Le Contrat Social - anno VIII - n. 2 - mar.-apr. 1964

QUELQUES LIVRES aujourd'hui le meilleur livre que l'on puisse conseiller au jeune homme qui aborde pour la première fois l'étude de l'économie politique». Selon le second, « de nos jours encore, il n'est peut-être pas pour le profane d'initiation plus attrayante, plus fructueuse et plus large à l'économie politique que la lecture de cette œuvre bientôt centenaire-: les Pamphlets, les Sophismes, les Harmonies de Bastiat». Cet apologiste du libre-échange, adepte de la prospérité par l'abaissement, voire la suppres- . sion des barrières douanières, n'est-il pas d'une lecture plus actuelle que jamais, alors que s'édifient en Europe, en Amérique latine et ailleurs, de vastes communautés économiques ou zones - de libre-échange multinationales ? N'est-ce pas Frédéric Bastiat qui, dans son Introduction passionnée à Cobden et la Ligue, proclamait : « Ce livre peut attendre ; le lecteur lui arrivera tôt ou tard. Car enfin, pour peu que mon pays s'endorme quelque temps encore dans l'ignorance volontaire où il semble se complaire à l'égard de la révolution immense qui fait bouil- , lonner tout le sol britannique, un jour il sera frappé de stupeur à l'aspect de ce feu volcanique... non, de cette lumière bienfaisante qu'il verra luire au septentrion. Un jour, et ce jour n'est pas éloigné, il apprendra, sans transition, sans que rien la lui ait fait présager, cette grande nouvelle : l'Angleterre ouvre tous ses ports ; elle a renversé toutes les barrières qui la séparaient des nations ; elle avait cinquante colonies, elle n'en a plus qu'une, et c'est l'univers; elle échange avec quiconque veut échanger ; elle achète sans demander à vendre; elle accepte toutes les relations sans en exiger aucune ; elle appelle sur elle l'invasion de vos produits ; l'Angleterre a affranchi le travail et l'échange» ... CHARLES .MELCHIOR DE MOLÈNES. Un émouvant témoignage ANDRÉE SENTAURENS: Dix-sept ans dans les camps soviétiques. Paris 1963, Ed. Gallimard (coll. « l' Air du temps »), 387 pp. LE PUBLIC a déjà eu l'occasion d'apprécier cet ouvrage dès avant sa parution. En effet, de larges extraits avaient été publiés d'abord dans le Figaro littéraire et plus récemment dans Candide. En outre, Andrée Sentaurens a été interviewée par la Télévision en tant que rescapée des camps de concentration lors de la publication d' Unejournée d'Ivan Denissovitch, de Soljenitsyne. L'auteur expose comment près de trente années de la vie d'une paysanne française ont été saccagées sous le régime monstrueux mis au point par Staline. La vie d'Andrée Sentaurens a été brisée, mais une haine salubre lui a donné la force de survivre et de transmettre en Occident Biblioteca Gino Bianco· 119 un témoignage qui, tout comme ceux de Kravtchenko, de Scholmer, de Weissberg, d'Elinor Lipert, de Narymov, comme l'étude de Paul Barton et le récit de Soljenitsyne, aide à comprendre comment la révolution russe a dégénéré, au point de donner naissance au plus perfectionné des systèmes de répression policière et d'exploitation de· l'homme par l'homme. Ce livre a le mérite de dépasser la question de l'univers concentrationnaire. Andrée Sentaurens a également réussi à décrire concrètement le dénuement matériel dans la terreur policière dont étaient victimes des « citoyens » soviétiques « libres » avant 1937, entre 1945 et 1950, et après · 1954. C'est en effet un aspect beaucoup moins connu de la vie soviétique et qui constitue peutêtre le côté le plus original du livre. L'auteur donne également un témoignage précieux sur l'ampleur, le caractère aveugle et systématique de l'oppression en 1937. Enfin elle illustre les limites du démantèlement du système concentrationnaire après la mort de Staline. Le livre de Mme Sentaurens présente donc un intérêt tout particulier pour tous ceux qui étudient l'histoire du système soviétique. On eût cependant préféré un style moins naïf et plus de rigueur dans les détails. Certaines erreurs chronologiques et géographiques doivent être rectifiées. En voici quelques-unes à titre d'exemples: P. 107 : Mme Sentaurens dit avoir appris en juillet 1939 que la guerre de Finlande était terminée alors qu'elle a éclaté le 30 novembre de la même année ; P. 110 : la localité de Kouloï se trouve à plus de 150 kilomètres d'Arkhangelsk, et non à 12 kilomètres; P. 136 : l'auteur parle de la présence en 1943 d'officiers français à Molotovsk, précision hau,te-:- ment improbable eu égard à la nationalité de ces officiers, outre qu'aucune source autorisée ne signale de militaires alliés ailleurs qu'à Arkhangelsk. Seuls des aviateurs anglais ont séjourné vers septembre 1944 à l'aérodrome de Iagodnik près d'Arkhangelsk ; P. 329 : le pseudo-complot des médecins est mentionné en 1950 alors qu'il date de 1953 ; P. 331 : une détenue aurait été condamnée en 1942 à Riga, alors que cette ville était à l'époque occupée par les Allemands; P. 359 : se rendant de Kirov à Vologda, Mme Sentaurens prend le train venant de Léningrad, alors que pour cette direction il faut aller vers Léningrad ; P. 385 : elle parle du « petit port de Chap », alors qu'il s'agit de la gare frontière soviétotchèque. Ces détails ont leur importance, car le livre est plein de références précises concernant les lieux, les dates et les personnes. Il y a des erreurs

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