120 qui risquent de jeter un doute sur l'authenticité de tout l'ouvrage, bien qu'il soit essentiellement véridique et intéressant. Enfin l'auteur attire notre attention sur un des aspects les plus terribles de la réalité soviétique. Il s'agit de la complicité du silence entre le régime et les masses soviétiques à propos du régime concentrationnaire. Ceux qui ont survécu à Staline le doivent très souvent à quelque lâcheté. Il est bien dur de vivre quand on sait cela. Ce n'est donc pas uniquement par la terreur que le régime soviétique a réussi à étouffer toutes les informations relatives au régime concentrationnaire et en général toute forme de pensée hostile au régime. En 1964, on juge à plus de vingt ans d'intervalle quelques-uns des nazis responsables des atrocités perpétrées sous Hitler. Cela paraît dérisoire eu égard à l'ampleur des crimes commis et aussi parce que l'on ne tient là qu'un nombre infime de ceux qui ont participé directement à la mise en œuvre du système d'extermination hitlérien. Staline aussi eut besoin d'un «appareil» énorme. L'Allemagne a mis plus de vingt ans pour juger quelques-uns des bourreaux ; leurs confrères en U.R.S.S. sont loin d'en être r~duits à cette extrémité. Au contraire, la Pravda du 11 avril 1964 vient de publier un article de la veuve de Félix Dzerjinski qui attaque violemment Soljenitsyne. Les anciens policiers et indicateurs sont légion à regretter le bon vieux temps de Staline. Khrouchtchev qui, pour des raisons tactiques, a dû ramener le système concentrationnaire à des proportions moins monstrueuses, doit sentir que, dans le conflit avec la Chine, des nostalgiques du terrorisme rêvent de restaurer le sta1inisme. Mais il n'est pas question de traduire les bourreaux devant un vrai tribunal populaire en Russie soviétique. M. DUMONT. « Doctus cum libris » CHARLEMS ELCHIOR DE MOLÈNE:S La Carrière du président Kennedy et la vie politique américaine. Contribution à l'étude du personnel gouvernemental et des courants d'opinion dans les Etats- Unis d'aujourd'hui. Préface d'André Maurois. Paris 1963, Ed. Cujas, 595 pp. ON LITTOUJOURaSvec un préjugé favorable le premier livre d'un jeune auteur - surtout quand cet auteur a un passé aussi brillant que celui de M. Melchior de Molènes, prix d'histoire au Concours général, docteur en science politique, lauréat de la faculté de Droit et des Sciences économiques de Paris. C'est donc avec un sentiment de bienveillance instinctive que l'on aborde Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL cet épais volume consacré à la carrière du président Kennedy et à la vie politique américaine. L'étude de M. de Molènes est consacrée non pas à un seul sujet, mais à deux : à l'ascension de Kennedy et au maccarthisme. Il s'agit, dans l'esprit de l'auteur, de deux phénomènes contemporains qui s'éclairent l'un l'autre : le fond du tableau, c'est-à-dire l'étude de certains courants politiques, idéologiques et so~ia~, devrai~.donner du relief au personnage prmctpal ; à 1 mverse, le rayonnement qui émane du personnage principal devrait jeter une vive lumière sur le fond du tableau. On peut remarquer, toutefois, que pour pouvoir observer Kennedy à travers le maccarthisme, ou pour dégager les composantes du courant à la faveur d'une étude sur Kennedy, il eût fallu qu'existent, entre ce personnage historique et cet épisode de la vie américaine, des liens multiples, des rapports étroits et prolongés. Or, de l'aveu de l'auteur lui-même, cela ne semble pas être le cas. «On ne saurait dire, selon M. de Molènes, que M. Kennedy ait joué un rôle considérable dans la genèse, la croissance ou le déclin du maccarthisme. » Que pense Kennedy de McCarthy ? « Pas beaucoup de choses, mais je m'entends avec lui. » Voilà qui est concluant ! Le 2 décembre 1954, Kennedy ne vote pas la motion de censure contre McCarthy. Il est en congé de maladie... Il serait, bien entendu, faux de dire que le maccarthisme n'a suscité aucune réaction de Kennedy, que celui-ci n'a pas eu un rôle, comme beaucoup d'autres, dans le déroulement de l'aventure maccarthiste. Mais les liens entre ces deux sujets sont très lâches. Aussi, M. de Molènes n'a pas été conduit à écrire un seul livre, où deux centres d'intérêt étroitement imbriqués se feraient valoir l'un l'autre, mais deux ouvrages, l'un sur Kennedy, l'autre sur le maccarthisme, qui sont juxtaposés et se recoupent à peine. Il est donc regrettable qu'il n'ait pas abordé son sujet sous un autre angle, qu'il ne l'ait pas traité en sociologue, en psychologue et en philosophe. On le regrette d'autant plus qu'il semble avoir eu, un instant, la pensée de traiter diff éremment son sujet. « Il n'est pas dans notre propos de chercher, ici, à approfondir et à préciser le contenu exact de l'importante notion que serait celle du " héros " dans la vie politique et qui contribuerait peut-être à éclairer le phénomène contemporain communément appelé personnalisation du pouvoir... », écrit M. de Molènes (p. 257). Que n'a-t-il suivi cette ligne directrice en renonçant à son premier dessein ? Son livre eût, en effet, sans doute gagné en unité et en originalité. De Kennedy, son père disait : « Je mis Jack dans la politique (...), il ne le voulait pas. Il avait le sentiment de ne pas en avoir la capacité et il ·a encore ce sentiment. Mais je lui dis qu'il le devait.» Kennedy « fut faible en latin, guère
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