Le Contrat Social - anno VIII - n. 2 - mar.-apr. 1964

N. VALENT/NOV DANS LE ~ME MOMENT, la fin matérielle de la nep fut consommée. En réalité, l'abolition de la nep fut beaucoup plus rapide que les décisions des congrès, les conférences du Parti et les réunions du Comité central le laisseraient croire. A considérer l'un des points essentiels de la doctrine de l'opposition - la mise en vigueur immédiate de la collectivisation, - il faut admettre que jusqu'à 1929, elle n'eut pas le moindre succès. De 1924 à 1928, en dépit de tous les avantages accordés, les kolkhozes ne réussirent à englober que 416.000 fermes sur les 24.989.000 existantes, soit 1,7 %- Mais en 1929, le pourcentage des entreprises paysannes collectivisées s'élève d'emblée à 4 % ; en 1930, à 24 %; en 1931, à 53 %; et en 1932, il atteint 62 %-Sous la pression inhumaine des autorités, le mouvement continue et en 1938 le secteur co~ectivisé englobe la quasi-totalité des entrepnses paysannes. . D'autres revendications de l'opposition, mortelles pour la nep, furent satisfaites avec plus d'empressement encore entre 1923 et· 1928. Grâce au système des livraisons obligatoires de grain, de coton, de betteraves sucrières, de lin, grâce aussi à l'infime rémunération de la production agricole et à la hausse systématique des articles de l'industrie socialisée, il y eut un véritable « pompage » des ressources de l'entreprise paysanne dans la caisse de l'industrie d'Etat. Les prix de détail des biens de consommation dans le commerce d'Etat et les coopératives étaient deux fois plus élevés qu'avant la guerre ; mais la ville accaparait les articles manufacturés et les prix industriels atteignaient bien souvent dans les campagnes le triple ou le quadruple des prix d'avant guerre. Or les organisateurs du plan de la collecte (voir les Chiffres de contrôle de l'économie nationale pour 1929-30, p. 580) ne payèrent aux paysans, en 1926-27, pour la production céréalière, que 18 % de plus qu'avant la guerre et, en 1927-28, 29 %-Le rapport des prix industriels et des prix agricoles qui, déjà sous le tsarisme, désavantageait à l'extrême les paysans, devint tout simplement ruineux pendant la nep. Par suite du prix scandaleusement bas du froment et du seigle, le pain était vendu si bon marché que l'on vit le paysan écouler une partie de son avoine et se rendre en ville pour acheter, avec l'argent récupéré, du pain destiné à alimenter son bétail: On achète du pain pour nourrir le bétail, s'écria Rykov dans un discours (juillet 1928). Cet exemple suffit pour que chacun comprenne que dans un certain nombre de régions, notre économie va déjà à contresens (Rykov : La Période actuelle et les tâches du Parti, p. 20). Le désir de l'opposition de « pomper » les ressources de l'entreprise paysanne ou, selon l'expression de Préobrajenski, d' « exploiter les formes présociali~tes », se réalisait également Biblioteca Gino Bjanco 79 d'une autre façon. L'opposition réclamait une augmentation croissante des impôts ; et c'est ce qui arriva. Les impôts prélevés sur la population agricole (voir les Chiffres de contrôle pour 1928-29, p. 451) atteignirent, en 1925-26, 347 millions de roubles; en 1926-27, 494 millions; et dès 1927-28, 759 millions. En trois ans, l'imposition des campagnes fit plus que doubler (119 %), alors que leurs revenus, selon le Gosplan, n'augmentèrent que de 17 % au grand maximum (ibid., p. 449). . Ainsi, le paysan, qui devait acquitter sa part sociale aux coopératives, souscrire aux emprunts, s'imposer lui-même pour les besoins locaux, etc., n'avait pas la vie douce. D'où les grèves paysannes de 1928, les campagnes refusant de livrer leur blé à vil prix. L'opposition, qui voulait que le commerce privé fût mis en coupe réglée, vit ses désirs comblés. Quand Lénine décréta la nep, le commerce privé occupa très vite la première place dans la vente au détail. Cela lui fut d'autant plus facile que l'Etat ne disposait alors d'aucun système de distribution. Cependant, les persécutions contre le commerce privé commencèrent dès l'avènement de la nep. Tout d'abord, on interdit au capital privé de disposer d'une organisation de vente au détail ; après quoi, on lui coupa tout crédit; puis on lui retira le droit de recevoir des marchandises dites « déficitaires », c'est-à-dire les articles les plus demandés. Pour se procurer des marchandises, les commerçants eurent recours à toutes espèces de trafiquants, organisèrent de pseudo-coopératives, perdant ainsi de plus en plus leur position légale sur le marché. Dès 1925, dans plusieurs villes de province, le commerce privé n'existait plus : la Tchéka et les comités du Parti l'avaient supprimé. Les impôts frappant les commerçants et les fabricants privés s'accroissaient sans arrêt. Compte tenu des emprunts obligatoires, commerçants et fabricants versèrent, en 1925-26, 91 millions de roubles, et, en 1926-27, 199 millions, soit plus du double. En butte aux tracasseries administratives, persécutées, écrasées d'impôts, les entreprises privées fermaient les unes après les autres. La nep se mourait, bien que le Comité central d'avril 1928 ait démenti les bruits qui couraient sur son abolition prochaine en les qualifiant d' « agitation néfaste des koulaks, des nepmans et de leurs auxiliaires ». Rien n'est plus caractéristique de l'agonie de la nep que les chiffres relatifs à l'effondrement du commerce privé à cette époque. La statistique soviétique estimait qu'en 1924, la part du commerce privé, parvenu à son apogée, représentait 57 % de l'ensemble des courants d'échanges; en 1926-27, cette part ne représentait plus que 36 %; et en 1928, 22 %, voire, suivant d'autres données, 20 % (Chiffres de contrôle pour 1928-29, p. 436). Ainsi, lorsque l'opposition réclamait

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