Documents ART ET ANTISÉMITISME ·SOVIÉTIQUES UNE <<LITTÉRATURE» non conformiste, manuscrite ou dactylographiée, de plus en plus abondante, circule en U.R.S.S. ces dernières années. Des récits, des poèmes, des textes de toutes sortes passent de main en main, recopiés, et vont se multipliant. Quelques-uns filtrent à travers la frontière et attei~ent l'Occident. Autrement dit, la liberté d'expression n'a pas fait de grands progrès dix ans après la mort de Staline, mais les risques de répression policière quant à la transmission illégale des écrits défendus sont sensiblement moindres et les jeunes intellectuels subversifs en profitent peu ou prou, n'ayant pas vécu en adultes les années terribles des massacres en série et des déportations en masse. C'est ainsi que deux laïus non divulgués dans la presse soviétique, l'un du poète E. Evtouchenko, l'autre du cinéaste M. I. Romm, prononcés lors des discussions de l'hiver 1962-1963 à Moscou sur l'art et le réalisme, ont cheminé jusqu'en Amérique où, dans son ultime numéro, le Courrier socialiste en a donné le texte. A notre tour, nous en offrons la traduction française. Celui d'Evtouchenko a été prononcé en décembre 1962 à l'une des réunions d'intellectuels convoquées par la « commission idéologique » du Comité central communiste pour mettre au pas les écrivains et les artistes coupables de quelque originalité relative. Celui de Romm a été prononcé en mars 1963 à la réunion des travailleurs du théâtre et du cinéma. Ces discours ont circulé en versions diverses, identiques quant au fond, nuancées quant à la forme : les destinataires ont pris soin de les collationner pour en établir une aussi sûre que possible. Evtouchenko traite principalement de la peinture abstraite, tandis que Romm traite exclusivement du cinéma. Mais tous deux n'ont pu éviter de parler en même temps de l'antisémitisme communiste qui empeste la vie soviétique depuis Staline. Il y a du mérite à dénoncer, en présence de dirigeants, la variante stalinienne de l'hitlérisme, car nul n'ignore dans les milieux cultivés de !'U.R.S.S. qu'il s'agit là d'une politique décidée en haut lieu, d'une initiative de Staline mise en œuvre par son entourage et continuée sous une forme moins sanguinaire, mais obstinément continuée par le pouvoir omnipotent du Parti unique, donc de l'oligarchie dirigeante. Les opinions d'Evtouchenko et de Romm sur l'art leur appartiennent en propre: nous ne les reproduisons qu'à titre documentaire et surtout parce qu'elles sont inséparables des vérités dites sur les persécutions racistes qui ne cessent de s'étendre sous le pseudo-libéralisme des héritiers de Staline. INTERVENTION D'EVTOUCH·ENKO JE VEUX.. avant, tout remercier les dirigeants du Parti et du gouvernement de me donner la possibilité de prendre la parole. Permettez-moi de commencer mon intervention par les derniers vers d'un poème écrit par moi récemment et que je considère comme étant de circonstance : Il n'y a pas de sang juif dans mon sang, Mais je suis odieux A tous les antisémites, comme un juif, Et c'est pourquoi je suis un vrai Russe. Biblioteca Gino Bianco KHROUCHTCHEV. - Camarade Evtouchenko, ce poème est déplacé ici. · EVTOUCHENKO. - Estimé Nikita Serguéïévitch, je me suis spécialement arrêté sur ce poème et voici dans quelle intention. Nous savons tous que personne n'a fait plus que vous pour liquider les conséquences négatives du culte de la personnalité de Staline et nous vous en avons tous une grande reconnaissance. Mais une question demeure, qui est également une conséquence négative de ce temps-là et qui n'est toujours pas
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