Le Contrat Social - anno VIII - n. 2 - mar.-apr. 1964

CHRONIQÇE Le racisme sans fard UN PETIT LIVRE intitulé Le Judaïsme sans fard, publié à Kiev récemment par l'Académie des sciences (sic) . d'Ukraine, vient d'obtenir en Occident son petit succès sui generis, non pas un succès d'estime, mais un succès de scandale. Si les lecteurs de la langue ukrainienne sont en nombre restreint à l'ouest du rideau de fer, en revanche les illustrations de ce livre, çà et là reproduites, sont à la portée de tout ~e monde. Aucun doute n'est possible, il s'agit d'une publication de caractère et de style nazi et qui aurait pu être traduite d'une édition allemande hitlérienne, ce que confirment les passages du texte cités dans la presse. Cette chose particulièrement odieuse qui révèle en réalité le racisme sans fard des dirigeants communistes a causé quelque gêne dans les milieux bolchévisants et soi-disant progressistes en Europe et en Amérique. De prudentes déclarations embarrassées ont été communiquées aux journaux par diverses organisations communistes plus ou moins mal camouflées en groupements hors-parti. Elles expriment un semblant de regret sans réussir à dissimuler que cette histoire est fâcheuse non comme une des manifestations de la judéophobie soviétique, mais en tant que défavorable à la propagande communiste. Et elles demandent timidement à Moscou un désaveu de pure forme dans l'intérêt de !'U.R.S.S., non dans celui des victimes du racisme sans fard comme de l'antisémitisme fardé en athéisme. A Moscou, les dirigeants supposaient sans doute que personne ne parlerait plus de cette affaire au bout de huit jours. Mais pour une fois les échos se prolongèrent pendant trois semaines, de sorte que le 4 avril un communiqué de la « commission idéologique » du Comité central fut enfin publié, visiblement à contrecœur, dans l'intention de clore... l'incident. Comme il fallait s'y attendre, ledit communiqué n'est qu'une tentative d'escamotage. Il y est question de la « manière incorrecte » dont sont éclairées « certaines questions » relatives · à la religion judaïque, et « d'assertions erronées» dont l'inconvénient serait « d'être interprétées comme de l'antisémitisme», par suite « d'alimenter les insinuations antisoviétiques de nos ennemis idéologiques ». Autrement dit, le petit livre mis en cause n'a que des défauts mineurs qui peuvent nous créer des ennuis, mais cela dit de façon bénigne, et sans toucher au fond du sujet ni du texte, sans condamner vraiment Biblioteca Gino Bianco les caricatures abjectes, il faudra dorénavant « aborder avec plus de soin» ce genre de littérature, savoir mieux s'y prendre de façon à moins donner prise aux critiques de l'extérieur tout en obtenant au-dedans un résultat efficace. Ce communiqué aussi maladroit qu'hypocrite ne saurait certainement tromper que des dupes volontaires. Et d'abord, après quarante-six ans de régime soviétique, nul ne peut croire que le petit livre incriminé soit dû à une initiative locale, encore moins personnelle. L'Académie des Sciences à Kiev comme celle de Moscou est strictement domestiquée par le pouvoir, d'où partent les directives, les instructions, les « commandes sociales». Une armée de fonctionnaires « idéologiques » s'y emploie, une autre armée de censeurs y veille et surveille, lit et relit, en réfère aux instances supérieures. Rien n'est laissé au hasard ni à l'inspiration d'un auteur, surtout en un tel domaine. La responsabilité des autorités est engagée dans tout ce qui se publie. Cela ne souffre aucune contestation. La « commission idéologique » a donc fait semblant de découvrir des erreurs de détail dans un ouvrage dont elle a inspiré, dicté, de haut, la teneur. Son insincérité saute aux yeux et son dessein de noyer le poisson ne réussit pas à masquer des arrière-pensées perfides. Ensuite, le méchant livre en question n'a rien de fortuit et fait partie de toute une série d' ouvrages et d'opuscules qui se suivent et se complètent pour susciter une haine inexpiable envers la minuscule minorité juive et justifier la politique étrangère soviétique qui, dans le ProcheOrient, tend à anéantir le minuscule Etat d'Israël en armant à outrance l'Egypte, la Syrie et l'Irak. On sait que les. communistes soviétiques collaborent étroitement au Caire avec des nazis allemands aux mêmes fins de génocide, que Nasser et ses alliés ne se gênent pas de proclamer maintes et maintes fois aussi crûment que possible. Une anthologie de cette « littérature » spéciale exigerait un travail qui dépasse nos moyens, et beaucoup de place dont ne dispose pas une modeste revue bimestrielle de 64 pages. Mais une preuve indéniable de la continuité systématique de la campagne meurtrière menée par le · pouvoir communiste, à travers ses institutions pseudo-scientifiques et ses ramifications à l'étranger, ressort de la parenté frappante des caricatures qui illustrent la prose judéophobe, qu'elle soit hitlérienne ou stalinienne ou post-stalinienne.

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