Le Contrat Social - anno VIII - n. 2 - mar.-apr. 1964

126 ici, on ne peut que conseiller de se reporter à la brochure, riche en références. De même, pour le massacre des écrivains juifs, consécutif à une campagne répugnante contre les « cosmopolites » : • De janvier à avril 1949, lit-on dans le Monde du 30 avril 1949, on n'a pu ouvrir un journal ou une revue soviétiques sans y trouver au moins un article contre les cosmopolites pourchassés partout : dans la philosophie et dans les sciences, dans les lettres et les arts, dans les spectacles et les sports. Pourquoi cet acharnement ? » La réponse à cette interrogation était déjà donnée. Le 21 septembre 1948, dans la Pravda, un article d'Ilya Ehrenbourg contre le sionisme avait laissé prévoir ce qui allait suivre. En janvier 1949, un article de T. Genine, réimprimé en brochure à grand tirage, dénonçait le sionisme comme étant au service de l'impérialisme américain. Il ne restait qu'à identifier sionisme, occidentalisme, cosmopolitisme et impérialisme, opération aisée sous la tyrannie sans scrupules de Staline. La chasse aux Juifs était ouverte. Suit la longue et funèbre procession des écrivains disparus, torturés, assassinés par ordre du Parti, la liste des persécutions endurées par la malheureuse minorité juive, couvrant des pages entières. Impossible de citer tout cela. G. Haganov passe alors à l'hostilité communiste déchaînée contre le sionisme, avant et après la création de l'Etat d'Israël. Il brosse ensuite le tableau de la situation en 1950: Les Juifs sont rigoureusement éliminés des cadres dirigeants du Parti et de l'Etat. Ils ile figurent déjà plus dans les comités et soviets régionaux. Ils sont exclus de la diplomatie et des écoles préparatoires à la diplomatie, ainsi que des organisations du commerce extérieur. Ils sont même rayés du Dictionnaire diplomatique, à une ou deux exceptions près qui appartiennent au passé. Ainsi le nom de S. A. Lozovski a disparu du tome 2 de ce Dictionnaire, tant de la page du titre qu'à la lettre L où sa notice biographique devait se trouver. Ils ne sont plus admis dans les académies militaires. Bien qu'une centaine de généraux juifs se soient distingués au front pendant la guerre, et qu'une soixantaine de « Héros de l'Union soviétique» portent des noms juifs, la presse soviétique ne les mentionne en aucune circonstance, lors des anniversaires et cérémonies commémoratives 1 • Ils ne sont plus acceptés dans les établissements d'enseignement supérieur. Un numerus clausus secret leur est appliqué dans l'Université. Ceux qui sortent des écoles techniques et professionnelles ne trouvent pas d'emploi approprié à leur qualification, et deviennent manœuvres ou ouvriers d'usine. (Voir, sur ce point, l'article du Jewish Daily Forward du 8 janvier 1949.) Enfin une spécification raciale est inscrite sur le « passeport intérieur », pièce d'identité obligatoire pour tous les sujets soviétiques et sans laquelle il est impossible de se déplacer d'une localité à une autre. Personne ne peut donc se soustraire aux mesures antisémitiques discriminatoires. De telles mesures sont encore actuellement mises en œuvre avec une ampleur et une cruauté qui rappellent les méthodes nazies - fours crématoires en moins et neiges sibériennes en plus. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL La note I renvoie à des précisions qu'il vaut la peine de reproduire, car nous ne les avons lues nulle part ailleurs : . · 1. De source officielle soviétique (Einigkeit du 24 février 1945), outre les 59 Juifs classés« Héros de l'Union soviétique», 63.373 autres ont été honorés de divers ordres et médailles « pour bravoure et ·courage dans les combats contre les envahisseurs allemands ». Pour apprécier ce fait, on doit songer aux conditions désastreuses où se sont livrées les premières opérations militaires de 1941 en territoire soviétique, aux pertes gigantesques subies par l'Armée rouge dans les premiers mois de guerre, aux hécatombes de Juifs perpétrées par les Allemands et les Russes, par les Polonais et les Ukrainiens. La proportion de décorés pour bravoure semble donc plus élevée parmi les Juifs que parmi les autres nationalités de !'U.R.S.S., les popu- ~ lations juives habitant dans les régions immédiatement envahies. Cela ne gêne en rien Staline pour dire aux généraux Anders et Sikorski : « Les Juifs sont de piètres soldats» (général Anders : Mémoires, Paris 1948). Bien entendu, la question se pose de savoir ce qui a changé à cet égard au cours des dix années écoulées depuis la mort de Staline. Pas grandchose, sauf que les successeurs ont adopté plus largement que leur ex-patron une des conceptions hitlériennes relative aux « Juifs utiles » et qui consiste à admettre certaines exceptions dont bénéficient certains spécialistes de haute qualifi- - cation (savants atomistes, mathématiciens, érudits de diverses disciplines) que l'on se propose de mettre au rancart dès qu'il y aura des remplaçants acceptables. Le malheur, c'est que nous ne puissions citer ici les cas nominatifs parvenus à notre connaissance, car ce serait exposer des innocents à de terribles représailles. G. Haganov consacre encore trois pages à l'antisémitisme des communistes français, reflet servile du comportement de leurs maîtres. Comme nous entendons ici concentrer l'attention sur le racismesansfard qui sévit en Russie et en Ukraine, nous préférons rester dans le sujet et recourir à la brochure Staline contre Israël, œuvre de plusieurs mains qui recoupe sur bien des points la brochure précédente et utilise nécessairement les publications précitées, mais en formulant des aperçus et des arguments, aussi une conclusion, qu'il serait dommage de laisser oublier. Leur répétition dans une revue collectionnée par nombre d'institutions sérieuses leur donnera une chance d'orienter les études à venir sur la déchéance intellectuelle et morale du communisme. ' * Jf- JfLa brochure constate que l'antisémitisme battait son plein alors depuis cinq ans, auxquels s'ajoutent à présent une bonne dizaine d'années, et précise : « Non pas un antisémitisme élémentaire ou spontané, mais un antisémitisme officiel, un antisémitisme de commande. Cela ressort nettement de toute la presse soviétique. » Presque.

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