N. VALENT/NOV Pour neutraliser les critiques antibolchéviques contenues dans l'ouvrage, on chargea Sarabianov d'écrire la préface; il s'exécuta en prenant soin d'indiquer que Grinetski « n'est pas un grand ami du régime soviétique, mais un homme très au courant des problèmes économiques » et qu'en ce qui concerne le plan économique, qui préoccupe fort les esprits soviétiques, « nous ne disposons que d'un ouvrage, celui du professeur Grinetski ». Son livre fut, en effet, le premier ouvrage de ce genre. Il suscita par la suite un grand nombre de publications consacrées à la restauration et à la planification de l'industrie. Influencé par la lecture de cet ouvrage et par les entretiens qu'il eut avec Krjijanovski, Krassine et d'autres ingénieurs qui n'étaient pas communistes, Lé~e décida de créer le premier organisme de planification de la Russie. Sous le nom de Goelro (Commission d'Etat pour l'électrification de la Russie), cet organisme eut pour tâche d'établir, pour une période de dix ou quinze ans, le plan d'industrialisation des principales branches économiques du pays, des branches industrielles principalement. · Durant de longs mois, une foule de techniciens se penchèrent sur les problèmes économiques et techniques posés par ce plan. Ces travaux permirent d'éditer, à l'occasion du VIIIe Congrès des Soviets (1920), Le Plan d'électrification de la R.S.F.S.R., recueil d'articles auquel collaborèrent, comme au Goelro, en dehors de Krjijanovski, président de cette commission, les professeurs Choulguine, Ramzine, Ossadtchi, Graftio, Kroug, Ougrioumov, Rosenkampf, Lapiro-Skoblo, Doubeller et autres. Ce plan fut entièrement l'œuvre de techniciens sans-parti (tous «liquidés », par la suite, sous l'inculpation de sabotage). Les communistes, qui ne connaissaient la science économique que par quelques brochures de Marx, ne purent rien apporter d'utile au plan d'électrification. Néanmoins, en vertu des pouvoirs dictatoriaux dont ils étaient investis, ils essayèrent de prendre le commandement du Goelro, mais Lénine les rappela promptement à l'ordre: La tâche des communistes au Goelro est de commander un peu moins, plus exactement de ne pas commander du tout. Nous avons beaucoup de ces communistes-là et j'en donnerais des douzaines pour un technicien bourgeois consciencieux, ayant étudié et connaissant son affaire. Lénine comprenait que quelle que soit la portée du plan d'électrification (« le communisme, c'est le pouvoir soviétique plus l'électrification»), celui-ci ne pourrait pas résoudre à lui seul le problème de la reconstruction et du développement de l'industrie. Lénine voulait planifier non seulement la production de l'électricité et la construction de grandes centrales électriques, mais aussi planifier par la suite le plus grand nomb~e possible de secteurs de la vie économique. Biblioteca Gino Bianco 81 C'est à son initiative qu'est due la création du Gosplan (Commission du Plan général d'Etat), · dont les statuts furent approuvés par le Conseil des commissaires du peuple le 22 février 1921. Selon les directives que Lénine lui avait assignées, le Gosplan avait pour tâ~he de ~e~e au point le plan économique de 1 Etat, d mdiquer les moyens de :financement et l'ordre d'urgence, d'examiner et de coordonner avec le plan d'Etat les programmes et propositions émanant des différentes administrations régionales. Le plan d'électrification du Goelro (~evenu, après la création du Gosplan, une se~,on de celui-ci) avait été établi pour êtr~ _réalise ~~s un délai de 10 à 15 années. Or, Lenme qualifiru.t d' « utopie bureaucratique » un pl~ écon~miq~e échelonné sur une aussi longue pénode ; il estlmait que, dans la conjoncture où se ~ouvaj.t ~a Russie, le plan ne devait et ne pouvru.t prevotr que des objectifs pour l'année en cours. De surcroît sa réalisation devait se faire «morceaupar morcea~ », en commençant par le plus important. Ces instructions très sensées de Lénine donnent une idée du réalisme et de la prudence qui l'animaient dans les dernières années de sa vie. Elles furent abandonnées après sa mort. Au lieu de plans annuels, on se mit à échafauder des p_lans triennaux, puis quinquennaux ; on les compliqua de plus en plus en y inc~rpo~t. des éléme~ts toujours plus nombreux. C est ams1 que le qumquennat de 1924-25-1929-30 2 , revisé ensuite et transformé en un autre quinquennat de 1925-261930-31, fut à son tour converti en quinq~e;1111at de 1928-29-1932-33, lequel, revu ~t comge en 1928, fut présenté au monde ,.enner coD?-IDe. le premier plan quinquennal, d illustre memorre. Quand on étudie les trois phases du premier quinquennat, une chose saute .a1!X, y~~ : _p~us on avance, plus le plan, cons1dere a 1or1gme comme moyen d'orientation, _comme~~ul hypothétique de ce qui est possible e! d~srr~ble, se transforme en prikaze, ~n ordre imperatif., (Par la suite Staline fera fusiller les gens accuses de n'avoir 'pas atteint les objectifs fixés.) Autre chose : les plans d'industri~sation deviennent de plus en plus des pl~s de sunnd~strialisation. Après chaque réuruon que ~taline (ignorant pour ainsi dire Rykov, Boukharm~ et Tomski) tient au Kremlin avec Molotov, ~owby- .chev, Mikoïan, Ordjonikidzé, Kaganov1tch et Vorochilov, les plans se font ,de plus en plus ambitieux : «Rattraper et depa~ser les P,ays capitalistes. » Les auteurs du qumquelll?-a!etablissent deux variantes du plan : l'une, mmimale, l'autre, optimale. L'exéc}ltion du _plan ~al soulèverait à elle seule d'enormes difficultes. Sans réfléchir davantage, Staline ratifie le plan optimal. 2. A l'époque, l'année économique partait non du 1er janvier, mais du 1er octobre, ce qui explique que ce plan couvrait une période allant du 1er octobre 1924 au 1er octobre 1930.
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