92 savants éminents, adversaires de Williams, furent déclarés ennemis du peuple et son système, soutenu par Staline, fut rigoureusement imposé dans toutes les régions du pays (ibid.). Ainsi, toute opposition au système de Williams présentait, sous Staline, un danger certain. A quelques rares exceptions près, la grande masse des agronomes, académiciens et professeurs soviétiques, s'était ralliée à ce système rétrograde devenu doctrine officielle du Parti. Pendant plus d'un quart de siècle, les cadres savants et enseignants de l'agronomie et les praticiens de l'agriculture ont reçu dans les écoles une formation strictement conforme aux thèses de Williams. Le fameux... ...plan stalinien de transformation de la nature, adopté en 1948, était, lui aussi, fondé sur le système de Williams. Ses auteurs avaient limité cette transformation à la mise· en vigueur, dans toute !'U.R.S.S., de la rotation des cultures avec alternance des champs herbeux, et à l'implantation par l'Etat de plusieurs bandes forestières de protection (ibid.) . Il est difficile de citer ici toutes les critiques acerbes et les sarcasmes que Khrouchtchev a décochés devant le Comité central de mars 1962 à feu l'académicienWilliams, jusque-là maître incontesté de l'agronomie soviétique, mais dorénavant voué aux gémonies : Il est évident que le système des champs herbeux est nuisible. Mais on ne peut pas dire que ses partisans aient renoncé à leurs positions. Ils s'efforcent opiniâtrement de les défendre (...). Cela prouve que les travailleurs de l'agriculture n'ont pas encore tous compris l'obligation de rejeter résolument ce système et d'en adopter un autre, plus intensif, permettant une utilisation plus rationnelle de chaque hectare de terre (...). Les partisans de Williams savent éluder nos décisions (ibid.) • Khrouchtchev avoue que pendant plus de trente ans des dommages énormes ont été infligés à l'agriculture par l'application, strictement obligatoire, d'un système nuisible. Bien entendu, le Parti, dans sa sagesse, ne pouvait de lui-même commettre une erreur aussi colossale. Les vrais responsables de ce tragique malentendu sont, naturellement, Staline et les savants qui l'ont induit en erreur, autrement .dit Williams et ses disciples, lesquels, même après l'abolition du , culte de la personnalité, n'ont pas renoncé au système des champs herbeux. On sait avec quelle âpreté Khrouchtchev fustige dans ses discours les responsables d~s établissements agronomiques de recherche ou d'enseignement, auxquels il impute toutes les lacunes en matière agricole. Cette can1pagne de dénigrement est devenue particulièrement violente au moment où l'évolution des choses a entraîné le Comité central à faire volte-face, à abandonner le système extensif de l'agriculture pour tenter de le remplacer par un système intensif. · BibliotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE .COMMUNISTE COMMETOUJOUReSn U.R.S.S., dans cette volte-face le détenteur du pouvoir ne peut échapper au cercle vicieux du « mensonge déconcertant » inhérent au régime. D'un côté, il menace les · partisans de Williams, qui « éludent ses décisions», . de l'autre, il veut trouver chez les savants un courage civique et une indépendance de convictions devenus rarissimes chez les survivants de. l'ère stalinienne. Pour Khrouchtchev, la science mitchourienne soviétique ne peut être· mise en question. Il ne manque jamais de louer les brillants résultats obtenus par les sélectionneurs russes de plantes alimentaires et les travaux « si prometteurs » de Lyssenko pour améliorer le cheptel bovin: Voilà pourquoi je répète que nous ne devons pas vilipender notre science agronomique. Quel avantage aurions-nous à la dénigrer ? Cela ne peut que servir nos ennemis. Camarades, je suis pour la critique. Mais elle doit être fidèle aux principes, elle doit viser les erreurs et les défauts particuliers. Je pense que la critique adressée ici au camarade P. A. Vlassiouk, est juste. J'aurais voulu moi-même le critiquer encore davantage pour son manque de sérieux à notre conférence et pour son système des champs herbeux. On ne devrait . pas parler comme il a parlé ici. Ce n'était pas un discours, mais un exercice acrobatique. Quand vous avez commis une erreur, venez et dites franchement que vous vous êtes trompés ! Mais pour le cainarade Vlassiouk, ce n'est pas lui qui était dans l'erreur, c'est le Parti. Selon lui, il ne faisait qu'exécuter les directives du Parti en propageant son système. Pourquoi, camarade Vlassiouk, essayez-vous de rejeter sur le Parti le blâme mérité par vos propres erreurs ? C'est malhonnête! A vous entendre, c'est le Parti qui a élaboré ce système : les savants n'ont fait que l'appliquer! En fait, c'est exactement le contraire : ce sont les savants qui ont proposé ce système et qui ont tenu à ce qu'il soit appliqué dans tous les kolkhozes et sovkhozes soviétiques. Il est clair, camarade Vlassiouk, que vous ne comprenez pas ce qu'est le Parti et que vous avez une conception erronée de vos devoirs de membre du Part~. Vos déclarations témoignent de votre manque de principes. Dorénavant, vous allez certainelnent répéter mes paroles et proclamer en tous lieux : « Le camarade Khrouchtchev a dit ceci et cela! » Suis-je la plus haute autorité en matière de science agronomique ? C'est vous qui êtes le président de l'Académie d'agriculture de la République d'Ukraine. Moi, je suis le secrétaire du Comité central. En ces matières, c'est vous qui devez me venir en aide,. ce n'est pas à moi de vous guider. Je peux faire erreur et, dans ce cas, vous devriez, en tant que savant honnête, me dire : , « Camarade Khrouchtchev, vous n'avez pàs bien compris cela.» Si vous m'exposez les choses correctement, je vous en remercierai ! Mais supposons que j'aie tort et que vous déclariez : « Le camarade Khrouchtchev a dit cela et je l'appuie! (...) .>> C'est de la flagornerie, è'est du conformisme. ·Or, quand. il s'agit de la science, le èonformisme est intoiérable. La flagornerie est intolérable partout, mais pour un savant - c'est la mort ! 15 15. Discours du 22-12-61 aux agriculteurs d'Ukraine, in Pravda du 25-12-61.
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