78 chez nous de 40 à 50 pouds. Les possibilités d'accroître le rendement par des moyens relativement élémentaires tels que la substitution de la charrue à l'araire, l'amélioration des semences, l'utilisation des engrais sont immenses. Dans ces conditions, ignorer l'exploitation agricole individuelle, ne pas se soucier de la développer, faire croire aux paysans qu'ils ne peuvent améliorer les méthodes de culture et obtenir des récoltes supérieures à celles d'aujourd'hui, c'est conduire le pays à de nouvelles crises. Et voici l'autre discours. Menteur, hypocrite, Staline, qui avait déjà commencé en secret à envisager avec son entourage (Kalinine, Molotov, Vorochilov, Kouïbychev, Andréïev, Mikoïan, Kaganovitch) une action décisive contre le paysannat, estimait que l'heure n'était pas encore venue de modifier la ligne générale : Certains croient que l'entreprise paysanne individuelle a épuisé toutes ses possibilités et qu'elle ne vaut pas la peine d'être défendue. C'est une erreur. Ces gens-là n'ont rien de commun avec la ligne que suit le Parti. Jetant une pierre dans le jardin de Rykov, Staline déclara que «nous n'avons besoin ni de détracteur ni de chantre de l'entreprise paysanne individuelle». Déformant les conceptions de Rykov, polémisant avec lui sans le nommer, il s'écria : Ceux qui veulent éterniser les classes ne sont pas des révolutionnaires prolétariens, mais qes philosophes paysans, désireux de maintenir l'alliance avec le paysannat au moyen de cotonnades en oubliant le métal. Ce qui voulait dire que ces communistes-là n'attachent pas assez d'importance à l'industrialisation et au développement de la grande industrie. Abordant les événements de 1928, Staline ajouta: Il y a eu une recrudescence de mesures extrêmes, il y a eu de l'arbitraire administratif, des infractions à la légalité révolutionnaire, des fouilles, des perquisitions illégales qui ont aggravé la situation politique dans le pays et créé une menace pour l'alliance des ouvriers et des paysans. Etait-ce le divorce entre les ouvriers et les paysans ? Non, ce n'était pas le divorce. Mais c'était une menace pour leur alliance. Or quelle est la cause réelle de nos difficultés actuelles ? L'émiettement de l'agriculture. Avant la guerre, on comptait 16 millions de fermes, il y en a aujourd'hui 25 millions. Où est l'issue ? La voici : il faut : I. relever le niveau de la petite et moyenne entreprise paysanne ; 2. grouper progressivement les petites et moyennes entreprises ·paysannes dans de grandes exploitations collectives ; 3. donner une vie nouvelle aux vieilles fermes d'Etat. L'objectif essentiel, dans la période que nous traversons, est de compléter la· première tâche par deux nouvelles tâches pratiques. Staline n'abattait pas encore ses cartes. Mais à Moscou, rares étaient ceux qui, parmi les gens touchant de près lès sphères dirigeantes, ne comprenaient pas que le discours ·de Rykov était son chant du cygne, que les jours-de l'entreBibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL prise paysanne individuelle étaient comptés. Dès ce moment, Rykov, Boukharine et Tomski, défenseurs conséquents de la nep, étaient en minorité au Politburo. Staline s'y conduisait déjà en maître, ainsi qu'au Comité central où · les partisans de la nep étaient de plus en plus noyés parmi ses créatures. · Le Comité central se réunit du 16 au 24 novembre 1928. Inspiré par Staline et par ses lieutenants, il se mit à préparer l'éviction de Rykov, Boukharine et Tomski qui gênaient tant au Politbureau qu'au Comité central. La résolution adoptée est significative : La déviation de droite remonte à la surface. Elle tente de freiner le développement de la grande industrie et adopte une attitude méprisante ou négative à l'égard des kolkhozes et des sovkhozes. La déviation de droite est à l'heure actuelle le principal danger, le Parti ayant obtenu dès maintenant des succès décisifs dans la lutte contre l'idéologie trotskiste. Quatre mois s'écouleront encore et la réunion du Comité central tenue du 16 au 23 avril 1929, c'est-à-dire au début de la collectivisation forcée, décidera de destituer Boukharine et Tomski de tous leurs postes (du Parti, de l'Internationale communiste et du Conseil central des syndicats soviétiques) et d'adresser de surcroît un blâme à Rykov: · Les accusations inouïes portées contre le Parti quant à un prétendu glissement de celui-ci en direction des positions trotskistes, les attaques calomnieuses lancées contre lui à propos d'une exploitation féodale-militaire du paysannat [Boukharine dixit] soulignent le caractère fractionnel du groupe de Boukharine. Or, l'exploitation féodale-militaire des paysans était déjà commencée. Sept ans après, Trotski, depuis longtemps chassé à l'étranger par Staline, évoquant le passé, écrivit dans le Bulletin d_e l'Opposi.tion (n° 43, avril 1935) qu'en 1928 l'opposition remporta une grande victoire idéologique. Elle obligea le Parti à adopter ses conceptions, le forçant à s'engager dans cc la voie de l'industrialisation, puis de la collectivisation ». Grâce à l'assimilation par le Parti des idées de l'opposition et au prix d'immenses pertes [pour l'opposition] les conquêtes sociales fondamentales de la révolution d'Octobre ,purent néanmoins être préservées. . Trotski est mort sans avoir compris qu'avec · son «orthodoxie» marxiste il n'a été que le précurseur de Staline, le fourrier du despotisme stalinien. Voilà quels cheminements a empruntés la ligne du Parti à dater de 1923, de la nep à la · doctrine de l'opposition et à la loi de l' cc accumulation socialiste » de Préobrajenski. Ce furent là les obsèques idéologiques de la nep.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==