QUELQUES LIVRES son action à l'intérieur du système social occidental que d'aucuns continuent d'appeler « capitaliste » ; son attitude face à la décolonisation, ou mieux (puisque celle-ci est maintenant un fait accompli) face au « tiers monde », manque d'une doctrine cohérente ; dans le tiers monde, la plupart des partis ou groupements parés d'étiquettes socialistes n'ont rien à voir avec le socialisme ; l'Internationale socialiste elle-même est divisée par l'opposition entre ses fortes organisations du monde occidental et les groupements numériquement faibles, prétendument socialistes, des pays arriérés ; le socialisme occidental n'a toujours pas pris une position - doctrinale et politique - sans équivoque devant le colonialisme soviétique. Les réflexions de Luciano Amodio sur l'œuvre de Rosa Luxembourg permettront de dégager maintes lignes directrices pour éclairer ces problèmes. Certains écrits de la grande continuatrice de Marx pourront y contribuer, et c'est en ce sens que Rosa Luxembourg est toujours d'actualité. Nous n'avons pu donner que quelques échantillons des idées que Luciano Amodio a versées au débat. Il est en tout cas souhaitable qu'une traduction française de son Introduction (il ne s'agit après tout que d'une soixantaine de pages) voie le jour dès que possible. Pour conclure, voyons pourquoi, selon Amodio, R. Luxembourg était opposée à la transformation de la Ligue Spartacus en un parti communiste autonome d'abord, à la création d'une nouvelle Internationale ensuite. Elle redoutait qu'un parti communiste allemand fondé prématurément, donc faible, ne se trouvât, au début, en proie à un extrémisme anarchisant, et plus tard en butte aux influences d'une révolution (celle d'octobre 1917) qui lui paraissait « périphérique et secondaire » en vertu de la doctrine marxiste ellemême. Ces quelques réflexions sont loin d'épuiser le sujet. Le livre mérite d'être lu, non seulement à cause des écrits de Rosa Luxembourg qu'il contient, mais encore en raison de la valeur intrinsèque de l'introduction de Luciano Amodio. LUCIEN LAURAT. Le. vrai Lénine NICOLAS VALENTINOV: Mes rencontres avec Lénine. Traduit du russe par Yan Margarith. Paris 1964, Pion éd., 337 pp. DIX ANS après leur édition en langue russe à New York, voici une traduction française des souvenirs de Nicolas Valentinov, collaborateur de la présente revue. L'édition russe était accompagnée d'une préface du professeur Karpovitch, Biblioteca Gino Bianco 111 donnant une courte biographie de l'auteur 1 • On ne saurait trop réprouver les mobiles qui ont pu faire supprimer cette préface d'un éminent historien aussi qualifié et respecté que Michel Karpovitch. Valentinov est un des pseudonymes littéraires de Nicolas Vladislavovitch Volski. Né en 1879 dans une famille de propriétaires fonciers de la province de Tambov, Valentinov, étudiant à Saint-Pétersbourg, adhéra dès 1898 à la socialdémocratie. Exilé à Oufa, il obtint l'autorisation de poursuivre ses études à l'Institut polytechnique de Kiev. Militant socialiste, il fut à plusieurs reprises emprisonné en cette ville. En juillet 1903, au nom du parti social-démocrate, il prit une part active à la grève générale de Kiev. Emprisonné de nouveau, il était libéré le 31 décembre après une grève de la faim qui altéra profondément sa santé. A cette époque, après le deuxième congrès du parti social-démocrate, les tendances commençaient à se préciser en bolchéviks et menchéviks. Les querelles sur les seules questions d'organisation ne semblaient pas très claires à ceux qui combattaient le régime tsariste sur le sol russe. Quant à Valentinov, il se considéra comme un partisan de Lénine, du Lénine auteur de Que faire ? et rédacteur à l' Iskra, organe central du Parti. A Kiev, il reçut de K.tjijanovski, bolchévik et membre du Comité central, la mission de quitter la Russie et de gagner Genève où vivaient en cette fin d'année 1903 les « généraux » de la social-démocratie russe. Après une évasion dramatique qu'il relate dans son livre, Valentinov arrivait à Genève en janvier 1904, une lettre de K.tjijanovski le recommandant à Lénine cousue dans son manteau. De janvier à septembre 1904, il fréquenta Lénine presque chaque jour, mais, après une rupture violente, Valentinov se rapprocha de la fraction menchéviste sans jamais y devenir un partisan inconditionnel. En 1908, il participa aux polémiques philosophiques qui opposèrent les marxistes « orthodoxes » Plékhanov et Lénine aux « empiriocriticistes ». Devenu historien et publiciste, il assista à la révolution d'Octobre sans l'approuver. Loyal envers le régime soviétique après l'instauration de la nep, il devint rédacteur en chef de l'organe du Conseil supérieur de l'Economie. Après la chute de Boukharine et la liquidation de la nep, alors qu'il séjournait à Paris, il renonça à rentrer en Union soviétique. Comme l'indique son titre, l'ouvrage de Valentinov est presque entièrement consacré à ses rencontres avec Lénine ; mais leur récit est r. Les lecteurs intéressés la trouveront dans notre Contrat social de juillet 1960, précédant le chapitre de N. Valentinov publié par nous sous le titre : Lénine philosophe ( dans le livre : Explication orageuse avec Lénine. Je me révolte).
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