116 et M. Y an Margarith a surmonté bien des difficultés, mais néanmoins des critiques s'imposent, car elles toucheraient à des erreurs qui abondent dans la plupart des livres traduits du russe. Souhaitons d'avoir la possibilité d'y revenir. Et enfin, remarquons simplement que le Figaro littéraire aurait pu se dispenser d'ajouter une page déplaisante au Pays du mufle et aux Mœurs des diurnales. La Révolution intermittente LÉONTROTSKY: De la Révolution. Paris, s.d., les Editions de Minuit, 654 pp. CE RECUEIL réédite quatre ouvrages antérieurement publiés en français de 1924 à 1936, et intitulés : Cours nouveau, La, Révolution défigurée, La, Révolution permanente, La Révolution trahie. Il sera très utile aux quelques lecteurs soucieux de s'initier aux discussions communistes des années consécutives à la mort de Lénine en se rapportant directement aux sources ; il leur épargnera l'effort de recourir aux éditions originales que l'on trouve assez couramment chez les bouquinistes. Alfred Rosmer, auteur de l'introduction, reconnaît que l'assemblage de ces quatre ouvrages a de quoi surprendre, mais il ajoute aussitôt que « le lien qui les unit, c'est précisément la théorie de la révolution permanente, aujourd'hui plus que jamais à l'ordre du jour». L'affirmation est assez contestable. Cours nouveau est un recueil d'articles parus dans la Pravda et devenus chapitres d'une brochure que Trotski a enrichie de quatre chapitres supplémentaires et de quatre annexes (dont l'une ne figure pas dans la réédition actuelle). Ni de près, ni de loin, ces textes n'ont de rapport avec la théorie de la révolution permanente : ils traitent de questions politiques et économiques controversées en Russie soviétique en 1923, alors que personne ne pensait à la révolution permanente. La Révolution défigurée est essentiellement une réfutation des accusations politiques et calomnies historiques dirigées contre Trotski par des adversaires de mauvaise foi ; il n'y est fait allusion qu'incidemment et brièvement, voire superficiellement, à la révolution permanente. A la rigueur, certaines parties de La Révolution trahie se rattachent à ladite théorie, mais dans le sens où tous ces écrits de Trotski sont inséparables des idées de révolution et de communisme. Reste La Révolution permanente qui, en effet, traite de la révolution permanente. On ne s'explique pas l'absence, dans un tel recueil, de l'écrit qui précisément a déchaîné contre Trotski les hostilités au cours desquelles la théorie de la révolution permanente a été inopinément remise en question, jetée arbitrairement dans le débat pour alimenter le dénigrement de son auteur, à savoir Les Leçons d'Octobre. En l'espèce, c'est pourtant un texte essentiel, et le seul qui soit réellement difficile à atteindre. Une Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL aussi grave lacune dans la composition du recueil appelle l'attention sur la présentation de son contenu, ou plutôt sur le manque de présentation qui en restreint singulièrement l'intérêt et l'usage aux profanes, c'est-à-dire à presque tout le monde. Il s'agit là d'écrits, de discours, de polémiques de circonstances, et qui ne sont pleinement intelligibles que dans leur contexte historique et passionnel. Il leur faudrait des introductions et des notes explicatives, à défaut desquelles tous les malentendus sont possibles, voire inévitables. Les allusions d'époque y pullulent, que peu de gens sont capables d'élucider à quarante ans d'intervalle quant à Cours nouveau, à quelque trente ans quant aux autres ouvrages. Déjà en 1924, en pleine actualité des questions traitées dans Cours nouveau, il était apparu nécessaire de ~ munir la brochure en français d'un avant-propos introductif et d'un minimum de notes. A plus forte raison est-il indiqué, pour une nouvelle génération de lecteurs, d'entourer certaines œuvres polémiques d'un appareil critique facilitant l'intelligence des matières. Les éditeurs ont inclus avec raison dans ce recueil la lettre d'Adolphe loffé à Trotski, datée du 16 novembre 1927, le jour du suicide de son signataire. Mais ils se sont permis d'y pratiquer de larges coupures sans se croire tenus de les justifier. De tels procédés jettent le doute sur l'ensemble de la publication et autorisent l'usager scrupuleux à se demander s'il n'a pas sous les yeux d'autres textes tronqués, doivent l'inciter en tout cas à recourir aux éditions originales. De ce fait, la réimpression actuelle ne réalise pas le dessein de ses initiateurs. · · Sans y regarder de trop près, on ne peut s'empêcher de remarquer à première vue que la référence du « document historique d'une importance capitale », p. 9, est tout simplement inexacte. Errare humanum est, certes, mais personne n'a donc pris la peine de vérifier, ce qui dénote en ce cas comme en plusieurs autres une désinvolture peu propre à inspirer confiance. On se limitera à ce seul exemple parce que, contrairement à ce qu'avance l'introduction dès le départ, la théorie de la révolution permanente au sens où l'entendait Trotski n'est nullement « plus que jamais à l'ordre du jour». Au contraire, il est prouvé par l'expérience que Lénine et Trotski avaient également tort, dans leurs divergences de vues comme dans leur accord final : depuis longtemps, la réalité dément leurs fictions. Quanti Lénine théorisait en 1905 la dictature « du prolétariat et des paysans » contre Trotski préconisant la dictature « du prolétariat » tout court, ils sous-entendaient tous deux inconsciemment la dictature du parti qui se présente comme l'interprète des classes laborieuses exploitées et l'instrument d'un destin historique. Mais de ce parti, Trotski avait écrit dans Nos tâches politiques en 1903, critiquant les méthodes autoritaires de ,, Lénine : « ••• L'organisation du parti se substitue au parti, le Comité central se substitue à l'organi-
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