Le Contrat Social - anno VIII - n. 2 - mar.-apr. 1964

revue l1istorique et critique Jes faits et Je1 idées Mars-Avril 1964 Vol. VIII, N° 2 LE SPECTRE DU TROTSKISME par B.: Souvarine UN SPECTRE hante Moscou et Pékin, ou plutôt hante le Kremlin et la Cité interdite, le spectre du trotskisme. Le 31 mars, le P.C. chinois publiait à Pékin un papier qui constitue, paraît-il, la huitième réponse (on s'y perd) à une lettre ouverte du P.C. soviétique en date du 14 juillet dernier, réponse de plus de 30.000 idéogrammes (d'aucuns les co~ptent) et intitulée La révolution prolétarienne et le révisionnisme de Khrouchtchev. Ce factum réitère pour la n-ième fois les accusations précédemment formulées contre les dirigeants soviétiques et leurs sous-ordres d'autres pays, tout en visant plus spécialement Khrouchtchev «qui a revêtu le manteau du trotskisme ». Le 3 avril, le P.C. soviétique publiait à Moscou, après mûre réflexion, un rapport de Souslov présenté à son Comité central le 14 février et qui constitue, paraît-il, la «riposte décisive » aux diatribes chinoises, riposte de 30.000 mots (d'aucuns les comptent) annoncée depuis longtemps et qui, pour avoir tant tardé à paraître, est tout ce qu'on voudra excepté «décisive». Ledit rapport ressasse tous les poncifs ennuyeux déjà lus maintes et maintes fois au cours de cette polémique, mais dénonce avec une particulière insistance la déviation« petite-bourgeoise», l'aventurisme «petit-bourgeois », le bagage «idéologique » du ·trotskisme. - Ainsi les antagonistes évoquent concurremment avec une égale mauvaise foi le trotskisme inexpiable, après avoir échangé de dures vérités premières sur leur nationalisme et leur racisme respectifs, leur chauvinisme de grande puissance, leurs connivences avec l'impérialisme. Mao promet aux opportunistes et aux révisionnistes le sort de leurs congénères du temps jadis «jetés aux· ordures de l'histoire », en quoi il emprunte à Trotski et à Boukharine une métaphore présompBiblioteca Gino Bianco tueuse qui n'a avancé ni l'un ni l'autre .. Il traite Khrouchtchev de «plus grand capitulard de l'histoire » et presse tous les partis communistes de répudier le « bourbier révisionniste » du P.C. soviétique. Souslov, que le New York Times, !'Observer et le Monde définissaient pendant des années comme un stalinien par excellence, un dogmatiste à tous crins et un leader intransigeant d'une fraction pro-chinoise au Kremlin, renchérit en condamnant le culte de Staline et s'en prend vertement à ceux qui «implantent le culte de la personnalité de Mao». Tous deux, Mao et Souslov, à bout d'arguments et d'injures, corsent leurs affirmations avec de nombreuses références au trotskisme. Tout étant relatif, la riposte non décisive de Moscou à Pékin contraste par le ton et la forme avec la virulence des attaques chinoises. Il est visible que Khrouchtchev et C10 ne savent comment sortir de cette impasse et ne cherchent qu'à gagner du temps, dans l'espoir d'être servis par les circonstances. Ils ont indéfiniment tergiversé pour sauver la face du communisme au moyen de marchandages, ils n'ont cessé de déclarer que les choses allaient s'arranger au grand dépit des impérialistes (lesquels ?), ils ont multiplié les tentatives de conciliation et les serments de solidarité marxiste-léniniste, pour en venir à reconnaître enfin la perspective d'une «lutte sérieuse et, selon toute apparence, prolongée, pour le renforcement de l'unité de toutes les forces du socialisme... ». Comment renforcer ce qui n'existe pas, c'est-à-dire l'unité ? Le pauvre Souslov, même assisté d'une «brigade» d'idéologues (sic) de son espèce, ne sait plus ce que parler ne veut pas dire. · Dans un factum antérie~ du 4 février, Mao rappelait ingénument l'inititative de Lénine quant à la fondation de la 3° Internationale en

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==