Le Contrat Social - anno VIII - n. 2 - mar.-apr. 1964

LB CONTRAT SOCIAL personne n'y prêtait attention en Occident quand le procès de Prague en novembre 1952 suscita la curiosité publique, avide d'événements spectaculaires. Les communistes et leurs amis « progressistes » ont mis l'accent sur le soi-disant sionisme de ces accusés, alors que ceux-ci n'ont jamais été sionistes. (Au contraire, ils ont toujours été violemment hostiles au sionisme, comme tous les communistes staliniens.) Mais sur le moment, la mise en cause du sionisme et des sionistes permettait de jeter la confusion, de mieux embrouiller les choses. Diversion vraiment classique. Quelque temps après la pendaison des chefs communistes accusés du crime de sionisme (récemment «réhabilités» par les complices de leurs bourreaux), ce fut l'épisode sensationnel des médecins du Kremlin, les « assassins en blouse blanche », qui avouèrent les choses les plus fantastiques et invraisemblables ( 13 janvier 1953), on peut imaginer sous quelles tortures : deux d'entre eux y laissèrent leur vie, quand les autres furent « réhabilités » par les complices de Staline et libérés (dans quel état ?). Cette machination annonçait le pire : ...Les jours suivants, la presse de toutes nuances ne cesse de mentionner des arrestations de Juifs dans tous les pays satellites de !'U.R.S.S., des paniques, un exode, des suicides, comme au temps d'Hitler. Il devient impossible aux communistes et à leurs amis « progressistes » de dissimuler qu'un immense pogrome est en cours partout où les gouvernants obéissent aux ordres de Staline. Or il s'agit de deux millions et demi de vies humaines. La question se pose par conséquent de savoir si les survivants du génocide nazi vont survivre au génocide communiste et « pro- . gressiste ». La brochure dissipe les idées fausses répandues par les communistes au sujet des sionistes et du Joint, organisation de bienfaisance dénoncée à Moscou comme réseau d'espionnage en liaison avec les pendus de Prague et les médecins du Kremlin: Les onze condamnés de Prague taxés de judaïsme et de sionisme étaient des communistes invétérés, des communistes staliniens à toute épreuve, placés aux plus hautes fonctions dans leur Parti et dans l'Etat. Il est notoirement impossible d'être à la fois communiste et sioniste. Ce sont des notions incompatibles, de toute évidence. Les communistes sont, par définition, irréductiblement hostiles au sionisme, leurs principes ayant substitué à la patrie le concept de classe. Nul ne peut appartenir au parti communiste s'il ne manifeste un antisionisme actif. · Même les communistes les plus ignorants savent que le sionisme n'est pas toléré en Russie soviétique. Les membres des anciennes organisations sionistes russes, du parti Poale Zion, etc., ont tous été fusillés ou déportés, sauf ceux qui ont pu partir à temps. Il ne restait pas un seul sioniste ' çonnu comme tel en U.R.S.S. après ces «épurations» sanglantes. Il est donc évident qu'aucun sioniste n'a été, n'a pu être admis dans les rangs communistes des pays satellites. D'ailleurs il est encore plus évident qu'aucun sioniste ne saurait songer à entrer dans un parti commuBiblioteca Gino Bianco 127 niste puisque sa raison d'être, en tant que sioniste, est de quitter son pays d'origine pour aller se fixer en terre d'Israël. Les sionistes d'Europe sont des gens qui veulent s'en aller. Ceux qui ne sont pas partis sont candidats au départ. Ils ne s'intéressent pas, ne peuvent s'intéresser, aux affaires communistes, ils répudient la notion de classe, ils ne s'intéressent qu'à Sion, leur seule et vraie patrie. Ou alors, ils ne seraient pas sionistes. Après une démonstration qui disculpe les pendus de Prague, confirmée entièrement par la « réhabilitation » récente, donc qu'il serait superflu de citer, les auteurs font justice de l'accusation de judaïsme, aussi ·absurde que celle de sionisme : Car à moins de professer une théorie raciste, il est constant que communisme et judaïsme s'excluent l'un l'autre. Outre l'incompatibilité entre le sionisme et le communisme, il y a une antinomie absolue entre la loi de Staline et la loi de Moïse. Cela tombe sous le sens. L'accusation de judaïsme portée contre qui est étranger à la foi mosaïque ne vaut pas mieux que l'accusation de sionisme contre qui ne rêve pas de s'établir en Canaan. Une contradiction supplémentaire vient s'ajouter quand Staline accuse de << cosmopolitisme » ses victimes d'origine juive. (Et jusqu'à quelle génération faut-il remonter pour établir cette origine ?) Un cosmopolite considère le monde entier comme sa patrie, d'après le Larousse et d'après tous les dictionnaires soviétiques d'avant guerre. Quand Lamartine s'écrie : « Je suis concitoyen de tout homme qui pense », il fait profession de cosmopolitisme. Alors qu'un sioniste a pour patrie le pays d'Israël. On ne saurait être à la fois cosmopolite et sioniste, pas plus que le cercle n'est carré, pas plus que le sel n'est sucré, pas plus que l'eau n'est sèche. A peine était-il besoin ensuite de prendre la défense du Joint, société philantropique n'ayant d'ailleurs rien de sioniste, .« œuvre admirable de secours, absolument apolitique, toute de désintéressement et de solidaritéhumaine ».Le chapitre suivant s'attache à prouver que << les médecins ne sont pas terroristes, ni sionistes, ni cosmopolites ». Là encore, on s'abstiendra de citer puisque les véritables criminels du Kremlin ont rétracté leurs inventions ignobles. Ce chapitre conclut que « le cosmopolitisme n'est pas du sionisme, qui n'est pas de l'assassinat, qui n'est pas de l'espionnage, qui n'est pas du terrorisme», et que les « bêtes féroces à face humaine » ne sont donc pas les accusés (les ·médecins) mais leurs accusateurs (les communistes) qui ont forgé des accusations insoutenables. Le titre du chapitre suivant : Cinqannéesd'antisémitisme à propos de cosmopolitisme en résume bien le contenu, mais il s'agit maintenant de quinze années au lieu de cinq: « Toutes les personnalités dites d'origine juive ont été éliminées de l'administration, de la diplomatie, de l'armée, de l'Université, des cadres de l'économie. Toutes sauf deux, L. Kaganovitch et L. Mekhlis (...), ce qui permet aux staliniens à l'étranger de nier l'évidence dans son ensemble en ergotant sur un détail. » Staline aussi a eu, comme Hitler, ses « juifs utiles», entre autres I. Ehrenbourg, et une dizaine en France, à titre temporaire.

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