, plus tendue, mieux faite pour l'action disciplinée et le combat. Sans constituer à proprement parler une Eglise unitaire, les collèges d'ulémas structurent avec une relative solidité le corps de l'islam. Il faut enfin rappeler qu'en plusieurs pays, au Maroc, en Transjordanie, la dynastie est encore l'élément de jonction entre la vie nationale et la religion. Depuis plusieurs .décennies, l'histoire des rapports entre l'islam et le communisme s'avère tout à fait inté-
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