E. DELIMARS cette académie accepta sa démission et élut à sa place M. A. Olchanski (Pravda, 6-4-62). Pourtant, la santé du président démissionnaire ne semble point défaillante. Il est toujours directeur de l'Institut de génétique et poursuit plus activement que jamais ses travaux personnels d'élevage à la station expérimentale de Gorki Léninskié. En janvier 1963, il fit les honneurs de cette station à un groupe de savants soviétiques auxquels il montra son fameux troupeau de vaches qui donnent un lait très gras (Pravda, 21-1-63). Quelle est donc la raison réelle de cette démission inattendue qui, dans le climat soviétique, prend aussitôt l'allure d'une disgrâce ? S'agit-il, comme en 1956, d'une éclipse partielle ou bien est-ce l'indice d'un revirement du Parti à l'égard de ce coryphée de la biologie soviétique, si souvent porté au pinacle par Khrouchtchev en personne ? Que s'est-il passé ces dernières années pour que Lyssenko soit obligé d'abandonner de nouveau la présidence de la VASKhNIL ? Deux facteurs tout à fait indépendants l'un de l'autre ont forcé le Parti à réviser sa position. Le premier, et de loin le plus important, c'est la débâcle du rendement des kolkhozes et sovkhozes, l'inexécution permanente des plans annuels imposés à l'agriculture et à l'élevage. Ni l'appoint fourni par la mise en valeur des terres vierges, ni l'obligation de cultiver le maïs - cette panacée de Khrouchtchev, - ni ses appels constants à l'ardeur et à l'abnégation des « bâtisseurs du communisme » à la campagne, ne purent sauver sa politique agraire. Aucun artifice de statistique, aucun faux en écritures, comme ceux qui lui permirent naguère d'annoncer la victoire de !'U.R.S.S. sur les Etats-Unis dans la production de beurre par tête d'habitant, ne peuvent plus camoufler le fiasco 13 • - Après les vantardises ronflantes, après les coups de grosse caisse de propagande destinés à annoncer les succès futurs de sa politique agricole, Khrouchtchev a dû déchanter, importer du blé d'Amérique et avouer : Pourquoi le Parti et tous les Soviétiques éprouvent-ils une grande inquiétude devant l'état de l'agriculture ? C'est parce que les exigences ont radicalement changé ! Nous ne nous occupons plus maintenant de gagner quelques pour-cent dans la production du blé, de la viande, du lait. Ce n'est pas de phrases creuses sur la solution du problème du blé dont nous avons besoin, mais de grain et autres produits (...). Ce qui_nous est nécessaire, ce n'est pas de jongler avec les chiffres sur la solution de ce problème, mais de retourner effectivement la situation, de couvrir entièrement les besoins du pays· en céréales alimentaires et fourragères (...). Il ne suffit pas de comprendre la nécessité d'un brusque tournant dans ce secteur le plus important de notre édification [du communisme]. Il est indispensable de 13. Cf., par ex., les articles très bien documenté~ de Lucien Laurat dans la revue Est et Ouest de ces dernières années. Biblioteca Gino Bianco 91 réorganiser tout le travail, tant dans la direction que dans la production. Il faut trouver les moyens les plus efficaces d'exploiter la terre 14 • Or, contre toute évidence, le Parti refuse obstinément d'admettre que la cause essentielle du mal dont souffre l'économie agraire est la sourde opposition des paysans au régime kolkhozien et sovkhozien et le manque de main-d'œuvre masculine. Il fallait donc trouver d'autres responsables de l'échec et reconnaître que depuis plus de trente ans on impose au pays un régime aberrant d'exploitation de la terre : Cette nécessité impérieuse n'avait fait qu'effleurer la conscience de beaucoup de dirigeants du Parti, surtout de ceux qui travaillaient dans l'agriculture. D'un côté, nous :fixions des rythmes plus intenses au développement de l'économie agraire et planifions en fonction de nos besoins l'accroissement de la production du blé, de la viande, du lait ; de l'autre, nous voulions faire entrer, coûte que coûte, les grandes tâches nouvelles dans le schéma de l'assolement à herbes fourragères, dans le système de rotation de ces plantes. Pareille tentative (...) ne pouvait rien donner. Elle a ralenti le développement de l'agriculture et surtout de l'élevage. Nous avons rencontré des difficultés pour organiser sans à-coups la fourniture de la viande et de certains autres produits (...). Le Comité central n'ignore pas que la viande a parfois manqué dans le commerce (...), non pas que quelqu'un n'ait pas en temps utile ouvert des crédits ou ait mal organisé la vente, bien que cela arrive parfois : le fait est que nous manquons tout simplement de viande (ibid.). La constatation d'un résultat aussi lamentable au printemps de 1962 imposait à Khrouchtchev un revirement brusque dans sa politique agraire : Au fond, c'est depuis que la petite exploitation paysanne a été remplacée par les grandes exploitations collectives que nous pratiquons le système d'assolement avec rotation des champs herbeux. Il a fallu alors choisir un système qui devienne le fondement de l'économie agraire socialiste. A cette époque, deux écoles de savants agronomes s'affrontaient : celle de l'académicien V. R. Williams, pour lequel le système d'assolement avec rotation de champs herbeux était le seul possible pour !'U.R.S.S.; celle de D. I. Mendeléev, K. A. Timiriazev, D. N. Prianichnikov, etc., qui, sans nier l'importance du trèfle et de la luzerne, estimait que l'agriculture soviétique devait s'engager dans la voie du développement intensif grâce à sa mécanisation et à ·sa « chimisation », en utilisant largement les engrais minéraux et organiques et en employant les cultures de légumineuses. Le système de Williams n'était, au fond, que l'antique système primitif d'agriculture, quelque peu aménagé. Alors que le paysan laissait jadis la terre se reposer pendant de nombreuses années, Williams avait réduit ce délai par la culture d'herbes fourragères et, au bout de deux ou trois ans, remettait le terrain dans le circuit des labours. Dans son essence, c'était là un système extensif. Une lutte ardente s'est développée entre les tenants de ces deux écoles. Elle a fait des victimes. Certains 14. Discours du 5-3-62 au Comité central, in Pravda du 6-3-62.
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