122 auteur. J.-P. Samson est en effet décédé le 3 janvier dernier, à Zurich, assez subitement, paraît-il, et en tout cas de façon très inattendue pour certains de ses amis qui l'avaient vu à Paris quelques jours auparavant. Boomerang, « récit d'une enfance», est très caractéristique du tour d'esprit- de son auteur, grand admirateur de Proust et, comme il le dit lui-même, quelque peu « aristo » (p. 14). C'est en effet dans un style proustien que Samson a composé ces pages, mais les personnages qu'il montre : père et mère, tante, domestiques, maîtres d'écoles, condisciples, sont tout bonnement des gens du peuple, teintés de cet esprit démocratique et laïque qui avait engendré le radicalisme et dont les mœurs et préoccupations étaient fort éloignées de l'univers proustien. L'enfance de Samson, qui tout entière s'écoule à Paris, entre la rue Etienne-Marcel et le square des Arts-et-Métiers, est donc influencée par cette ambiance IIIe République à laquelle l'école laïque imprime son sceau indélébile. Il est remarquable que Samson a gardé de ses études primaires un souvenir profond et attendri et que, d'autre part, ses impressions d'enfant ont fait de lui, définitivement, un Parisien du Marais et des Halles, amoureux des vieux quartiers et des pierres patinées par le temps. Il en gardera toute sa vie une nostalgie que les longues années d'exil en Suisse ne feront qu'entretenir. Lorsqu'il put revenir librement à Paris, débarrassé par l'âge de toute BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL obligation militaire (car il s'était refusé à «servir» de 1914 à 1918 et figurait parmi le groupe de. déserteurs qui rejoignirent à l'époque Romain. Rolland), les séjours qu'il put y faire ne parvinrent jamais à juguler cette nostalgie. Et nous en trouvons l'écho dans son livre : «Irremplaçable Paris ! (...) aujourd'hui, même après avoir en tout mon être accueilli la peut-être· encore plus grande merveille: Rome, je resonge ainsi à cette lente et précoce découverte de moi en toi ou, c'est tout un, de toi en moi... » (p. 25). Ce récit d'une enfance, s'échelonnant sur quelques brèves années, prend fin sur une note sentimentale où il est question d'un premier amour dont le tendre objet portait un nom à particule, et à qui Samson rend cet hommage : «Petite fille • que je ne devais jamais revoir, hormis votre nom (au fait, c'est vrai, il était à particule...) que je ne dirai pas, à peine retrouvé-je aujourd'hui ce qui fut vous, votre gracieuse apparence et ce soupçon, déjà, de féminine cruauté sans quoi toute passion ne serait que triste vin sans alcool. Oui, à peine au fond des années distingué-je plus que votre silhouette, vos longs cheveux noirs, vos gestes et la lumière de vos yeux qui dans les miens, précocement, comme a dit l'autre, se voyaient se voir. Et cependant, vous n'avez jamais cessé d'être présente. » Sous-jacents, les goûts de Samson «l'aristo » s'exprimaient là encore en touches délicates. ROBERT PROIX.
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