110 temps avec le P.C., et l'on sent dans ses commentaires d'incontestables sympathies pour certaines positions léniniennes. Or son introduction de 66 pages est, dans l'ensemble, empreinte d'une impartialité exemplaire. Une notice biographique de 6 pages et une partie bibliographique de 14 _pages complètent les écrits de R. Luxembourg (plus de 600 pages), qui paraissent fort judicieusement choisis. ~ui~o?que publie des écrits choisis s'expose infailliblement au reproche d'avoir omis tel ou tel article important, d'avoir accordé trop de place à tel autre sujet. Amodio a publié l'essentiel, et nul ne lui reprochera de n'avoir donné, de L' 1ccumulation, que le tome II (« L' Anticritique »), qw résume excellemment les principales thèses de l'ouvrage. On pourrait le blâmer de n'avoir p~s publié l'article de 1904 contre Lénine; lw-même explique que cet article a déjà été publié en italien par plusieurs éditeurs et que la brochure de 1918 sur la révolution russe, qui figure dans le recueil, peut le suppléer. Les principaux écrits de R. Luxembourg y figurent : on y trouve ses importantes études sur la question polonaise, sa polémique avec Bernstein? ses écri!s ~ssentiels sur les grèves (Russie, Belgique, polermque avec Kautsky sur la grève générale en Allemagne), une partie de L'Introduction à l'économiepolitique, la Junius-Brochure, quelques « lettres de Spartacus », ainsi que ses derniers articles de 1918-19 et son discours sur le programme du parti communiste allemand. L'introduction de Luciano Amodio se veut objective, et elle l'est effectivement. L'auteur fait preuve d'une érudition exceptionnelle; chaque ligne témoigne d'un travail de recherche scrupuleux et du souci de n'affirmer que ce qu'on peut démontrer. Pour situer Rosa Luxembourg politiquement et historiquement, il lui faut parfois formuler des hypothèses, mais des hypothèses suffisamment étayées pour que l'on puisse les tenir pour vraisemblables. Ce qui le frappe, entre autres, c'est l'intérêt de Rosa Luxembourg pour les masses inorganisées et les espérances qu'elle attache à leur action spontanée. Non sans raison, il explique cette attitude par ses origines polono-russes : la Russie (Pologne comprise) d'alors n'avait pas encore son mouvement ouvrier organisé, et il fallut les « grèves en masse » de 1905 ( que R. Luxembourg tenait à distinguer de la « grève générale» prêchée en Occident) pour donner naissance à des organisations· syndicales. En les projetant dans l'avenir, Rosa Luxembourg voyait dans ces grèves en masse la « forme spécifique de la révolution prolétarienne»; en quoi elle se trompait évidemment, puisque de telles grèves, comme celles de Russie et de Pologne en 1905, furent l'émanation directe de l'immaturité du Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL mouvement ouvrier, et non pas le point de départ de son accession au pouvoir. Contradiction qui n'a pas échappé à Amodio. Ce qui paraît lui avoir échappé, c'est que la forme d'organisation dictatoriale et centralisée préconisée par Lénine n'est qu'une autre expression de la même immaturité. La théorie de la spontanéité de Rosa Luxembourg et le centralisme « démocratique » . de Lénine traduisent tous deux la situation d'un mouvement ouvrier encore incapable de se discipliner lui-même, au début de sa carrière historique et non point à la veille de sa victoire. A cet égard, il ne saurait donc être question d'une actualité quelconque des idées de R. Luxembourg : dans le monde capitaliste d'aujourd'hui en pleine transformation, avec ses solides organisations syndicales et ses multiples moyens d'action sur la vie publique et sur le processus économique, ces formes d'action appartiennent à un passé à jamais révolu. Ce n'est donc pas là qu'il faut chercher l'actualité de R. Luxembourg. Luciano Amodio la trouve dans le fait qu'elle fut la première, sinon la seule, à voir - et ensuite à subir - la contradiction entre le mouvement social-démocrate tel qu'il s'était formé depuis 1889 et les tâches nouvelles qui se posaient à lui dès les premières années du xxe siècle. Les secousses révolutionnaires de 1905 en Pologne et en Russie coïncident avec la fin de l' « ère victorienne », elles marquent « la fin manifeste du système " europocentrique", la dislocation des rapports traditionnels des forces politiques (...). Avec son intuition - vague et encore prisonnière du langage traditionnel - . d~ 1~ fonction des masses inorganisées (ce qw eqwvaut, dans le contexte, à « non socialdémocratisantes » et insuffisamment insérées dans le système capitaliste), elle mettait le doigt sur l'élément social le plus dynamique de l'époque nouvelle, sur le produit réel de l'action désagrégatrice (et libératrice) exercée par le capitalisme sur les sociétés et les zones arriérées du monde (p. 24). )) Dans 'L' Accumulation, R. Luxembourg « commence à entrevoir la marche réelle des événements futurs. La coupure historique ( désormais, plus qu'idéologique) est déjà présente dans les aspects envisagés de l'impérialisme : d'un côté, le problème non résolu de la révolution occidentale (qui se pose comme révolution jnterne au système, comme son renversement - par métamorphose d'absorption ...); de l'autre, la révolution, mondiale qui se particularise comme révolution coloniale et semi-coloniale (p. 58). » Ces citations suffisent pour montrer l'ampleur des problèmes devant lesquels le socialisme contemporain est loin d'avoir défini des positions _nettes.Il n'a toujours pas développé assez clairement sa doctrine de la socialisation 7 , c'est-à-dire 7. Le parti socialiste autrichien est le seul à l'avoir fait avec assez de netteté, dans son programme rédigé par Benedikt Kautsky. · • 1
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