Le Contrat Social - anno VIII - n. 2 - mar.-apr. 1964

QUELQr.JES LIVRES sation et enfin le dictateur se substitue au Comité central. » Et Lénine lui-même a reconnu dans la Maladie infantile en 1920 que le Comité central de son parti est «la plus authentique, oligarchie ». Cela dispense de longues démonstrations tendant à constater que la dictature du prolétariat et celle du prolétariat et des paysans sont des notions livresques sans rapport avec les faits. D'autre part, la petite Encyclopédie soviétique de 1930 définit sans vergogne la révolution permanente comme une théorie «fondée par Marx et Engels, ensuite par Lénine, comme le processus du développement de la révolution, changeant les rapports de forces des classes et accomplissant la transmission du pouvoir selon une ligne ascendante aux classes de plus en plus révolutionnaires »; etc. Il s'agit toujours de théorie, contredite par un demi-siècle bientôt de pratique, au cours duquel le prolétariat n'est pas le sujet, mais l'objet de l'histoire. Comment doit-on comprendre l'affirmation selon laquelle la révolution permanente, ou du moins sa théorie, serait« plus que jamais à l'ordre - du jour» ? Si c'est une allusion aux diatribes criardes de Mao Tsé-toung, elle n'a rien de flatteur pour Trotski. S'il s'agit des accusations de «trotskisme» proférées à Moscou contre Mao et consorts, il y a de quoi faire sursauter Trotski dans sa tombe. Toujours est-il qu'un examen rétrospectif des thèses de Trotski opposées à la politique et aux pratiques abominables du pouvoir pseudo-communiste dont il a été l'un des principaux fondateurs, un tel examen déborderait singulièrement les limites du compte rendu de cette réédition peu satisfaisante. De meilleures occasions s'offriront d'apprécier le rôle de Trotski dans la perversion du régime soviétique et dans la banqueroute frauduleuse de feu l'Internationale communiste. B. Souv ARINE. P.-S. - Alfred Rosmer, auteur de l'introduction au recueil commenté ci-dessus, est décédé le 6 mai, âgé de 87 ans. Il convient de rendre hommage à sa mémoire de serviteur désintéressé de la classe ouvrière et d'associer à cet hommage le souvenir de sa compagne, Marguerite Thévenet, décédée depuis deux ans. Tous deux ont appartenu à la 3e Internationale avant qu'elle ne dégénérât, après la mort de Lénine, en instrument servile du plus despotique des États, du plus cruel système d'oppression et d'exploitation de l'homme par le fonctionnaire. Tous deux ont milité avec conviction, dévouement et modestie pour la cause qu'ils avaient embrassée au temps des illusions, des années d'apprentissage politique, et, comme la plupart des communistes de la première heure, tous deux se sont écartés du mouvement perverti, dévoyé, asservi, qui, aux ordres de Staline, allait rejoindre Hitler pour. plonger le monde dans un malheur sans exemple. Alfred Rosmer, anarchiste d'origin~, syndicaliste de formation, pacifiste en son âme et conscience, fut un communiste non conforme aux définitions du parti de Lénine. Pourtant son amitié indéfectible pour Trotski dont il subissait l'ascendant personnel, même posthume, a déterminé son orientation depuis la guerre de 1914. Cela ne peut s'expliquer en quelques lignes,J Celles-ci, ajoutées en hâte tandis que s'imprime la revue, ne ·sont qu'un salut au compagnon des jours d'espérance, à l'ami des jours d'épreuve, à l'homme simple et droit d'une époque révolue, en attendant les pages d'histoire sincère qui ne trouveraient pas d'éditeur dans la France actuelle. Biblioteca Gino Bianco 117 Un libéral LOUISBAUDIN: Frédéric Bastiat. Paris 1963, Dalloz éd., 168 pp. L'ÉCONOMISToEu, si l'on préfère, le publiciste économique Frédéric Bastiat est aujourd'hui injustement oublié. Quand il mourut à Rome en 1850, à l'âge de quarante-neuf ans, il était au sommet de la gloire littéraire. et il siégeait à l'Assemblée législative après avoir été vice-président de son comité des Finances. Grande œuvre de penseur et d'homme d'action prématurément interrompue, qui mérite de ne pas sombrer dans l'oubli. On saura gré à M. Louis Baudin, de l'Institut, de l'avoir fait revivre. M. L. Baudin, président de l'Association française de science économique, était d'autant mieux qualifié pour en traiter que lui-même est l'un des théoriciens contemporains les plus marquants de l'école dite néo-libérale dont F. Bastiat peut être tenu pour l'un des ancêtres. Ajoutons que c'est à M. Baudin que l'on doit la « Collection des grands économistes », laquelle comble une grave lacune. Il y avait déjà réuni des textes de Frédéric Le Play avant d'y publier le présent ouvrage. Celui-ci est constitué d'extraits empruntés notamment à des articles de F. Bastiat, à Cobden et la Ligue, aux Sophismes économiques, à Propriété et Loi, L'Etat, Propriété et Spoliation, à Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, aux Harmonies économiques, à la correspondance avec Adolphe Thiers, P.-J. Proudhon, Paillotte, etc., extraits complétés par une bibliographie et par un tableau des principaux ouvrages économiques parus de 1840 à 1850. Le tout est précédé d'une préface approfondie et assez étendue. Dans celle-ci, M. Baudin donne, de la vie et de l'œuvre de F. Bastiat, une analyse aussi complète que le permettaient les dimensions de son exposé. Avec cet esprit méthodique et clarificateur qui se retrouve dans tous ses livres, le présentateur décrit d'abord le milieu, celui de la France à la fin de la monarchie de Juillet et au début de la IIe République, où s'élabora l'œuvre de F. Bastiat ; signalons que, pour-plus ample information, il renvoie au volume de M. J. Lhomme sur La Grande Bourgeoisie au pouvoir ( I 830-I 860) que M. Baudin estime « excellent ». Il caractérise ensuite, succinctement mais de façon très suggestive, ce qu'était ce libéralisme français du xixe siècle qui, selon lui, « est d'abord un individualisme ». Puis il retrace la biographie intellectuelle et politique de son héros, né en 1801 dans la région de Bayonne, fils de commerçants grandi à Mongron, bourgade proche de Dax, plus tard élève des dominicains de Sorèze. Là, il acquit une bonne connaissance de l'anglais qui fut très importante pour son évolution intellectuelle, car elle l'attira à l'étude des pays de langue anglaise, ce qui devait lui fournir au moins le

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